J’ai pour habitude d’éviter comme la peste ce que j’appellerais les semi-aromatiques, c’est-à-dire les tabacs dont les descriptifs font mention de l’ajout d’une larme de whisky, d’un soupçon de vanille ou d’une goutte de caramel. Vous voyez le genre. Pourquoi alors ai-je fait exception pour ce virginia flake aromatisé au miel ? Pour la simple raison que sur Tobaccoreviews, il obtient un score exceptionnel de 3,8. Maintenant que je l’ai dégusté, force m’est d’admettre que je dois peut-être revoir ma position.
Pfeifen Huber est une maison de tradition établie à Munich depuis 1863. Elle propose plus de soixante mélanges maison. Remarquez que ce terme peut sembler déplacé puisque ce sont des mains mercenaires qui les composent. En l’occurrence, le Virginia Honeydew Flake, rebaptisé récemment Virginia Golden Flake, est un produit de Kohlhase & Kopp. N’empêche que sur la boîte, Herr Huber a spécifié qu’il s’agit de sa très personnelle spécialité au virginia. Et oui, dans ce bas monde, tout est relatif.
Trois virginias distincts sont légèrement aromatisés au miel, puis pressés et livrés en un seul rouleau de flake. Une présentation intéressante donc qui permet de déchirer juste ce qu’il faut pour bourrer une pipe. Le rouleau est dominé par les bruns, mais éparpillés par ci par là, on distingue également des fragments blonds. Le tabac a une hygrométrie parfaite et a été pressé de telle sorte qu’on peut simplement rouler un bout de flake entre les doigts et l’enfourner. Evidemment cette méthode de bourrage nécessite un tassage fort léger.
Passons au nez qui me surprend. Je m’attends à des arômes doucereusement mielleux, mais il n’en est rien. Je découvre en réalité des odeurs typiques de virginia : du foin, du pain, un léger fruité, une touche florale et quand je hume plus longuement une note d’eucalyptus. A la bonne heure !
Côté fumage, je peux être concis : c’est tout bon. Certes, ce n’est pas un de ces virginias inoubliables à la McClelland, mais c’est un blend qui à chaque fumage et du début à la fin arrive à satisfaire l’amateur critique que je suis. Loin d’être évolutif, le tabac produit un goût constant, classique et agréable dans lequel le miel se borne à donner un coup de pouce à la douceur naturelle des virginias. Il ne faut pas en conclure que le Virginia Honeydew Flake verse dans la superficielle mièvrerie. Il y a suffisamment d’acides et de punch épicé pour donner au mélange un équilibre et une profondeur certains. En se concentrant, on découvre une myriade des petites touches de saveurs différentes qui l’instant d’un flash se dévoilent : figues, citron, zeste d’orange, cannelle, loukoum. Mais fondamentalement, ce qu’on goûte, c’est du virginia bien né, c’est-à-dire légèrement fruité, herbeux et épicé. Pour cette raison le flake de la maison Huber peut vraiment servir de all day smoke au fumeur de VA. Par ailleurs, les virginias ont un comportement exemplaire : même quand mon rythme de tirage s’accélère, ils ne se montrent pas agressifs pour un sou.
Le Virginia Honeydew Flake prouve avec autorité aux inconditionnels purs et durs de tabacs naturels qu’une aromatisation discrète et bien exécutée donne parfois des résultats étonnamment réussis. Je tire mon chapeau à Kohlhase & Kopp.
Le Oak Alley est l’un des trois mélanges qui constituent la Cellar Series, une gamme de tabacs expressément destinés à être encavés pendant dix à quinze ans. La boîte que je teste n’a que quatre ans et demi.>
L’originalité de la recette trahit une certaine ambition : des virginias, notamment rouges, du white et du brown burley, du perique et du katerini. Le nez fascinant et multidimensionnel confirme la complexité du mélange : chaque fois que je hume, je découvre de nouvelles nuances. Du cidre, de la Poire Williams, de la confiture de fraises, du boisé, une note caoutchouteuse, du terreau, des noisettes. Une symphonie.
