On n’a qu’à jeter un coup d’œil sur le couvercle pour comprendre que les bonnes gens de Mac Baren sont tout fiers de leur création : Premium Blend, Limited Edition, Long Matured, Hand Crafted. Je dis création, mais en vérité je devrais parler de recréation étant donné que ce roll cake composé de virginias, de perique et de kentucky a été lancé autour de 1960 sur le marché américain et y a été disponible pendant une dizaine d’années avant d’être supprimé du catalogue.
Voici quelques années, Mac Baren a relancé son Royal Twist sous forme d’une édition limitée en vente exclusive chez Smokingpipes.com. Et voilà qu’à l’automne 2024 les Danois ont distribué en tout et pour tout 3000 boîtes numérotées sur le marché européen. Il va sans dire que tout comme aux Etats-Unis, le stock entier s’est vendu en un temps record. Franchement, je suis curieux de savoir si ce fébrile engouement est dû à un hype bien orchestré ou si le Royal Twist est vraiment un mélange qui sort du lot.
Il y a sans conteste deux raisons objectives pour qualifier le Royal Twist de premium blend. Alors que la gamme standard des roll cakes est roulée à la machine, les ropes de Royal Twist le sont à la main. Voilà pourquoi il est marqué hand crafted sur la boîte. Quant au terme long matured, il se réfère au fait que tout le perique employé a été récolté en 2016 et a donc mûri pendant huit ans.
Si les curlies ont la taille habituelle des roll cakes de Mac Baren, ils gardent moins bien leur forme. Serait-ce parce que les ropes ont été roulés à la main ou simplement parce que le tabac est moins humide ? La panoplie de teintes fauves et brunes donnent à penser que le kentucky et le perique ont été employés comme condiments, alors que ce sont les virginias qui prédominent. Le nez le confirme : je ne sens ni grillé ni fruits secs ni moisi, mais des arômes discrets de foin et de biscuits. Ce n’est pas un nez qui impressionne, mais qui séduit par sa subtilité.
Le tabac étant suffisamment sec, je peux le manipuler sans qu’il ne colle aux doigts et bourrer ma pipe sans tarder. Les premières bouffées sont un vrai plaisir : on sent immédiatement que c’est un mélange fondu qui respire l’équilibre et l’harmonie. C’est doux, il y a une touche d’acidité noble, c’est gentiment épicé et on retrouve les biscuits et le côté végétal. Après ce début suave aux saveurs de virginia, le perique se manifeste en introduisant une légère saveur de figue et de pruneau et en relevant le tout d’un tour de moulin à poivre, ce qui fait que la fumée devient plus virile, mais sans pour autant perdre son caractère amène.
Ce n’est que dans la deuxième moitié que je détecte l’apport du kentucky quand des notes légèrement fumées rejoignent les autres saveurs. Désormais le couple kentucky/perique prend le dessus, non pas parce qu’ils se mettent à rouler des mécaniques, mais parce que les saveurs des virginias s’effacent.
Voilà donc un mélange composé de main de maître (et dire que Per Jensen a été viré !) avec des ingrédients de qualité. Je connais bien toute la gamme des roll cakes de Mac Baren, ce qui me permet d’affirmer que pour moi le Royal Twist est un cran au-dessus de ses cousins. Un premium blend ? Tout à fait.
En signant le contrat de distribution exclusive avec Kopp Tobaccos, Hans Wiedemann a dû sacrifier bon nombre de ses créations. Le Kelvin’s Silent Secret est l’un de ces mélanges dont la production a été définitivement arrêtée. Il faisait partie de la gamme Hommage to my friends, une série de tabacs qui avaient pour but de refléter les goûts personnels de quelques amis pipophiles du blender. En l’occurrence, le Kelvin’s Silent Secret avait été créé pour faire plaisir à un ami amateur de mélanges légèrement aromatisés qui ne mettent pas l’accent sur le casing, mais sur l’harmonie entre les tabacs et les saveurs ajoutées.
Des virginias, du kentucky et du cavendish. Voilà pour les tabacs. Du miel, du cognac et du musc. Voilà pour les additifs. Je découvre dans ma boîte âgée d’une bonne dizaine d’années divers bruns et du noir dans un mélange qui combine des brins et du ready rubbed. L’odeur est franchement surprenante : pas de trace de miel, de cognac ou de musc. En revanche, sur son site Esterval définit l’arôme comme celui du thé aux fruits rouges et il est en plein dans le mille. En humant plus longuement je découvre également les notes fumées du kentucky et le grillé du cavendish.
