Qu'est-ce qu'une pipe ? n°3

par Bernard Mathieu

24/07/17

Quelques réponses simples aux questions complexes que pose l'habitude de fumer la pipe

3ème partie

Pas encore lassé ami lecteur ?
Toujours vaillant pour me suivre dans l'exploration foutraque du mot pipe tel qu'il est expliqué dans mon dictionnaire favori ?
Chapeau !
Ce n'est pas du courage, c'est de l'héroïsme, à moins que ce ne soit de l'aveuglement.
En avant, donc, et poursuivons.
Le dico nous donne maintenant quelques expressions populaires relatives à la pipe. Attention ami lecteur, accroche ta ceinture, ça va tanguer.

Pipe culottée. Se reporter impérativement à :
http://www.fumeursdepipe.net/culottage.htm.
L'article n'est pas signé, mais selon le détective Albert Finot, que j’ai mis sur le coup, le scripteur serait un certain Guillaume Laffly, dont le nom semble être le pseudonyme de l’acteur Britannique : William Lavole, acteur d’une certaine envergure et même d’une envergure certaine, souhaitant garder l’incognito de ce côté-ci de la Manche.

Quoi qu'il en soit, il n'y a pas grand-chose à ajouter à cette somme qui pourrait faire une excellente entrée pour une encyclopédie de la pipe, ou d'autre chose.

Il n'y pas que les pipes qui sont culottées ! Arrêtons nous un instant sur la culottage, si tu veux bien, ami fumeur.
J'étais sûr que tu dirais oui !
J'étais sûr que je verrais s'allumer dans tes yeux une lueur de malice.
La culotte est une valeur en béton !
Que nous dit le dico ?
En parlant d'une personne : Qui a une audace, un aplomb excessifs, proches de l'effronterie.

Elle était devenue culottée et ne manquait pas de répartie (Sartre, dans La Mort dans l'âme, édition de 1949, p. 59).

Sexy Tanga Micrio et dentelle typiquement sartrienne. Etam

Ce qui induit qu'avant de devenir culottée, la dame était déculottée !

Quand je pense que je m'échauffais en feuilletant les pages lingerie du défunt catalogue de Manufrance (Manufacture Française d'Armes et de Cycles ! l'un des pionniers français de la vente par correspondance. Si on se le laissait tomber sur le pied, on était bon pour quarante jours de plâtre !)

Sexy, non ?
Je ne sais pas l'effet que ça te fait, ami lecteur, mais pour moi il s'agit de l'objet le plus attirant que je connaisse. Si elle s'était laissée faire, je serais parti vivre ma vie avec la machine à coudre de ma grand-mère que j'aimais d'un amour tendre et désintéressé (j'aimais également ma grand-mère d'un amour tendre et désintéressé.). Mais à l'époque j'étais fauché. (Pourquoi ricanes-tu ami lecteur? écoute un peu ceci.

Dans une ferme du Poitou,
un coq aimait une pendule.
Tous les goûts sont dans la nature...
D'ailleurs ce coq avait bon goût
car la pendule était fort belle,
et son tic tac si doux si doux.


Paroles de Claude Nougaro musique de Maurice Vander. Ok, je ne suis ni un coq ni Nougaro n'empêche que j'assume, que dis-je, je revendique d'avoir été amoureux d'une machine à coudre.)

Une villa tout entourée d'un jardin et d'un grand mur, et mon frangin, qui était culotté, sautait le mur, traversait le jardin et pénétrait dans la splendide villa (Queneau, Pierrot mon ami ,1942, p. 41).

Berlin 1961

Je suis convaincu que ce jeune homme était persuadé qu'il courait le cent dix mètres haie, oubliant que les précédents JO de Berlin s'étaient déroulés en 1936.
A en croire nos voisins d'Outre-Rhin (après avoir employé outre Quiévrain, il était normal que j'employasse Outre-Rhin !) les Ossies (surnom péjoratif donné aux Allemands de l'est par les Allemands de l'Ouest) avaient un peu de retard en matière d'histoire, en matière de progrès, quant à la démocratie, si on leur en parlait, ils ouvraient des yeux ronds comme des soucoupes. “Démocratie ?… Kesako ?”
Si tu doutes de mes propos, ami lecteur, je t'engage vivement à voir l'excellent film dont l'affiche figure ci-dessous

En deux mots, c'est l'histoire d'un agent de la Stasie qui, en épiant des suspects du régime, finit par découvrir qu'il vit comme un con et même qu'il ne vit pas du tout.

