Font-ils un tabac ? n°35

par Erwin Van Hove

15/09/14

Motzek, Strang-Curly

Motzek Strang-CurlySur le site FdP, la liste des civettes allemandes recommandées compte une vingtaine de noms. Celui de Motzek n’y figure pas. Pourtant, cette maison établie à Kiel depuis 1975 mérite mieux. Et pour une bonne raison : elle se distingue des autres civettes allemandes qui proposent des mélanges maison. Ici on ne commercialise pas sous un autre nom des mélanges qui sortent tout droit du catalogue de Planta, de DTM ou de Kohlhase & Kopp. Herbert Motzek, lui, produit dans sa propre manufacture une trentaine de house blends pour tous les goûts. Pour découvrir ce blender peu connu en dehors des frontières allemandes, il n’est pas nécessaire de se déplacer au Schleswig-Holstein. Vous pouvez tout simplement visiter la civette en ligne deintabak.de et commander sans crainte : le service est parfaitement efficace.

Le tabac phare de la maison est sans conteste le Strang-Curly qui est proposé en deux versions : ungeschnitten et geschnitten. Ce dernier se présente sous forme de curlies à l’instar du Three Nuns ou des divers roll cakes de chez Mac Baren. Moi, j’ai opté pour la version non coupée, ce dont je suis ravi à la vue du rouleau tout droit de 25cm avec un diamètre de 2,5cm qui m’est livré. Que c’est beau ! L’extérieur est composé de deux feuilles de tabac entières, l’une nettement plus foncée que l’autre. A l’intérieur on découvre un centre presque noir entouré de brun et de fauve. Au toucher, le cylindre est souple, huileux et frais. L’odeur qu’il dégage est discret et pure nature : ça sent le tabac.

Comme monsieur Motzek recommande de fumer son Strang-Curly tout frais, sans le laisser sécher et sans l’encaver, je prépare sans tarder de quoi fumer une demi-douzaine de pipes. Pour ce faire, il faut impérativement un couteau parfaitement aiguisé. Moi, j’aime me servir d’un santoku ou d’un nakiri japonais, mais un bon cutter doit faire l’affaire. En tout cas, en employant un couteau émoussé, vous n’arriverez jamais à découper de fins médaillons qui conservent leur forme. Ces médaillons, je les malaxe légèrement avant de les enfourner sans tasser trop. Pendant cette opération, les arômes du tabac se précisent : ce VA/perique avec un cœur de ce que Herbert Motzek appelle du « burley foncé » n’a pas un nez classique. Il me rappelle davantage les tabacs bruns que le virginia et les notes grillées et discrètement fumées me font supposer que dans ce burley noirâtre, il n’y a pas que du burley cavendish, mais aussi du kentucky.

Le tabac s’allume assez facilement et d’emblée on découvre un tabac très savoureux et complet. La fumée est virile sans être agressive et il y a un bel équilibre entre le sucré qui est, me semble-t-il, davantage dû au burley cavendish qu’au virginia, et une acidité marquée mais policée. C’est un tabac impeccablement balancé qui dégage des saveurs de pain d’épice, de réglisse, de noisettes grillées et de poivre et qui constitue en quelque sorte la parfaite synthèse entre le caustique et revigorant Three Nuns et les roll cakes de Mac Baren plus doux et plus flatteurs. Malgré sa jeunesse et par conséquent son degré d’humidité assez élevé, le Strang-Curly se consume gentiment sans produire de jus. Il est vrai qu’au cours du fumage il n’y a pas d’évolution spectaculaire, mais qui pourrait s’en plaindre ? C’est dès les toutes premières bouffées que les saveurs sont intenses et profondes.

Le Strang-Curly est une découverte qui m’a impressionné, ce qui n’arrive pas tous les jours. Je le recommande chaudement à tous ceux qui apprécient un mélange incisif et percutant et j’estime que pour tous les inconditionnels de rope ou de spun cut, c’est un tabac indispensable.

