Printemps, mois de jubilé. Hein ? Je peux me tromper, mais à mon avis le printemps dure trois mois. Et pourtant c’est ce qui est écrit à la main sur l’échantillon que Tom Darasz m’a fait parvenir. Ce nom ne me dit strictement rien alors que je parcours régulièrement le site web du blender. N’empêche que je peux parfaitement imaginer de quelle sorte de blend il doit s’agir. Que fait tout blender allemand qui se respecte en cas de jubilé ? Simple : il nous sort un tabac aromatisé. Reste à vérifier la composition exacte.
Surprise. Le Jubiäumsmonat Frühling ne figure pas sur le site web du blender. Par contre, j’y trouve du Jubiläumsmonat März et du Jubiläumsmonat XY. Tous deux sont classés parmi les légèrement aromatisés. Le XY qui contient du virginia doré et en moindre mesure du burley, du black cavendish et du latakia, est aromatisé à l’orange et au rhum, alors que le März est composé de divers virginias, d’herbes d’Orient et de black cavendish, parfumés à l’amande et à la noisette. J’ai reçu mon Frühling au mois d’avril, donc logiquement il doit s’agir du März.
Nouvelle surprise. A l’ouverture du ziplock, je ne sens ni amandes ni noisettes, et par ailleurs ni oranges ni rhum, mais de chaleureuses odeurs de boulangerie. Si aromatisation il y a, elle est remarquablement discrète. Quant aux tabacs, Il y a des brins noirs et marron, mais ce sont le blond et le fauve qui dominent. Au toucher, il n’y a rien de collant, ce qui confirme qu’il doit s’agir d’une aromatisation tout sauf sirupeuse. En tout cas, il faudra attendre l’épreuve du feu pour trancher : März ou XY.
Les premières bouffées voluptueusement rondes véhiculent bel et bien des saveurs qui ne sont pas celles des tabacs, mais qui ne me rappellent pas pour autant l’amande et la noisette. Elles sont plutôt fruitées, mais sans que je les associe immédiatement à l’orange. Je vois encore des images de boulangerie, mais cette fois-ci ce ne sont pas des images de pains et de viennoiseries, mais de tartes aux fruits. En vérité, images n’est pas le terme approprié. Il s’agit plutôt de suggestions, tant l’aromatisation est délicate et bien intégrée dans l’ensemble.
Finalement, oui, il se pourrait bien qu’il s’agisse d’un vague goût d’orange. Serait-ce donc le XY ? Mais si c’est le cas, je ne détecte ni rhum ni latakia. Certes, mon expérience m’a prouvé que je ne parviens pas facilement à reconnaître un goût de rhum dans un mélange. Donc passe encore. Mais de là à ne pas arriver à déceler la présence de latakia ? Ça m’étonnerait. Se pourrait-il que le Frühling soit un troisième membre de la famille Jubiläumsmonat, déjà plus disponible au mois d’août au moment où je consulte le site de Motzek ? Ce n’est pas à exclure, vu que la gamme de tabacs que propose Darasz change continuellement.
Bientôt les saveurs évoluent et deviennent plus viriles : de l’acidité, de l’amertume, du poivre complètent le tableau, ce qui fait que la fumée perd à la fois sa délicatesse et sa suave rondeur. Le fruité est toujours là, mais face à ce trio de ténors il a du mal à faire entendre sa voix fluette. Ah, je la regrette, cette évolution qui constitue en quelque sorte la perte de l’innocence et de l’insouciance pour faire place à la lourdeur du sérieux.
Le fumage terminé, je suis tout sauf fier de moi. Je n’arrive toujours pas à dire avec certitude si j’ai fumé du März, du XY ou aucun des deux. Je dois donc me rendre à l’évidence : même pour un vétéran dans mon genre la dégustation à l’aveugle reste un exercice d’humilité. Mais bon, tout ça n’a finalement aucune importance, vu que je n’ai aucune intention de vous inciter à acquérir ce mélange qui, après des débuts fort prometteurs, a fini par me décevoir.
>En ouvrant le sachet en plastique, je découvre encore un de ces mélanges de Tom Darasz qui sortent des sentiers battus et qui, de plus en plus, semblent définir son style à nul autre pareil. Non seulement, la coupe des brins est très variée, en outre le mélange contient de très grands fragments de feuille, voire une feuille entière d’un tabac d’Orient souple et tout blond. Le reste du blend est constitué de virginias, de perique et d’un peu de black cavendish. Darasz nous promet des saveurs naturelles à la fois épicées, délicatement fringantes, rondes et harmonieuses.