Dans la boîte je trouve une sorte de brownie dont la surface révèle des morceaux de feuille XL et qui hésite entre le cake et le plug. Personnellement, je le traite comme un plug, mais en tranchant, plutôt que des flakes, j’obtiens un mélange de brins et de fragments de lamelles qui se désagrègent au moindre toucher.
Les premières minutes de fumage ne laissent plus de place au doute : voilà effectivement un grand tabac, c’est-à-dire un mélange composé avec doigté à partir d’ingrédients de qualité, lequel produit des saveurs complexes et harmonieuses, tout en mettant en exergue les caractéristiques des différents composants. Le fumage passe par trois phases. Après l’allumage, le virginia et le perique déroulent un tapis cossu de goûts aigres-doux avec des accents gentiment fruités. C’est foncièrement agréable et flatteur, mais sans grande profondeur. Ensuite le devant de la scène est occupé par les typiques burleys de C&D très secs comme un champagne extra brut. Ils rendent la structure moins caressante, mais nettement plus tendue et complémentent le fruité de notes terreuses et noisettées. Parallèlement se développe un goût qui tient à la fois du cigare et du boisé. C’est l’apport du katerini. Finalement, tout ça se fond en un tout remarquablement équilibré et orchestré de main de maître. Voilà une partition sans faute.
Une fois l’harmonie instaurée, les saveurs n’évoluent plus, si ce n’est que vers la fin elles s’intensifient pendant que la vitamine N prend de l’ampleur. Il est à noter que dans la deuxième moitié du bol, vous risquez des problèmes de combustion si vous n’avez pas procédé à un bourrage et un tassage légers.
À l’âge de quatre ans et demi, le Oak Alley m’impressionne. Déjà. Si vous avez la patience de suivre la consigne de C&D et de l’encaver pendant une dizaine d’années, je suis sûr et certain que vous découvrirez avec délice un authentique chef-d’œuvre.
Un virginia blond en ribbons et en flake, du cavendish fait avec du burley brun cultivé en Virginie et du perique pressés ensemble en crumble cake. Livré en vrac, mon tabac a vieilli pendant trois ans dans un bocal hermétiquement fermé. A l’ouverture, il me réserve une surprise : je jurerais que c’est un mélange de chez McClelland. Des arômes intenses de vinaigre balsamique dominent le nez, alors que, plus discrètes, des notes terreuses et des touches de fruits secs et de noisettes complètent le tableau. Je me régale d’avance.
Pas de noir, pas de blond. Le Night Train se cantonne dans une variété de bruns. En effritant un morceau de cake, on se retrouve vite avec des fragments de feuille plutôt qu’avec des brins. Hygrométrie parfaite, donc bourrage immédiat.
Je suis immédiatement sous le charme. Voilà un tabac automnal et chaleureux sans notes aigües qui vous enveloppe le palais de saveurs accueillantes et réconfortantes. Ce n’est pas une flamboyante diva, mais une vieille amie dont la présence ne vous lasse jamais. Les virginias sont des coussins douillets dans lesquels se lovent le burley et le perique pour nous faire un brin de causette sur les plaisirs culinaires de la combinaison de fruits secs et de noisettes.
Petit à petit, le Night Train nous emmène vers des paysages différents : le burley finit par développer la typique saveur austère et terreuse des burleys de C&D alors que les virginias prennent de l’ampleur et soutiennent le fruité du perique. Parallèlement, dans la deuxième moitié du bol la vitamine N gagne considérablement en force, ce qui fait que la féminine délicatesse se transforme en vigueur virile. Un peu trop à mon goût.
Mise à part la finale un tantinet sauvage, voilà donc un mélange plaisant et évolutif des plus agréables qui doit pouvoir satisfaire à la fois les amateurs de burley et de VA/perique. A déguster confortablement assis devant le feu de cheminée quand bise vente.