Pipesandcigars.com, Scotty’s Old Red

Pipesandcigars.com Scotty’s Old RedLa civette en ligne américaine Pipesandcigars.com propose un choix de tabacs rien moins qu’impressionnant. Pour eux, le tabac à pipe, c’est une passion. C’est la raison pour laquelle ils conservent leur stock dans un entrepôt acclimatisé et qu’ils produisent eux-mêmes un large éventail de mélanges. Le blender de la maison n’est d’ailleurs personne d’autre que le célèbre Russ Ouellette dont la marque Hearth & Home a tellement de succès qu’elle a fini par être distribuée aussi par la concurrence.

Le fondateur de Pipesandcigars.com, Scott Bendett, a lui aussi créé une série de mélanges qui sont vendus en vrac sous le nom de Scotty’s Bulk Blends. Par le passé, j’avais goûté le Butternut Burley qui m’avait bien plu. J’en avais donc conclu que malgré leur prix plus que démocratique de $14 les 113 grammes, apparemment les Scotty tiennent la route. Cette fois-ci je m’apprête à déguster le Old Red encavé pendant 4 mois seulement. Il s’agit d’un VA pur composé de red virginia et d’un virginia longuement étuvé devenu tout noir. C’est donc un tabac sombre dominé par l’acajou, le brun et le noir dont le degré d’humidité est parfait.

Du pruneau, du clou de girofle, des notes boisées et une certaine acidité volatile mais sans la sauce tomate de McClelland. Voilà donc des arômes typiques pour un stoved VA à l’américaine. D’accord, ce nez n’est pas mémorable, mais appétissant tout de même. Le fumage s’avère un long fleuve tranquille. Ni poids lourd ni figure charismatique, le Old Red est tout simplement un bon tabac sans histoires pour les amateurs de red virginias. Le rapport sucré/acide est balancé, le taux en nicotine civilisé et l’intensité moyenne. Boisé et épicé, le mélange est goûteux mais sans atteindre la profondeur nuancée d’un grand McClelland. S’il ne mord pas les muqueuses, il est quand même à noter que sa fumée pourrait être plus veloutée.

Le Scotty’s Old Red est un mélange franc, linéaire et sans prétention. Au prix où il se vend, on n’a aucune raison de se plaindre. Par contre, quand on le compare avec de grands virginias en boîtes encavés pendant quelques années, il faut avouer qu’il ne joue pas dans la même cour. Et même dans le créneau des virginias rouges en vrac, il n’arrive pas à égaler le niveau du glorieux 5100 Red Cake qui reste donc ma référence personnelle.

Jean-Paul Couvert, Le Dix Cors Brame Naturel

Jean-Paul Couvert Dix Cors Brame NaturelLorsqu’en février de cette année, j’avais testé les semois de Jean-Paul Couvert, je m’étais limité au Cordemoy, au Vallée du Mont d’Or et au Dix Cors Brame aromatisé. La version pure nature du Dix Cors Brame, je ne l’avais pas achetée parce que pour une raison que j’ignore, contrairement à ses petits frères, elle est uniquement disponible en paquets de 250g. Pendant plusieurs mois, j’ai fumé avec énormément de plaisir les tabacs de Couvert et j’ai même fini par conclure que ce sont désormais mes semois de prédilection. Je n’ai donc plus aucune raison d’hésiter devant l’achat de conditionnements de 250g et me voilà enfin en possession du Dix Cors Brame Naturel.

Point besoin de rédiger un nouveau texte. Je vous renvoie tout simplement à mon article sur les autres semois de Couvert : artfontilsuntabac29. Le Dix Cors Brame Naturel s’inscrit parfaitement dans la lignée des autres mélanges de Couvert. C’est donc un semois nuancé, subtil et complexe avec une belle douceur sous-jacente. C’est un compagnon de route chaleureux et réconfortant qui ne lassera jamais l’amateur de bruns.