Selected by HU-Tobacco et non pas Blended by HU-Tobacco. Encore un mélange que Hans Wiedemann a sélectionné dans le livre de recettes de Kohlhase & Kopp. Le Aus dem Krater Nr. 1 m’ayant vraiment plu (artfontilsuntabac69), j’ai bon espoir de pouvoir me régaler une fois de plus.
Malgré une composition assez élaborée de ready rubbed red virginia auquel a été ajouté du kentucky, du tabac d’Orient et du perique, les brins sont assez uniformément bruns. Je remarque d’emblée que le tabac est vraiment trop humide. Aussi s’avérera-t-Il impératif de le sécher avant d’en bourrer une pipe. Quand je plonge le nez dans la boîte, je découvre des arômes riches qui ont quelque chose des odeurs à la McClelland, mais bien sûr en version light. Quand la boîte a atteint un degré d’hygrométrie plus convenable, ces arômes ont disparu. Désormais le nez est plus classique pour un mélange VA européen : du foin, une petite note citronnée, des fruits secs, une pointe de fumé acide due au kentucky. Je ne sens pas les orientaux.
Comme j’estime qu’il est de mon devoir de goûter le produit tel qu’il a été livré, je fume deux pipées sans sécher au préalable le tabac. Je vous épargne les détails. Il suffit de vous avertir que c’est tout simplement mauvais. Pas la peine de continuer comme ça. Quand le tabac est suffisamment sec, je le teste trois fois en une journée. Dans une des pipes, je découvre un mélange respectable dans lequel la douceur du red virginia et l’acidité du kentucky, du perique et des orientaux sont en équilibre. Le résultat est plaisant, mais fondamentalement ce n’est nullement un mélange qui sort du lot. Pas mal mais un tantinet banal. Dans les deux autres pipes, pourtant elles aussi dédiées au virginia, la rondeur des virginias reste en retrait, ce qui fait que les saveurs sont dominées par une combinaison acide/amer/piquant tout sauf agréable. Ca s’améliore nettement vers la fin, mais c’est une maigre consolation.
Dans la semaine qui suit, je continue les tests qui ne font que confirmer mes premières constatations : le Nr. 3 ne casse jamais la baraque et boude ostentatoirement plusieurs partenaires que je lui propose. Or, les caractériels, je les admets à la seule condition qu’ils soient brillants. Clairement, ce casse-pieds-ci ne mettra plus les pieds chez moi.
Impossible d’aborder l’Epiphany sans vous parler au préalable du Revelation, populaire mélange d’antan que rien ne destinait à la gloire, si ce n’est qu’après son exil aux Etats-Unis Albert Einstein en avait fait son quotidien. A cette époque, le Revelation faisait partie du portefeuille de Philip Morris, mais par la suite le géant du tabac a cédé la marque à House of Windsor qui en a changé la recette. Résultat : des ventes en chute libre et enfin le retrait du marché. Mais comme il y aura toujours des curieux désireux de découvrir le tabac d’un Holmes, d’un Crosby, d’un Tolkien ou d’un Einstein, plusieurs maisons ont lancé leur propre version du Revelation en prenant bien soin de baser leur marketing sur le génial Albert. Voilà pourquoi Bob Runowski et Craig Tarler ont sorti leur ersatz-Revelation, baptisé Epiphany.
Ils l’appellent un light English composé de virginias, de latakia et de perique. Et de burleys. Disons donc que c’est un anglais à l’accent Yankee. A l’ouverture de la boîte âgée de huit ans, je découvre à ma surprise un tabac passablement humide, ce qui va à l’encontre de la philosophie C&D. C’est de la grosse coupe avec nettement plus de fauves et de bruns que d’anthracites et de noirs. Le nez est parfaitement fondu et forme un tout cohérent et appétissant qui évolue au cours des jours qui suivent l’ouverture. Du vin, du fromage, des fruits fermentés, du jus de pomme, quelque chose de liquoreux, des champignons de forêt, un note moisie. Complexe et intéressant.
Les premières bouffées m’étonnent. Non pas parce que l’Epiphany pétrole au carburant américain alors que le latakia se borne à apporter un accent de grillé et de cuir plutôt que de fumé. Ca, le nez l’annonçait déjà. Par contre, je ne m’étais pas attendu à une top note fruitée. Ça, ce n’est pas un light English, ni même un anglais à l’accent américain. C’est de l’American style crossover tout craché. Or, ce genre de mélange hybride, ni chair ni poisson ne m’a jamais plu. Et d’emblée il est clair que celui-ci ne fera pas exception. Pourtant le mélange n’est pas mauvais : les sucres des VAs contrebalancent le caractère austère et amer du burley, la top note citronnée donne au virginia un coup de vif, le perique passe avec son moulin à poivre, ce qui fait que la fumée est épicée mais pas trop, le latakia tisse un fond sombre. Seulement voilà, la fumée est dominée par quelque chose qui me rappelle des vapeurs alcooliques, ce qui la rend chaude et lourde et pâteuse. A chaque fumage je me sens gavé à mi-bol. Finir la pipe relève donc de la corvée, d’autant plus qu’il n’y a pas question d’évolution.
Si votre curiosité vous pousse à tester le tabac d’Einstein, je vous renvoie au Revelation qui a été réintroduit par House of Windsor dans une version revue et corrigée. S’il vous faut du light English, passez votre chemin. Si vous appréciez le burley de C&D, il y a nettement mieux. Par contre, si vous raffolez de crossover blends, ça vaut le coup d’essayer.
Fondée en 1977, la maison McClelland fête son quarantième anniversaire. Et quoi de mieux pour le spécialiste des virginias rouges maturés que de lancer à cette occasion un nouveau flake fait exclusivement de red virginia trié sur le volet en provenance de la Caroline du Nord ?
Les petits flakes étant trop épais pour les enfourner tels quels, il faut nécessairement les triturer pour en faire des brins fumables. On découvre alors toutes les couleurs brunes, orangées et fauves. Quant au nez, il trahit d’emblée la patte McClelland, mais cette fois-ci avec plus d’élégance et de nuances que d’habitude. Ainsi je découvre des accents de croûte de pain et surtout des arômes de citronnelle qui confèrent à l’ensemble une certaine fraîcheur.
Pas d’excédent d’humidité, donc je peux m’en bourrer une sans tarder. La première vague de saveurs ne laisse aucune place au doute : ce 40th Anniversary est un grand cru. De l’aigre-doux en parfait équilibre, des notes salines, des épices piquantes mais pas trop, une petite touche citronnée, de la terre qui chauffe. Ce que le nez annonçait déjà se voit confirmé en bouche : c’est du McClelland dans une version plus policée, avec moins de profondeur que le Blackwoods Flake par exemple, mais avec plus de finesse et de fraîcheur. Avec plus de subtiles variations aussi : je découvre tantôt un flash de chocolat au lait, tantôt une note florale, tantôt un côté boisé, tantôt une saveur de clou de girofle ou de réglisse. Atteindre une telle complexité en se servant d’une seule variété de tabac n’est rien moins que prodigieux.
Pas de problème de combustion, pas de tongue bite malgré la présence acide marquée, pas de kick nicotinique qui vous assomme. Bref, même les débutants peuvent prendre leur pied avec le 40th Anniversary.
Ceux qui ont participé à la ruée sur ce flake festif dont le stock ne durera pas, ont eu bien raison. Voilà un virginia vraiment noble qui ne fera que s’améliorer avec le temps. Les blenders de Kansas City méritent amplement nos sincères félicitations et pour leur nouvelle création et pour leurs quarante ans d’excellence.