Créé en 1993 pour le pipe club de Kansas City, le Boston 1776 avait pour but – et je cite le texte sur la boîte – de célébrer la qualité exceptionnelle des tabacs des Etats-Unis d’Amérique. De là le nom à consonance nationaliste. Avec le recul, cet éloge du tabac états-unien interpelle. Comment est-il possible qu’à peine un quart de siècle plus tard, Mike McNiel a définitivement fermé les portes de McClelland parce qu’il ne trouvait plus sur le sol américain des tabacs dont la qualité correspondait à ses exigences ? La culture de l’herbe à Nicot aurait-elle vraiment dégénéré à ce point-là ?
Hommage oblige, le Boston 1776 est fait avec des ingrédients de qualité : le mélange de virginias blonds, orange et rouges est vieilli pendant cinq ans avant d’être pressé en cakes, maturé encore et finalement découpé en flakes.
Quand je tire la languette du couvercle en alu, un tsunami d’acidité volatile déferle brutalement dans mes narines. On dirait du pur vinaigre de tomate. Une fois cette vague passée, je découvre le nez à proprement parler. Pas de surprise, voilà les arômes archétypiques d’un grand VA mcclellandien : ketchup, sauce barbecue, sirop de candi, sauce soja. On a beau connaître par cœur ce genre de nez intense, complexe et à nul autre pareil, l’ouverture d’une boîte de virginia des McNiel reste toujours un étonnant uppercut olfactif.
Par rapport aux couleurs sur la photo, à 14 ans les tabacs ont visiblement foncé. Les petits flakes épais contiennent des fragments fauves, mais ce sont le brun foncé et l’anthracite qui dominent. Il faut prendre le temps de les réduire en brins facilement bourrables, sinon on obtient de compacts morceaux de broken flakes qui risquent de causer des problèmes de combustion.
Les premières bouffées me rappellent le Dark Star et le Blackwoods Flake. C’est tout à la fois sucré, acide, salé, épicé et umami. A 14 ans, le Boston 1776 ne montre aucune trace d’usure. Au contraire, la fumée est intense, pleine de vie et évolutive. Le premier tiers passé, se développent un goût de café et des notes boisées qui s’harmonisent bien avec le côté épicé. L’exubérance du premier tiers s’estompe, les saveurs deviennent plus sombres et se fondent en un tout équilibré dans lequel on reconnaît moins les goûts individuels du début.
Il n’y a rien à craindre côté puissance. On reste dans une moyenne civilisée. Malgré leurs acides toujours présents, les virginias ne se montrent aucunement agressifs. Quant à la combustion, elle ne pose aucun problème à condition d’avoir bien préparé le tabac.
C’était ma seule et unique boîte de Boston 1776. Une fois de plus, je me rends compte à quel point les virginias spectaculaires et sans égal de McClelland m’émeuvent. Et à quel point ils me manqueront quand mon stock qui diminue petit à petit, sera épuisé.
Le Black Flake fait partie de la gamme Heritage basée, comme l’indique le site web de Kopp Tobaccos, sur des recettes anciennes. Lisez sur des recettes de feu Dunhill. En l’occurrence, le Black Flake serait du Dark Flake ressuscité. J’emploie le conditionnel pour une bonne raison : alors que le Dark Flake était sans conteste un VA/perique et que certains sites de vente mentionnent la même composition pour le Black Flake, d’autres civettes en ligne et Tobaccoreviews affirment que le McConnell contiendrait également du black cavendish. Or, de son côté, Kopp signale sur ses boîtes uniquement la présence de virginias foncés. Une fois de plus, c’est l’embrouille.
Certes, ce sont des flakes. Mais black ?? Je ne vois que des teintes brunes et des fragments fauves. En réalité les flakes sont moins foncés que le Dark Flake de Dunhill. J’ai donc du mal à croire que ce mélange contiendrait du black cavendish. D’ailleurs le nez le confirme : je sens des odeurs de boulangerie-pâtisserie et des arômes de fruits secs, donc une classique combinaison de VA/perique dont l’Escudo est l’archétype.
