Font-ils un tabac ? n°120

par Erwin Van Hove

06/09/21

Pour une présentation des tabacs My Own Blend, je vous renvoie à Font-ils un tabac ? n°82 .

Paul Olsen, My Own Blend 45

Paul Olsen, My Own Blend 45Apparemment le 45 n’est pas exactement le tabac le plus populaire de la gamme My Own Blend : sur Tobaccoreviews seulement trois dégustateurs l’ont testé et en plus la moyenne des scores n’est qu’un très piètre 2,3.

C’est bizarre parce que la marque danoise jouit d’une solide réputation et qu’à priori un flake naturel composé exclusivement de virginias américains, brésiliens et africains ne risque pas d’offusquer grand monde.

Les fines tranches brun foncé parsemées de points fauves dégagent des senteurs fort discrètes : de l’herbe sèche, du pain, mais en sourdine. Peu compactes, elles se transforment facilement en brins et comme leur hygrométrie est juste ce qu’il faut, on peut passer sans tarder au bourrage.

Je me rends rapidement compte que la note décernée sur Tobaccoreviews est injuste parce que je découvre un VA civilisé et délicat, doux et amène, légèrement épicé et citronné, avec un goût plus terreux qu’herbeux. Le 45 ne cherche pas à impressionner ni par sa puissance ni par son intensité ni par sa richesse des saveurs. Il se contente au contraire de nous offrir un fumage paisible, amical, sans histoires. Il se consume lentement et sans problèmes, il ne mord pas, il nous pardonne de ne pas lui prêter attention à tout instant. Evolutivité ? Final spectaculaire ? Oubliez-moi ça. C’est un VA simple, peu exigeant, honnête et plaisant.

J’estime donc que le 45 mérite d’être mieux connu. D’une part parce que pour les débutants il constitue une bonne introduction au monde merveilleux des virginias et d’autre part parce que pour les amateurs de VA, il pourrait parfaitement servir de all day blend.

Paul Olsen, My Own Blend 42

Paul Olsen, My Own Blend 42Le 42 contient la même base que le 45, c’est-à-dire des virginias américains, brésiliens et africains, mais en comparaison avec son frère, il est plus foncé, dopé qu’il est au kentucky et au black cavendish. Ses arômes sont plus riches et plus prononcés que ceux du 45 et je dois dire qu’ils m’étonnent : je sens à peine le fumé du kentucky et le typique nez toasté du black cav m’échappe complètement. En revanche, je découvre une évidente odeur sucrée aux accents de vanille et, plus discrètement, une pointe de fraîcheur. Ce que je sens me fait penser à la crème anglaise et – je me demande si c’est réellement l’association adéquate – à l’odeur que dégage l’enrobage des Tic Tac à la menthe.

Le 42 est présenté comme un blend naturel, mais je parie que le cavendish a été aromatisé. En tout cas, après l’allumage, je détecte immédiatement la note vanillée que j’avais associée à la crème anglaise. En outre et en dépit du nez, le cavendish développe également de nettes saveurs grillées. Quant au kentucky, il apporte une forte dose d’acidité et, dans le fond, une légère touche de fumé, alors que les virginias épicent le tout.

Il ne me faut pas beaucoup de temps pour conclure que le 42 n’est pas un tabac pour moi : il tient trop d’un aro, le goût vanillé me déplaît et l’acidité piquante est trop prononcée à mon goût. Par ailleurs, la fumée manque cruellement de velours : elle me râpe la langue.

Je constate cependant que mon appréciation varie en fonction du choix de la pipe. Dans une pipe volumineuse, le tabac finit systématiquement par m’écœurer, alors que dans un petit foyer je le supporte mieux. Parallèlement je remarque que la fumée est nettement moins caustique dans une reverse calabash.

Par conséquent, je n’oserais pas prétendre que le 42 est objectivement un mélange raté. Il n’est pas trop riche en vitamine N, il ne nécessite pas de rallumages fréquents et si la fumée est rugueuse, elle ne mord pas pour autant. En revanche, cette fumée rêche constitue la preuve que les tabacs employés, en particulier les virginias, ne brillent pas exactement par leur qualité.

