Font-ils un tabac ? n°108

par Erwin Van Hove

22/06/20

TAK, Dad'n Tobak

Ça, c'est du tabac !

Détrompez-vous. Non, je n'ai pas commencé mon texte par la conclusion. C'est tout simplement la traduction de l'expression dialectale Dad'n Tobak employée dans le nord de l'Allemagne. Le nom du mélange donne donc à penser que le blender kielois n'est pas peu fier de sa création qui a pour but de constituer pour les amateurs d'aros une alternative plus naturelle, sans pour autant les dépayser.

Voilà la recette : des virginias doux, un peu de burley et de black cavendish, et une aromatisation discrète dont Darasz omet de mentionner les ingrédients. A l'ouverture du ziplock, je comprends d'emblée l'intention du blender : si le tabac a bel et bien été aromatisé, le nez n'a rien en commun avec les typiques aros tape-à-l'œil. Je sens une plaisante odeur de sirop d'érable et, dans le fond, un soupçon d'arômes fruités. C'est tout. C'est un nez qui met en confiance le fumeur friand d'aros et qui, en toute vraisemblance, ne rebute pas le fan de tabacs naturels.

Le mélange est visuellement attractif à cause de la coupe XXL dominée par les grands fragments de feuilles de virginia blondes et fauves. Le brun du burley est clairement minoritaire et ce n'est qu'ici et là qu'on découvre les brins noirs du cavendish. Quoique légèrement humide, le tabac se consume sans problèmes sans séchage préalable. A condition de tenir compte de la coupe qui nécessite un bourrage léger.

D'emblée ce sont les virginias qui mènent la danse. Du début à la fin, les autres tabacs ne font que de la figuration, le burley en apportant au fond une touche terreuse et amère, le black cav en ponctuant ici et là l'ensemble d'une note toastée. Les virginias tissent une toile aigre-douce épicée qui tout au long du fumage domine la sensation en bouche. Les sucres sont toujours présents mais sans aucunement verser dans la sirupeuse douceur des aros typiques. Au contraire. L'acidité citronnée et piquante rend la fumée vive et nerveuse, mais en veillant à ne pas agresser le palais.

Et l'aromatisation dans tout ça ? Et bien, il faut dire qu'elle est parfaitement bien intégrée dans l'ensemble. Surtout dans la première moitié, je distingue une saveur de sirop d'érable qui s'harmonise bien avec les épices des virginias et avec les accents grillés du cavendish. Plus tard, le goût de maple syrup se retire dans le fond, mais sans pour autant disparaître complètement. Par ailleurs, je constate avec plaisir que la fumée ne devient pas amère en cours de route, ce qui confirme que ce n'est pas un aro vulgaire.

Le Dad'n Tobak est clairement un tabac bien fait. Toutefois, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé. Pour moi, il lui manque de la personnalité et de la carrure. Il cherche trop à ne pas déplaire. Et comme je n'ai jamais été grand adepte de virginias blonds, je le trouve un peu trop citronné. N'empêche que je ne l'ai pas fumé à contrecœur et que l'aromatisation ne m'a pas gêné outre mesure. En tout cas pas pendant les premiers fumages. Par contre, pour finir mes 100 grammes, il m'a fallu de la détermination.

Un dégustateur sur Tobaccoreviews a défini le Dad'n Tobak comme un « semi-aromatic ». Je comprends ce qu'il veut dire. Thomas Darasz tient donc sa promesse : son mélange peut convaincre les fumeurs d'aros qu'il ne faut pas nécessairement sortir les fioles d'arômes chimiques pour composer un blend qui puisse les satisfaire. C'est par ailleurs un mélange que j'oserais recommander aux débutants. Pour moi personnellement, ça reste un aro et par conséquent à la longue ses saveurs aromatisées finissent par m'ennuyer.

G.L. Pease, Barbary Coast

Le Barbary Coast est l'un des plus anciens mélanges de Greg Pease et l'un des plus atypiques puisqu'il s'agit fondamentalement d'un burley blend aromatisé. A part le burley en cube cut, le blend contient du red virginia et du perique. Et du brandy.