Les premières bouffées m’étonnent parce qu’elles ne semblent pas correspondre au nez. Certes, je perçois des fruits secs, mais enterrés dans le fond. Par contre, c’est un goût citronné que j’associe davantage à un VA blond qu’à un tabac à base de stoved virginias, qui se trouve en avant-plan. Pareil pour la sucrosité : elle ne développe pas la rondeur à laquelle je m’attends de la part de virginias foncés.
Après l’introduction, la fumée devient nettement plus épicée avec des saveurs de poivre et de gingembre qui causent en bouche une sensation de chaleur que je trouve assez lourde. Le premier tiers passé, des saveurs boisées et terreuses plus sombres prennent le relais sans pour autant tempérer l’acidité citronnée. On est désormais davantage sur un VA/perique poivré et piquant que sur une version qui dorlote les papilles avec une portion de fruits secs.
À partir de la deuxième moitié du bol, les saveurs se fondent en un tout, ce qui peut paraître positif, mais ce tout ne me plaît pas particulièrement. Je juge cet ensemble fatigant et un peu tristounet. Selon mes souvenirs, le Dunhill était autrement plus riche, plus intéressant et plus gracieux. Je ne dirais pas pour autant que le Black Flake soit mauvais, mais personnellement il me barbe.
Pour le reste, rien à signaler : force moyenne, pas de morsure, consumation lente et sans problèmes.
Je viens de relire ma revue du Dark Flake de l’époque Dunhill : Font-ils un tabac ? n°76. Force m’est de conclure que le Black Flake n’arrive pas à la cheville de la version originelle. Ce n’est pas la première fois que je constate qu’un soi-disant clone n’est en fait qu’un piètre ersatz.
Font-ils un tabac ? n°48
Font-ils un tabac ? n°60
Font-ils un tabac ? n°63
Font-ils un tabac ? n°93
Avez-vous remarqué ce que ces pages ont en commun ? Toutes les quatre contiennent un texte dans lequel je prouve, liste des ingrédients déclarés au ministère de la Santé à l’appui, que les bonnes gens de DTM/Dan Pipe ne se gênent pas de nous mentir quand ils affirment que tel ou tel mélange est naturel, sans aucune aromatisation.
Cette fois-ci je ne peux pas le prouver parce que le Dark Moon est une création assez récente et que la liste des tabacs du ministère n’est pas mise à jour. N’empêche que dès que j’ouvre la boîte, mon pif sonne l’alerte : ce prétendu virginia/burley pure nature contient clairement des arômes chimiques. Parce que plutôt que de sentir du virginia et du burley, je découvre un amalgame d’odeurs qui manquent particulièrement de définition et de pureté. A tel point que je suis incapable de décrire ce que je sens. Tout dans ce nez est flou, indistinct et confus. Par ailleurs, quelques jours après l’ouverture, ces odeurs artificielles se sont en grande partie évaporées, ce qui prouve qu’elles ne proviennent pas du tabac en tant que tel, mais d’un sauçage.
C’était à prévoir : en bouche c’est pareil. Je n’ai pas l’impression de fumer un VA/burley naturel, mais un melting-pot d’additifs qui dénaturent tellement le goût de tabac que si ici et là je détecte une trace de burley, il m’est impossible d’identifier le virginia. D’ailleurs, à vrai dire, dans ce micmac je ne saurais dire ce que je goûte. Une chose est sûre : ç’a n’a rien à voir avec un blend naturel. D’ailleurs le nettoyage du conduit d’air le prouve, quelle que soit la pipe : j’ai rarement vu sortir des chenillettes aussi dégueulasses. Beurk.
Evidemment, il existe des mélanges nettement plus horribles que celui-ci. Ce n’est donc pas le genre de blend qui vous horripile. Peut-être même que parmi vous il y en aura qui ne le trouveront pas mauvais. En revanche, il me semble difficile de le trouver bon. En vérité, le Dark Moon manque cruellement de sens et de but. Il me fait penser à ce genre de mixture douteuse qui est le résultat des expériences aléatoires d’un dilettante ignorant qui se prend pour un blender.