Ça fait plusieurs décennies que je fume du Capstan bleu. Le jaune, c’est la toute première fois que je l’achète. Cela s’explique : j’ai toujours considéré le Gold Navy Cut comme la version light et donc affadie de l’Original Navy Cut. Or, sur Tobaccoreviews il obtient un meilleur score que son grand frère. Il est donc temps de vérifier si mon préjugé est une injustice.
Vu que la boîte sort tout droit de la manufacture de Mac Baren, elle est aussi britannique que le smørrebrød,. A l’intérieur on trouve de mignons flakes fins, parfaitement coupés et empilés. Le fauve des virginias blonds domine clairement, ce qui fait que le nez dégage des odeurs typiques de blondinette : de l’herbe séchée et une petite note à la fois mielleuse et fruitée sur le citron.
Nul besoin de sécher les flakes, on peut parfaitement les bourrer tels quels. D’ailleurs il n’est pas nécessaire de les émietter ; il suffit de les plier et de les rouler pendant quelques instants entre les doigts avant de les enfourner. C’est parti. Et d’emblée c’est confirmé : le Capstan jaune est en effet plus léger que son frère aîné : moins épicé et moins corsé. C’est un VA printanier facile et frivole qui compense son manque de profondeur par une agréable fraîcheur citronnée et un caractère bon enfant discrètement sucré qui est fait pour plaire au plus grand nombre.
Non, le Gold Navy Cut ne vous transporte pas au septième ciel. Il se borne à vous livrer des plaisirs simples et honnêtes, sans jamais fatiguer le palais. Pas de crescendo impressionnant ni de finale explosive, mais du début à la fin des saveurs délicates, jamais désagréables. C’est le genre de tabac que je me vois fumer assis au soleil de printemps, en sirotant un apéritif.
Personnellement, je préfère la version bleue, mais je dois admettre que le jaune a un charme qui lui est propre.
Pas la peine de vous lancer à la recherche de ce VA/perique en flake. Ça fait des années qu’il n’est plus produit. Alors à quoi bon vous en parler ? Simplement pour partager mon enthousiasme et pour vous persuader une fois de plus de l’insurpassable grandeur des virginias bien faits et longuement encavés.
Je remercie le membre de notre forum qui m’a accordé le privilège de déguster un très généreux échantillon d’une boîte fraîchement ouverte datant de 1981. S’il arrive parfois que l’essai des échantillons que je reçois relève de la corvée, cette fois-ci c’est un pur plaisir.
Comme dans tout mélange vraiment âgé, les ingrédients se sont fondus en un tout. En l’occurrence les six virginias différents et le perique ont évolué vers un brun riche et uniforme parsemé de fauve. Les flakes peu compacts se désagrègent au toucher et sont souples comme au premier jour. Ils dégagent des arômes appétissants et réconfortants de pâtisserie, de speculoos, de pruneau, de café, de sirop de candi et de vinaigre balsamique. Malgré l’âge, ces arômes ne souffrent nullement de fadeur : ils sont nets et puissants.
La braise révèle un tabac parfaitement équilibré qui est à la fois goûteux et élégant. Une belle douceur discrète enveloppe le palais pendant qu’une superbe acidité domptée par le temps vous titille les papilles. Quant aux saveurs, elles rappellent la complexité et l’harmonie du nez. Le résultat est consolateur, apaisant. Si ce tabac était un mets, il serait du genre que les anglophones appellent comfort food.
Remarquez que dans son genre, il y a mieux. D’ailleurs, à l’époque le Caledonian 499 ne jouissait pas exactement d’une réputation de grand classique incontournable. Mais voilà que le temps a réussi à sublimer des herbes correctes sans plus en un ensemble succulent d’une grande cohérence. Bref, une fois de plus il s’avère à quel point le temps est l’ami du virginia.
Tiens, me suis-je dit, du tabac canadien. Faut essayer ça. Grande fut donc ma surprise en découvrant noir sur blanc sur la boîte : Made in Germany. J’ai même trouvé le nom du blender : Rüdiger Will, depuis des décennies LE bobo (boss boche) aux allures de star internationale. C’est lui qui fait par exemple les mélanges pour Reiner et Solani.
Ce n’est pas fini. L’ouverture de la boîte me réserve une nouvelle surprise : ça doit être l’un des tabacs les plus humides que j’aie jamais vus. Ça, ce n’est plus ce qui s’appelle humide, c’est du carrément trempé. Il revient cher, comme ça, le litron de flotte ! Bref, une bonne journée de séchage avant de pouvoir bourrer la moindre pipe.
Le Klondike Gold est un VA pur qui se présente sous forme de flakes fins bruns avec des accents fauves et dorés. Le nez est plutôt discret et cependant plutôt agréable avec des notes de terre qui chauffe, de fraises des bois et de tabac naturel. Certes, ces arômes ne vous coupent pas exactement le souffle, mais ils vous donnent quand même envie de vous en bourrer une.
Les flakes se transforment en brins en un tour de main. Le fumage confirme les promesses du nez : voilà un tabac qui n’a rien d’inoubliable, mais qui tient la route du début à la fin. Une agréable douceur bien dosée, suffisamment d’acidité, une note saline et puis, surtout, des saveurs finement fruitées, fraîches, estivales.
C’est un mélange qui ne vous assomme pas, qui fiche la paix à vos muqueuses, qui se consume sans problèmes. Il n’ouvre pas tous les registres, il n’est ni profond ni complexe, il ne fera ni fanas purs et durs ni ennemis mortels. Le Klondike Gold est un mélange sans vrais défauts et sans grand mérite. C’est un VA flake comme il y en a tant d’autres : passablement bon, sans plus. Mais pas assez bon pour moi.