Font-ils un tabac ? n°144

par Erwin Van Hove

24/06/24

Tabakhaus Falkum, Old Days N° 1

Rappelez-vous : la gamme des mélanges Old Days est produite chez MacBaren. Vu que les spun cut/roll cakes/twists/curlies sont l’une des spécialités de la maison danoise, il n’est pas étonnant de retrouver un tabac coupé en rondelles dans la série faite pour la civette allemande. D’ailleurs, la composition de l’Old Days 1, à savoir golden virginia et kentucky, ne surprend pas non plus puisque du Stockton au Club Blend en passant par le Dark Twist, le Roll Cake et le Three Nuns, tous les spun cut de McBaren combinent le VA et le kentucky.

Visuellement le Old Days 1 me surprend. J’ai l’impression que la boîte contient deux sortes de curlies : si la plupart des petits twists sont clairement constitués de tabacs mélangés, ici et là j’en vois d’autres qui contiennent un cœur foncé de kentucky entouré d’une couche plus claire de virginia. Malgré ces noyaux anthracite, ce sont les fauves et les bruns qui dominent. Je m’attends donc à un goût de virginia rehaussé d’une pointe de kentucky. Le nez le confirme : foin, croûte de pain, viennoiseries, engrais chimique, mais quasiment pas de relents empyreumatiques.

Souple mais assez sec, le tabac est prêt à l’emploi. Pour le bourrage on a le choix : soit on transforme les curlies en brins, soit on les roule légèrement entre les doigts avant de les enfourner telles quelles. Dans ce cas, je conseille un fourneau pas trop étroit.

Les premières bouffées révèlent un virginia flatteur et doux aux notes de caramel. Puis, petit à petit le tableau se complète : un peu d’acidité, une petite note amère, du poivre, un très léger grillé. Comme prévu, c’est le virginia qui joue le premier violon, alors que le kentucky accepte humblement son rôle de condiment. Le résultat est une fumée agréable, goûteuse, à la force moyenne qui exhibe un équilibre sans faille et qui présente un air de famille avec le Three Nuns mais sans en reprendre le punch incisif.

Tabakhaus Falkum, Old Days N° 1

La combustion ne pose aucun problème et la langue n’a aucune raison de se plaindre. En cours de route, la fumée gagne quelque peu en virilité alors que l’acidité et l’amertume font sentir davantage leur présence, mais sans jamais devenir désagréables.

Avec ce blend assez simple qui ne contient que deux ingrédients mais qui ne provoque jamais l’ennui, MacBaren prouve son savoir-faire. Le Old Days N° 1 est en effet un mélange bien ficelé qui n’est pas mémorable, mais qui peut parfaitement servir de all day smoke pour les amateurs de virginia. Je l’ai vraiment apprécié et je vais m’en constituer un petit stock.

Tabakhaus Falkum, Tullagreme House N° 20

Contrairement à la série Old Days, les mélanges de la gamme Tullagreme House sont produits chez Kopp.

Le N° 20 est un flake fait exclusivement avec du burley. Selon le site web de Falkum, il aurait un goût de réglisse.

Les flakes soigneusement rangés dans leur écrin ont une épaisseur idéale. Très souples, ils se transforment aisément en brins. Au nez, je découvre un tout aromatique à la fois appétissant et intrigant, difficile à cerner. Certes, je sens vaguement du chocolat au lait, mais aussi des odeurs d’umami et une note grillée que je n’associe nullement au burley. Par contre, je ne décèle pas de réglisse.

C’est pareil en bouche : le goût de réglisse promis, je ne le retrouve pas. Ou si peu. N’empêche que le N° 20 me plaît immédiatement. Tout d’abord à cause de la structure complexe et parfaitement équilibrée avec des sucres plaisants, une note saline et une amertume et une acidité bien dosées. Mais aussi à cause du goût : incontestablement la fumée véhicule une saveur de burley mais sans pour autant verser dans la caricature. On ne se vautre pas dans la terre et on ne se tape ni une tartine de Nutella ni une barre de Bounty. Sans renier sa nature fondamentalement rustique, c’est un burley harmonieux et policé qui vous déride par son tempérament chaleureux et amical.

Tabakhaus Falkum, Tullagreme House N° 20

Pour le reste il n’y a pas grand-chose à mentionner : la puissance est moyenne, l’évolutivité limitée et la combustion facile. Le fumage se déroule donc sans histoires et reste satisfaisant du début à la fin.

Si le Tullagreme House N° 20 n’est pas un burley blend qui impressionne, tel le légendaire Edgeworth Sliced, il brille tout de même par son équilibre et par ses saveurs honnêtes qui doivent combler tout amateur de l’humble burley. Moi, j’en recommanderai.

Hearth & Home, Marble Kake

Comme je ne connais pas l’âge exact de ma boîte , je ne peux pas dire avec certitude si elle date de l’époque où Russ Ouellette produisait encore lui-même ses mélanges ou si elle est plus récente et donc manufacturée chez Sutliff. Ce qui est certain, c’est que le Marble Kake vendu de nos jours n’est pas le même que celui que je m’apprête à déguster. En effet, les photos du tabac que je trouve ici et là sur le web ne correspondent pas du tout au contenu de ma boîte : sur les images on découvre des cakes peu pressés et donc assez informes, alors que mon cake à moi a clairement été découpé en pavés droits qui ressemblent à des broken flakes, mais en plus épais et en plus régulier.

Il s’agit d’un VA pur à base de virginias blonds et rouges, ce qui se traduit par une combinaison de couleurs fauves et brunes. Pendant plusieurs jours les vagues d’acidité volatile qui émanent de la boîte cachent toute autre odeur. Et même quand ça s’apaise, je ne sens pas grand-chose. Un peu de foin et de terre, c’est tout. Vu l’habitude de Russ Ouellette de ne remplir ses boîtes qu’à moitié, le grand volume d’air a fini par assécher le tabac. Trop à mon goût. En triturant les petits pavés, il faut donc faire attention à ne pas les réduire en poudre.

C’est parti et d’emblée je reconnais les virginias d’Ouellette. Et ce n’est pas une bonne nouvelle. Par le passé plusieurs de ses mélanges à base de VA m’ont paru déséquilibrés parce que trop acides et trop piquants. Rebelote avec le Marble Kake. D’accord, il est moins mordant que le Virginia Spice ou l’Anniversary Kake par exemple, mais le vinaigre et le tabasco dominent tout de même, même si le virginia rouge assez sucré fait des efforts pour contrebalancer quelque peu la causticité. Si j’excluais le sucre, la royale dose de poivre et la continuelle présence d’une acidité qui accentue encore le piquant, je ne pourrais pas repérer la moindre saveur. Ajoutez à cela que je ne décèle pour ainsi dire aucune évolution et vous comprendrez que je m’ennuie ferme. Bref, le Marble Kake n’a rien à offrir si ce n’est une insistante et désagréable sensation de chaleur en bouche et une langue irritée.

Se pourrait-il que je sois allergique aux virginias de Hearth & Home ? Ce n’est pas impossible puisqu’à plusieurs reprises j’ai remarqué un étrange phénomène. Si la plupart des dégustateurs sur Tobaccoreviews décernent aux virginia blends d’Ouellette trois ou quatre étoiles, systématiquement une minorité importante exprime un avis franchement négatif. Pour eux les mélanges sont à la fois trop caustiques et trop fades. Clairement moi, j’appartiens à cette minorité. Quant à vous, il vous faudra tester vous-mêmes pour déterminer si vous arrivez à fumer ce tabac sans qu’il vous agresse les muqueuses.