Si ici et là je retrouve dans ma boîte âgée de quatre ans de petits morceaux de flake et des fragments de feuilles noires, le plus gros du mélange se présente non pas sous forme de brins classiques, mais en tout petits carrés plats. Les odeurs ne rappellent pas le burley blend typique. Si, je décèle un soupçon de poudre de cacao. Mais pas de terre, pas de noisettes. J'ai du mal à décrire ce que je sens. Une odeur vineuse. Des fruits sur alcool. Des relents d'acétone. En tout cas, c'est un nez assez complexe dans lequel je sens surtout le perique et l'alcool, mais sans reconnaître du brandy.

J'ai traîné pendant deux semaines avant de continuer la rédaction de mon texte. Parce que franchement, je n'ai pas grand-chose à vous rapporter. En vérité, le Barbary Coast me laisse parfaitement indifférent. J'admets qu'il est loin d'être désagréable, mais à chaque fumage j'en arrive à la même conclusion : il n'arrive pas à capter mon attention et il ne me procure guère de plaisir.

Pourtant, objectivement parlant, je constate que la structure est équilibrée avec ce qu'il faut de douceur, d'acidité, d'amertume et de salinité. En outre, le burley, le virginia et le perique se fondent sans conteste en une unité harmonieuse. C'est en principe une qualité et cependant, je crois que c'est ce qui me déçoit dans ce cas particulier : quand j'achète un burley based blend, je veux avant tout goûter du burley. Mais ce qui me gêne encore plus, c'est l'omniprésente chaleur sucrée due à l'ajout du brandy qui se superpose avec les saveurs des tabacs. Pour moi, le Barbary Coast manque donc de pureté.

Je peux aisément imaginer que le Barbary Coast vous plaira. Après tout, ça reste quand même une création d'un blender plus que compétent. Mais pour moi, ce mélange constitue une preuve supplémentaire du fait que j'ai vraiment du mal avec les aros, même s'ils sont bien faits. Ceci dit, je constate sur Tobaccoreviews que je ne suis pas le seul à avoir certaines réserves. Avec son score de 3.0, le Barbary Coast ne semble soulever que des applaudissements de politesse. La vox populi est en plein dans le mille : le Barbary Coast est un blend respectable mais sûrement pas enthousiasmant.

Cornell & Diehl, Lunchtime Blues

Allez hop, un autre burley based blend. Cette fois-ci avec des virginias et des tabacs d'Orient. Comme d'habitude chez C&D, les brins fauves et bruns sont secs, mais pas comme la chemise de l'archiduchesse tout de même. Qu'est-ce que ma boîte âgée de six ans révèle comme odeurs ? Tout un plat. Je sens avant tout du cube bouillon, du concentré de tomates, de l'umami. Mais en y prêtant plus attention, aussi du pain d'épices et du pruneau. Un nez intense et fascinant qui ne me rappelle en rien le burley. Etonnant.

Et c'est pareil après l'allumage : où est le burley ? Je goûte un fond de virginia mi-doux et passablement neutre et surtout des orientaux épicés, boisés et acides. Ce n'est que quelques minutes plus tard que je découvre des traces de burley terreux. Désormais je me rends compte que le burley n'est pas supposé jouer le rôle de star, mais qu'au contraire Chris Tarler a voulu un blend dans lequel les trois ingrédients collaborent pour former une unité. Il a manifestement réussi parce qu'il est à peu près impossible de distinguer l'apport de chaque tabac. L'acidité épicée qui s'est mise à dominer la fumée, provient-elle des orientaux ou des virginias ? Je ne le sais plus.

A partir du milieu du bol, les acides omniprésents et les épices passablement piquantes sont rejoints par un accent amer. Heureusement que les virginias mi-doux ne fatiguent pas. Désormais le goût reste constant et je le regrette parce que de la part d'un burley blend, je n'attends ni acidité ni piment. Je le regrette d'autant plus que le nez était vraiment prometteur et qu'en outre, Cornell & Diehl est parfaitement capable de nous livrer des burley blends rustiques et francs.

Bref, encore une déception. Parce que pour moi, ce n'est pas un burley blend. D'ailleurs, le piètre score de 2.7 qu'obtient le Lunchtime Blues sur Tobaccoreviews donne à penser que peu de fans de burley le portent dans leur cœur.