Test d'une Tahoo

par Aleksander Niepokoila

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site pipe Tahoo

La curiosité, voilà tout. C’est ce qui m’a poussé à acquérir quelques pipes ayant un calabash system ou reverse system pendant un bon moment. J’ai même fini par acquérir la combinaison des deux constructions, histoire de voir si les double calabash ajoutaient quelque chose au fumage. Avant de parvenir à cette réponse, j’aimerais d’abord présenter ce qui est à l’origine de ce court papier. Olivier, celui qui est à l’origine de la création des pipe Tahoo, a présenté sur le forum une nouvelle approche de la fabrication des reverse calabash. Du moins ça l’était pour moi, mais notre cher Erwin a corrigé mon ignorance sur le sujet : “En vérité ce système existait déjà longtemps avant l'avènement de la reverse calabash avec une chambre de condensation dans la tige. Ce genre de pipe était tellement répandu qu'il avait son propre nom : la Captain Warren”. Bref, une calabash verticale ? Pourquoi pas, après tout. Théoriquement, cela veut dire, étant donné le schéma, que la condensation finira forcément par tomber dans la chambre ; c’est-à-dire que cela élimine à 100% le risque que du jus remonte jusqu’à la tige.

une pipe Tahoo

Nous discutons rapidement avec Olivier, et je lui promets de prendre des notes et d’écrire un petit papier en échange de la possibilité d’essayer cette pipe, et celui-ci m’envoie sous peu le colis. Je tiens à préciser que l’objectivité restera de mise par la suite. Ce n’est d’ailleurs pas un cadeau, car je compte renvoyer la pipe à son propriétaire. Cela évite aussi les biais, et permet de pouvoir décrire les bons comme les mauvais points. La pipe arrivée à bon port, j’ouvre un colis avec une belle boîte qui contient bien évidemment la pipe, mais aussi une fiche explicative avec le schéma et quelques notes décrivant l’objectif, le fonctionnement, et sa construction. Je me permets de citer, donc : “la fumée est d’abord diffusée et homogénéisée dans la chambre d’humidité située directement en-dessous du foyer, puis redirigé dans le tuyau en Bambou : aucun filtre ou “systême” n’est nécessaire”. On ajoutera que la tige est percée en 4mm constant, avec un floc en entonnoir, jusqu’à l’arrivée de l’embout qui diminue le conduit en 2mm. Le bouchon en verre, lui, condense l’humidité et les impuretés comme le goudron. Le merisier dégage, quant à lui, une odeur caractéristique de sa nature. Du moins c’est ce que je me dis jusqu’à ce que j’apprenne que le bois est verni. Cette odeur, bien heureusement, disparaîtra très rapidement parce que je n’en apprécie pas l’aspect chimique et artificiel.

une pipe Tahoo

Bref, que cela donne-t-il en pratique ? J’ai décidé, au départ, de la fumer avec un English Breakfast de Hans Wiedemann que j’adore au petit déjeuner. Soyons concis : le goût semble très amoindri par rapport aux fumages précédents que j’ai eus avec mes pipes “classiques” avec ce tabac que je connais, et le tirage n’est pas si simple que cela. J’ai l’impression, lorsque j’aspire, qu’il est compliqué de faire chauffer la chambre pour garder le tabac allumé. Il m’a fallu beaucoup trop d'allumages pour que l’on puisse dire que cela vient du fumeur ou du tabac. Soupçonnant la problématique de l’embout qui réduit le canal, et qui empêche l'expansion de la fumée dans la bouche comme cela pourrait se faire avec un tuyau avec un bec percé en V comme j’en ai l’habitude, je décide de ne pas faire de nouvel essai pour le moment. Par contre, il est indéniable que le bouchon et la chambre remplissent parfaitement leur office car à aucun moment ma langue n’a été agressée par une fumée humide ou du jus de pipe. On remerciera également la tige en bambou avec son pouvoir absorbant.

Très vite, nous nous passons un coup de fil avec le pipier, et je lui présente le résultat obtenu et mes suggestions. Je découvre au passage qu’Olivier est un personnage charmant et sympathique, instruit et très ouvert. Il me faut souligner qu’il a tout de même réalisé pas mal d’essais avant d’arriver à ce produit, en testant les dimensions et les perçages adaptés à la pipe pour obtenir un résultat satisfaisant. Olivier me donne l’autorisation d’enlever l’embout réducteur à ma manière pour tester une arrivée de la fumée depuis son canal percé en 4mm directement dans la tige. Oui, un 4mm quasi constant, mais rond.