Les premières bouffées correspondent parfaitement au nez puisqu’elles véhiculent un goût d’infusion aux fruits rouges. Mais très vite une autre saveur le rejoint et elle est aussi surprenante que celle des fruits rouges : c’est celle de la réglisse. Cela ne m’empêche pas de goûter en même temps les virginias doux mais pas trop sucrés et de discrètes touches de fumé et de grillé. En plus se développent un goût de poivre bien dosé et une agréable acidité qui viennent épicer le tout.
Au fil des jours les arômes qui émanent de la boîte évoluent sensiblement. Désormais c’est une odeur de réglisse qui prend le dessus.
La combustion se passe sans encombres et je note que la fumée assez veloutée contient suffisamment de vitamine N pour me satisfaire. Au cours du fumage le thé aux fruits rouges et la réglisse se relaient amicalement pour occuper le devant de la scène, mais sans aucune volonté de nous faire oublier les rôles de support des trois tabacs. Et, il faut le souligner, contrairement à tant d’aros populaires, le Kelvin’s Silent Secret ne devient pas amer en cours de route.
Vu qu’il est aromatisé, ce mélange ne correspond pas à mes goûts personnels. N’empêche que je ne l’ai pas fumé à contrecœur. Bien au contraire. Le Kelvin’s Silent Secret s’est distingué par sa complexité, son évolutivité et son équilibre. Je suis donc certain que l’ami de Hans Wiedemann a dû apprécier ce que le blender a concocté pour lui. Voilà en effet un blend bien dosé qui réussit à combiner de façon harmonieuse les saveurs de tabac et l’aromatisation.
Reste à savoir comment il se fait qu’un aro au miel, au musc et au cognac puisse développer des saveurs de fruits rouges et de réglisse et pourquoi Kopp a supprimé du catalogue un mélange fort réussi qui peut satisfaire à la fois les fumeurs de tabacs naturels et les amateurs d’aros.
Et hop, encore un zebra flake, c.-à-d. un flake bicolore que le STG produit pour Kopp Tobaccos afin de remplacer le défunt Dark Strong Kentucky d’Orlik. Kopp le livre à toute une série de civettes allemandes dont les propriétaires le baptisent à leur guise. Il semblerait qu’ils en font également à leur fantaisie pour le décrire. Selon certains ce serait un VA/kentucky, d’autres prétendent qu’il contient également du burley, alors que la majorité s’accorde à le présenter comme un VA/kentucky/perique. En plus, si la plupart des commerçants affirment qu’il s’agit d’un mélange naturel, d’autres affirment qu’il est aromatisé au pruneau. Remarquez que ce même flou artistique règne autour de l’authentique DSK : on trouve autant de descriptifs qui le définissent comme un VA/kentucky que de présentations qui mentionnent en plus la présence de black cavendish. Et ce n’est pas tout : d’aucuns ne font état d’une quelconque aromatisation, alors que d’autres déclarent qu’il est aromatisé à la mélasse et à la réglisse.
Quoi qu’il en soit, aux dires de Falkum leur Tullagreme House 24 serait un VA/kentucky/perique.
Je dois dire que le perique, je ne le reconnais ni au nez ni en bouche. Par contre, je ne serais pas étonné d’apprendre que le mélange contient du black cavendish.
Je viens de relire les revues des trois ersatz DSK que j’ai déjà rédigées (le Darley Moor de Schneiderwind, le Aus dem Krater N°5 de HU et le DSK Flake de Pfeifendepot), ce qui me fait conclure qu’il serait superflu de vous pondre une nouvelle analyse in extenso. Quels que soient les ingrédients annoncés par les revendeurs, mes impressions restent fondamentalement les mêmes : une attaque qui révèle davantage des virginias sucrés que le grillé du kentucky, d’évidentes saveurs de réglisse, de mélasse et de pruneau, une évolution vers moins de sucrosité et vers davantage d’acidité et d’amertume provenant du kentucky qui ne développe pas pour autant son typique goût empyreumatique.
Bref, ce successeur du Dark Strong Kentucky n’est pas fort et ne met pas en exergue le kentucky. C’est un mélange bien fait, certes, mais qui manque de personnalité. Il ne peut offusquer personne, mais je ne vois pas comment il pourrait enthousiasmer. Ceci dit, il fait l’affaire dans ces occasions où vous ne cherchez pas à vous concentrer sur votre fumage, mais où vous avez besoin d’un tabac agréable et facile pour vous accompagner dans vos activités.