En humant le mélange qui combine le blond et le fauve avec une myriade de bruns, je soupire d’aise : quel nez harmonieux et appétissant. C’est du pain sortant du four, c’est la boîte à biscuits de ma grand-mère, bref, c’est le genre d’odeur qui arrive à consoler, mais sans bruyantes effusions ni gestes expansifs. Ces arômes sont un modèle d’élégance et de finesse.
Je prépare le tabac en déchirant des morceaux de feuille que je mélange avec le reste. Cette pratique permet bien sûr d’expérimenter avec différents dosages de l’oriental, ce qui peut être intéressant. Mais personnellement, je ne me suis jamais découvert une âme de blender amateur parce que j’en suis venu à conclure que dilettantisme et mélanges vraiment réussis ne vont que très rarement de pair. J’aurais donc préféré que le Backbord ait été peaufiné et mis au point par un pro. Ceci dit, je dois avouer que le fait de manipuler ces feuilles souples et soyeuses, de les écôter et d’en mélanger des fragments avec les autres ingrédients pour obtenir un mix uniforme, n’est pas dépourvu de plaisir.
Malgré la base de plusieurs virginias et l’ajout de perique et de black cavendish, Tobaccoreviews met le Backbord dans la catégorie des orientaux. Cette classification peut paraître étonnante jusqu’à ce les premières vagues de fumée déferlent dans la bouche et ne laissent plus de place au doute : ce sont en effet les herbes d’Orient qui jouent le premier violon. Et, ce qui plus est, ce sont des orientaux de qualité qui confirment les promesses du nez : ils apportent au mélange de la délicatesse et du raffinement. L’assise des virginias est ronde et crémeuse, le perique ajoute une touche vaguement fruitée, mais ce sont les orientaux éthérés et fascinants qui apportent la complexité en virevoltant sans cesse entre épices, boisé et myrrhe, et qui complètent la structure avec une injection parfaitement dosée d’acidité et d’amertume. La description à première vue un tantinet grandiloquente de Darasz est donc en plein dans le mille.
Le fumage se poursuit sans encombres avec une combustion très régulière et sans la moindre morsure. Rien à signaler non plus côté puissance : ni léger ni lourd, le Backbord se cantonne dans un registre moyen qui doit satisfaire le plus grand nombre.
Petit à petit l’acidité s’accentue alors que le perique apporte des notes piquantes. En conséquence, les orientaux se font plus discrets, mais on continue à sentir leur présence dans le fond. Arrive la finale où l’apport des divers ingrédients se fond en un tout équilibré et intense des plus satisfaisants.
Le Backbord est une création d’un blender non-conformiste, parfois à la limite de l’excentrique, qui sait cependant ce qu’il fait et qui est en passe d’atteindre la maturité. Je tire mon chapeau à ce passionné du tabac qui combine un esprit novateur avec des méthodes authentiquement artisanales que je vous invite à découvrir ici :
L’odeur qui explose à l’ouverture de la boîte est mémorable : munster suant conservé dans chaussette sale. Je vous garantis que ça vous réveille un homme. Après que l’oxygénation a chassé cet effet de réduction, les arômes restent intenses, mais se normalisent. Je sens de la terre, des engrais chimiques, des noisettes, une chaleur liquoreuse, des acides volatiles, une pointe de chocolat au lait.
Le #2 est composé de white et dark burley et de red virginia. Une recette basique. Les flakes sont peu pressés, ce qui fait qu’ils se désagrègent au moindre toucher et se transforment très vite en brins bourrables. Le tabac n’est pas humide du tout, ce qui permet un bourrage immédiat.
On reconnaît immédiatement le typique burley sévère et très sec de C&D, mais il est habilement amadoué pour le virginia riche et mûr qui rend la fumée chaleureusement ronde. Ceci dit, côté saveurs, ce virginia joue strictement un rôle de support, le burley régnant en maître. Les saveurs sont franches et puissantes et nettement plus sombres et viriles que ne laissait présager le nez : pas de chocolat, peu de noisette, mais surtout de l’humus, du cuir, du bois, du cigare.
Le mélange n’est ni subtile, ni complexe, ni évolutif. Par contre, il brille par son équilibre et par son goût dense et volumineux. Ce qui frappe également, c’est d’une part la lenteur et la régularité de la combustion et d’autre part la puissance qui peut finir par peser.
Le Burley Flake #2 s’adresse aux amateurs d’un burley blend franc du collier, sans chichi. Si vous cherchez dans votre burley des goûts flatteurs de cacao, de noisette, de noix de coco, passez votre chemin. Si par contre il vous faut un tabac puissant et solide pour vous réchauffer les os par temps hivernal, n’hésitez pas.