une pipe Tahoo

Tout de suite, on remarque la différence avec ma femme : pas besoin de rallumer la pipe; le tirage est le plus exemplaire qui soit, une fumée concentrée en un point, certes, mais jamais chaude ou humide, et surtout beaucoup plus de goût. Malheureusement pour moi, c’est avec cette pipe que je m'aperçois que le merisier me déplait définitivement : ce bois me semble trop chargé en goût et à tendance à altérer complètement l’expérience du tabac. Certes, je reconnais de très loin le goût des burleys, des virginias, des latakias et autres plants que j’essaie, mais ils sont toujours couverts par le bois qui dénature et prend trop de place. De ce fait, je ne fume plus mes tabacs préférés, mais le goût du bois qui ne change quasiment jamais malgré les différents blends essayés. Ceci dit, c’est le bois que j’accuse, et non pas la pipe en elle-même. D’ailleurs, la pipe ne chauffe jamais, et dieu sait que j’ai même essayé de la mettre à rude épreuve en tirant comme un forcené pour voir ce que cela pouvait produire. La fumée reste dans une condition parfaite, et la chambre fait définitivement son office. Si notre cher Olivier m'explique qu’il suffit simplement de nettoyer le bouchon en verre avec de l’eau, je garde tout de même le réflexe de passer une chenillette dans la tige en bambou, mais elle reste quasiment immaculée. C’est dire à quel point le bambou remplit bien sa fonction.

Comme toute pipe, le fait de la fumer permet de la culotter tout doucement, et le goût du bois s’amoindrit au fur et à mesure. J’ai cependant dit à Olivier qu’à mon avis le merisier était trop fort en goût pour permettre d’avoir un fumage satisfaisant avec la plupart des tabacs. Par contre, la construction technique et l’essence du bois viennent adoucir des tabacs qui sont trop forts, trop durs, trop rêches, ou trop puissants. N’empêche que je vous conseillerais tout simplement de changer de tabac si vous en venez à avoir besoin d’une telle altération quand vous voulez fumer. De la même manière, j’aurais préféré un tuyau un peu plus conventionnel, au moins en termes d’embout, mais je comprends la démarche écologique, du circuit-court, et de la récupération naturelle des ressources. Cela dit, je reçois plus tard un message d’Olivier avec une photo très parlante :

une pipe Tahoo

Voici une “nouvelle” version de la pipe équipée d’un vrai tuyau en acrylique, avec un bec conventionnel percé en V, mais aussi une autre essence de bois : le poirier. Selon Olivier, ce bois est plus neutre, moins sucré. Alors là, c’est une bonne surprise. Je n’ai pas eu l’occasion d’essayer, mais j’ai crû lire à plusieurs endroits que le poirier méritait au moins un petit détour. Certes, le format de la pipe n’invite pas forcément à la garder en bouche, mais plutôt en main, mais il reste satisfaisant de pouvoir fermer normalement la bouche quand on fume. De très bonnes décisions, donc, surtout que je ne vois pas le bois verni, ce qui lui permettra de respirer un peu. Bien.

J’ai fait un dernier essai de fumage avec un vieil aro que mon cher ami Hassan m’a légué, en sachant que je l’avais bien aimé malgré le fait que je n’en fume qu’une fois par mois (voire tous les deux mois). Cela peut-être dû au fait que la pipe se culotte, ou alors peut-être que j’ai fini par trouver une bonne combinaison bois/tabac, ou peut-être une combinaison des deux. Je n’en sais rien, mais il se trouve que j’ai passé un moment fort sympathique pour une fois. Il y a donc peut-être de l’espoir pour le merisier, mais d’autres essences m’interpellent. Peut-être Olivier trouvera-t-il de l’érable, du noyer, ou autres bois comme le morta et l’olivier un peu plus indiqués par la suite. N’empêche que je serais très curieux de tester cette pipe en version bruyère (car je préfère tout de même la bruyère à n’importe quelle autre essence), parce que, pour en revenir aux différents systèmes, je suis assez bluffé. Pour faire simple, voici comment nous pourrions présenter les choses :

Ce n’est peut-être pas un nouveau système existant nulle part ailleurs, mais il faut dire que le pari est quand même réussi. En enlevant un peu de matière “inutile” sur le bouchon, en limitant la hauteur des chambres, en diminuant la longueur de la tige en gardant le bambou, et en ayant juste le bec en ébonite/acrylique grâce à un mini-tuyau comme sur une Basic, on tient théoriquement la calabash verticale la plus idéale du monde en terme de dimension, de poids, de tenue, de confort, et d’efficacité en terme de fumage. Une poker/cherrywood parfaite, en somme. Ne tient plus qu’au bois d’être bon, mais cela dépendra de cette ignoble nature qui est tout de même aussi capable de nous pondre des bouts de bois aussi bons que les chaussettes sales portées par mon arrière-grand-père décédé dans son cercueil. Comme quoi, l’écologie, des fois..!