L'Etat et le tabac

L'initiative de Richelieu ne se montra pas très fructueuse pour les finances publiques, mais l'exemple avait été donné et, dès lors, l'État ne cessa de s'intéresser au tabac. Louis XIV, conseillé par Colbert, s'attribua en 1674 le privilège exclusif de la vente et de la fabrication du tabac. Ce privilège fut affermé d'abord à des particuliers, ensuite à la Compagnie des Indes, moyennant une redevance qui s'accrut rapidement. Le premier fermier fut un avocat au Conseil du Roi et pour la première année de ferme il paya 500.000 livres ; le dernier fut le savant Lavoisier qui dut à son titre de Fermier Général des tabacs d'être guillotiné sous la Terreur. La grande préoccupation des fermiers fut de paralyser la fraude qui était pratiquée sur tout le territoire.

A la veille de la Révolution, une dizaine de manufactures produisaient chaque année de 6 à 8 millions de kilogrammes de tabac et la Ferme versait 30 millions de livres au Trésor Royal, somme qui aurait pu être bien supérieure sans la rapacité des fermiers et des sous- fermiers. On vendait alors des rôles, sortes de cordages en feuilles de tabac qu'on pouvait à volonté couper ou râper pour fumer, chiquer ou priser. Les plus gourmands achetaient des carottes, gros boudins de feuilles ficelées, mais le plus grand nombre se contentaient d'une tabatière bien garnie. La fin du XVIIIe siècle fut l'époque des tabatières ; le tabac à priser français avait alors la réputation d'être le meilleur du monde.