Test d'une Chacom 2016

par Gilles Suisse

18/11/15

Chacom 2016 : le coq chantera trois fois, vive le coq !

Des Chacom, j’en ai fumées et eues souvent entre les mains. Les formes, en principe classiques, sont le plus souvent de bon goût, tout comme la bruyère qui n’a en principe pas ce goût de bois vert qu’on peut trouver chez d’autres fabricants.

Mais alors, oh combien de fois suis-je tombé sur des pipes lisses mastiquées à la louche, souvent en plus sous une épaisse couche de laque. Pour un amateur de belles pipes, ces platées de mastic, c’est pas branchant du tout. Ajoutez à cela le fait que les tuyaux sont traités de manière sommaire, et vous comprendrez pourquoi les Chacom, comme toutes les autres industrielles ou semi-industrielles de Saint-Claude, je les ai données loin ou alors elles traînent au fond d’un bac. En tout cas, ça fait une paie que j’ai plus bavé devant une telle pipe.

Et voilà qu’un membre de notre forum, Joseuvic pour ne pas le citer, ouvre un poste sur la pipe de l’année 2016 de Chacom : viewtopic.3949. La photo m’interpelle immédiatement, faut dire qu’elle a de la gueule, cette pipe. Rarement vu une forme autant sexy qui soit produite par un fabricant et non pas par un artisan.

Profitant de la présence sur notre forum d’un employé de Chacom, Manzoni, j’obtiens quelques infos encourageantes, à savoir qu’il y a une volonté chez Chacom de sortir de la routine et de peaufiner les détails. Perçage un poil plus large (3.5mm, ce qui n’est pas encore le perçage large à 4mm qui me semble être l’idéal, mais ce qui s’en rapproche) et surtout, finition soignée du tuyau avec une lentille ouverte en V pas trop épaisse.

Il semblerait que cette édition annuelle soit un haut de gamme, ce qui s’en ressent sur le prix, surtout sur le plus haut grade (lisse sans défauts). Captivé par cette Chacom et le renouveau qu’elle promet, mais échaudé par des expériences passées, je contacte Patrick du Cadre Noir à Epinal : lecadrenoir.com pour passer commande non pas d’une prestigieuse lisse mais du modèle « de base », à savoir une sablée noire, le modèle S. 1000.

A la réception, la première chose qui frappe, c’est la boîte en cuir (ou simili) verte surpiquée. C’est sobre et classe à la fois. Certes, on ne fume pas la boîte. Heureusement, on n’est pas dans la folie de certaines Dunhill commémoratives avec des boîtes autant volumineuses qu’un meublé sur Montmartre (et autant onéreuses). Non, on est dans du luxe à la française, beau sans être tape à l’œil. Il y a aussi un certificat d’identité qui indique que ma pipe est la 1013 sur 1245 exemplaires et un cultissime dépliant sur les 10 tabacs de qualités. Le dépliant date de l’époque napoléonienne ou presque, avec je pense plus que deux tabacs encore dispos sur les 10 décrits. Si le coq est entré dans le XXIème siècle, disons qu’il surfe sur une tablette au travers d’un monocle suranné. Volonté délibérée de garder un côté vielle France ou tout simplement volonté de faire des économies en distribuant un vieux mais gros stock de dépliants, à vous de voir…

Chacom 2016

Pour en venir au vif du sujet, à l’objet du délit, voici enfin la photo de ma Chacom 2016. Elle a une taille de guêpe, non ! Quelles courbes !

Le tuyau est fait pour accepter un filtre 9mm. Il est également équipé d’un zigouigoui bien français. Ouf, il se démonte sans problème. En enlevant tout ce cheni, la pipe respire enfin facilement. Et dire qu’il y a des bleus qui se font piéger et s’évertuent de fumer leur pipe en laissant le zigouigoui…un filtre 9mm, à la rigueur, mais ce truc en fer complètement bouché. Sont fous ces français !

Par pudeur (flemmardise ?, non, voyons !), je ne vais pas vous donner les mensurations exactes de la belle, genre épaisseur des lèvres, diamètre du perçage etc. Je vous laisse juste une photo de la lentille avec au passage, une vue du foyer vierge (très bonne idée, ce foyer sans badigeon de goudron). Et je vous prie de me croire sur parole, la lentille et le tuyau sont à des années lumières des anciennes Chacom. Enfin, il y a du confort en bouche. Voyez pour comparaison une ancienne Chacom et cette édition 2016 sur le billiard. Ce n’est pas tout à fait au niveau des artisans stars (par exemple, les pans internes de la lentille sont à angle droit, avec un coup de lime, le contact avec la langue serait plus agréable), mais c’est réellement confortable et bien mieux que ce que font d’autres fabricants.

Manzoni n’avait pas menti, cette édition 2016 semble marquer un réel renouveau de la pipe sanclaudienne. Chapeau bas ! En guise de clin d’œil, vous pouvez la voir en compagnie de la pipe du forum 2015, une Castello et je dois admettre que la française n’a rien à envier à l’italienne.

En tant que Suisse, je ne peux être taxé de chauvinisme face à la pipe française. J’ai tout simplement eu beaucoup de plaisir à constater qu’un objet artisanal produit juste à côté pouvait tenir la route, sans qu’il y ait forcément besoin d’aller voir très loin. Encore une fois, je souhaite à Chacom et à la pipe de Saint Claude de pouvoir persévérer sur cette voie, en continuant à peaufiner les détails qui font, d’un objet utilitaire, un vrai objet de plaisir. Le coq n’est pas mort !

Bon, là je vous laisse et vais m’en bourrer une.

Bonnes pipes
Gilles Suisse