Etre embringué dans un service de police qui arbore un emblème comme celui-là n'augure rien de bon, tous ceux qui ont servi la Stasie vous le diront.

Pris en bonne part : audacieux, courageux, qui a du cran.
Ça n'fait rien, i's sont culottés, ces zigues-là, d'sortir par un marmitage pareil (Barbusse, le Feu, 1916, p. 236)

Henri Barbusse, prix Goncourt 1916 pour son roman Le Feu

Barbusse selon sister Wiki
Engagé volontaire en 1914, à 41 ans, Barbusse souffre de problèmes pulmonaires. En première ligne pendant vingt-deux mois, il tient un carnet de guerre où il note des expériences vécues, les expressions des poilus, et dresse des listes. Ce carnet servira de base à la composition de son roman dont l'essentiel de l'écriture l'occupera durant le premier semestre 1916 alors qu'il est convalescent à l'hôpital de Chartres puis à celui de Plombières.

“Le Feu”, intitulé plus tard : “le journal d'une escouade” a connu sur le champ un très grand succès public, notamment parmi les soldats. Devenu un des classiques de la littérature sur la Guerre de 14-18, appelée improprement La Grande Guerre, (seule était grande, et même démesurée, l'ampleur de la boucherie) comme “La main coupée”, de Cendrars, “Ceux de 14”, de Maurice Genevoix, ou “Les Croix de Bois” de Roland Dorgelès, il est très régulièrement ré édité. (Je regrette qu'on n'entende plus guère sur les radios la chanson de Brassens : “Moi mon colon cell' que j'préfère, c'est la Guerre de 14-18!)

... je m'embarque au volant sur des routes à peine catholiques. Il [le patron] m'a recommandé d'aller mollo jusqu'au fond de la vallée, mais j'y vais encore plus mollo que ça : les virages au nord sont comme des patinoires. ... On me regarde avec curiosité quand on voit que je m'engage vers les derniers hameaux. Ils pensent que je suis culotté... (Giono, Les Grands chemins, 1951, p. 91)

Ça me donne envie de lire ce bouquin que je ne connais pas. Autant je me méfie de la poésie élégiaque que Giono développe à longueur de chapitres et de pages dans “le Serpent d'étoiles”, ou “Le grand troupeau”, qui me rasent, autant je lis et relis avec un plaisir toujours aussi intense “Le Hussard sur le toit” et, surtout : “Un roi sans divertissement” qui est mal foutu, raccommodé à la diable, mais si bien écrit et tellement jouissif.
Giono n'a pas été blanc bleu durant la période de la guerre, loin de là, mais au moins il n'a rien publié de diffamant sur les Juifs ou sur les Résistants qu'il ne portait, ni les uns ni les autres, dans son cœur.

♦ Emploi substantif. Un culotté.

Des culottés, ceux qui avaient sauté les premiers (Roger Vercel, Capitaine Conan,1934, p. 244).

Encore un Goncourt, obtenu en 1934, qui sera adapté au cinoche par Bertrand Tavernier et Jean Cosmos. Le roman et le film racontent l'histoire d'un corps franc français, commandé par Conan, stationné en Roumanie, qui dérive vers un banditisme de plus en plus violent avant de se racheter au combat.

Affiche du film lors de sa sortie aux États-Unis

Le film et le roman sont suffisamment ambigus pour qu'on suive sans rechigner. En bref, c'est pas Alamo de John Wayne ! (Je voue une admiration sans borne à Wayne pour le rôle d'Ethan Edwards qu'il joue dans "la Prisonnière du Désert" de John Ford. Il donne à son personnage la profondeur mystérieuse et un entêtement qui me rappellent le capitaine Achab, personnage pivot du roman “Moby Dick”, de Melville, adapté au cinéma par Huston.)

Je m'égare, dis-tu, ami lecteur ? T'as bougrement raison. Je reviendrai aux culottes et à la pipe, des sujets autrement passionnants, pour moi en tout cas, mais plus tard.
Bye bye ami lecteur, so long, até logo meu amigo.






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