Quand je ne peux pas recommander un tabac, je suis toujours curieux de connaître les avis d’autres fumeurs. J’ai donc consulté Tobaccoreviews. Et là c’est la surprise : 4 sur 4 ! D’accord, ce résultat n’est basé que sur deux revues, mais tout de même. En lisant les commentaires, j’ai une fois de plus la preuve qu’il ne faut pas se fier aveuglément aux scores qui y sont décernés. Voici l’analyse étonnante de l’un des deux dégustateurs : This exotically named blend is the usual top notch quality from My Own Blend. A middle of the road virginia with a delightful summertime fragrance. The first bowl is lovely. But from there on in it's oral chemical burn. En français ça donne : Ce mélange au nom exotique témoigne de l’excellence habituelle de My Own Blend. Un virginia qui ne sort pas des sentiers battus avec de délicieuses fragrances estivales. Le premier bol est plaisant. Mais à partir de là, c’est la brûlure orale chimique.

Bref, aux dires du dégustateur, ce mélange au nom très exotique de 42 est à la fois un mélange de premier ordre et une saloperie chimique qui vous embrase systématiquement la bouche. Euh pardon, vous pouvez répéter s’il vous plaît ? Et cette analyse d’une irréfutable logique aboutit à quel score ? Quatre étoiles, le score maximal. Promis juré. Il doit s’agir d’un dégustateur maso. Ou d’un pyromane.

Paul Olsen, My Own Blend Brown Plug

Paul Olsen, My Own Blend Brown PlugJe n’y comprends que dalle. Le Brown Plug se présente comme la tentative la plus ambitieuse de recréer le Brown Sliced, un mélange d’Orlik très apprécié à l’époque – il obtient une exceptionnelle note de 3,8 sur Tobaccoreviews – mais aujourd’hui défunt. Or, voici la composition de ce Brown Sliced : virginias, black cavendish et tabacs orientaux. Sans arômes ajoutés. Et voici celle du Brown Plug : des virginias et du cavendish. Aucune mention d’herbes d’Orient. En revanche, la recette mentionne fièrement une aromatisation à la bergamote et à l’huile de rose !

Quand j’ouvre le sachet contenant le royal échantillon que m’a fait parvenir une bonne âme, je comprends d’emblée que l’aromatisation a été effectuée avec doigté : je détecte la senteur de rose et de bergamote, mais elle est légère et en plus elle semble bien intégrée dans les odeurs des tabacs. J’en suis le premier surpris, mais je dois avouer que le nez ne me déplaît pas.

Je constate que le Brown Plug n’est pas un plug. Il se désagrège rapidement sous la pression des doigts et en un tour de main se transforme en brins fins et courts. C’est donc un cake. Par contre, il est vrai qu’il est brun même s’il contient également quelques brins blonds et noirs.

L’hygrométrie permet de bourrer une pipe sans tarder. Après l’allumage, deux saveurs dominent : la bergamote et la cassonade. Cela me rappelle immédiatement que Samuel Gawith produit lui aussi un mélange qui a pour objectif de faire revivre le tabac d’Orlik. C’est le Brown Sugar Flake, rebaptisé en 2017 BS Flake. Or, le brown sugar, c’est de la cassonade.

Petit à petit, le goût citronné et parfumé de la bergamote prend le dessus. Pour moi c’est trop. Certes, les virginias continuent à apporter de la douceur, mais la saveur de cassonade s’estompe. En revanche, la fumée devient nettement plus épicée. Je ne suis pas fan du goût de bergamote dans mon tabac, ce qui fait que je ne me vois pas acheter du BBrown Plug. Ceci dit, je peux aisément comprendre que ce tabac a ses adeptes. Il est bourré de goût, son caractère aigre-doux épicé est équilibré, au cours du fumage les saveurs évoluent en s’intensifiant, il se consume sans problèmes, il ne mord pas et sa puissance ne peut indisposer personne.

Comme je n’ai jamais dégusté le Brown Sliced, je ne pourrais vous dire si le Brown Plug s’approche réellement du mélange qu’il est supposé imiter. Mais vu la saveur prononcée de bergamote, ça m’étonnerait. Si je le juge sur ses propres mérites, je conclus que c’est un blend bien fait qui s’adresse davantage aux amateurs d’aros fort citronnés qu’aux fumeurs de tabacs pure nature.