S’il est particulièrement soigneux, notre planteur fera sa récolte feuille à feuille en commençant par celles du bas qui mûrissent les premières. Cette technique demande bien sûr beaucoup de temps ; on se fera une idée du travail nécessaire si l’on réfléchit que la compacité ordinaire des plantations va chez nous de 10 à 11.000 pieds à l’hectare dans le Lot (tabacs corsés) à 48.000 pieds dans le Pas-de-Calais (tabacs légers). Aussi le planteur se contentera-t-il souvent de récolter par tiges, ce qui lui permettra une notable économie de temps et de main- d’oeuvre, mais donnera une récolte de qualité moins homogène. C’est cette dernière méthode qu’adoptent la plupart des cultivateurs du Sud- Ouest (régions de Marmande, Cahors, Montauban, La Réole, Périgueux).

Alors seulement commence la partie la plus délicate du rôle technique du planteur : la dessication. La récolte est transportée au séchoir au début de septembre. C’est un bâtiment étanche en bois dont l’aération est réglée au moyen de panneaux mobiles. Le séchoir est installé sur terrain sec, à l’abri des vents. Les feuilles ou tiges sont enfilées dans des ficelles et les guirlandes ainsi formées sont tendues sur plusieurs étages. Après deux ou trois semaines de séchoir, les feuilles ont bruni et ont perdu 70 % de leur eau, mais les côtes, encore vertes, ne sont tout à fait desséchées que vers la fin octobre.

Après la dessication vient le triage. C’est une opération qui consiste à réunir les feuilles de même longueur, de même couleur, de même qualité, présentant les mêmes caractères. En France, les tabacs corsés sont classés en quatre qualités et les tabacs légers en sept qualités, dont la définition est fixée chaque année. Les tabacs triés sont alors réunis en manoques de 25 à 50 feuilles. Le planteur livre sa récolte au magasin le plus proche en février, sous forme de balles de 100 à 200 manoques, au jour fixé par l’Administration.

Une culture dirigée

Aucune culture en France n’est plus contrôlée et réglementée que celle du tabac. Le comité technique du S.E.I.T.A. fixe chaque année la liste des départements autorisés à cultiver le tabac et la superficie que chacun d’eux pourra y consacrer. A l’intérieur de ces départements, les communes doivent ensuite recevoir individuellement une autorisation; à l’intérieur de ces communes enfin, les particuliers doivent être agréés par une Commission des permis. Les graines sont fournies par le S.E.I.T.A. Les planteurs, dont les obligations sont minutieusement définies, doivent se soumettre en tout temps au contrôle des agents de l’administration et sont tenus de livrer intégralement leur récolte.

Comme il n’y a qu’un seul acheteur, la fixation du prix pose un problème délicat. Il est actuellement fixé par le Ministre des Finances après accord amiable au sein d’une commission paritaire entre les représentants des planteurs et ceux de l’Administration. Les planteurs peuvent recevoir de plus diverses primes de qualité et de quantité. Ainsi, en 1951, le prix moyen du tabac en feuilles (il varie suivant la qualité) a été de 08.200 fr. les 100 kg., plus 8.800 fr. de prime, soit 37.000 fr. La multiplication des demandes d’autorisation de culture prouve que le tabac est une plante intéressante pour les cultivateurs.