Trever Talbert

Un entretien entre Trever et Carl-Franz sur la bruyère et les Ligne Bretagne

Carl-Franz : Les Ligne Bretagne sont faites à partir de "vieilles" bruyères algériennes, quel est leur âge ?

Trever : C’est une très bonne question ! Une grande partie des ébauchons datent des années 1950, ils sont donc très vieux. Cependant, les deux pipiers qui m’ont précédé dans cet atelier avant que je ne l’achète, avaient acquis beaucoup de plateaux neufs et les avaient mélangés avec les anciens. Malheureusement il n’y a eu aucun suivi permettant de distinguer les anciens des nouveaux. Je n’ai donc aucune idée de leur âge exact, la seule chose que je peux dire est qu’ils ont séché depuis au moins 6 ans. Époque du dernier stock acheté par Patrice.
Mais la majorité est beaucoup plus ancienne. Peut-être qu’un jour, je prendrai quelques ébauchons avec moi pour aller à Saint-Claude et j’essayerai d’enquêter sur leur provenance, l’origine du coupeur, etc. Mais cela n’est pas dans l’immédiat, j’ai besoin de progresser en Français !

Carl-Franz : Quant aux pipes haut de gamme que tu produis, les Talbert Briar, quelle est l’origine de leur bruyère ?

Trever : C’est une combinaison de sources, principalement italienne, corse et grecque. J’essaye à chaque fois que c’est possible de sélectionner mes propres blocs ou de travailler avec un bon coupeur. Mais il est en fait impossible de déterminer avec précision l’origine des plateaux sachant que les coupeurs s’approvisionnent à différentes sources. Donc un pipier se fie à la qualité générale des plateaux de tel coupeur plutôt que de leur origine. Il y a toute une mythologie qui entoure les différentes sources de bruyère et leur supposée influence sur la dégustation lors du fumage. En vérité le caractère de la bruyère est principalement influencé par le travail des coupeurs, le procédé de coupe et le procédé d’ébullition qui vient du fournisseur de la matière première.

Carl-Franz : Quel est le prix moyen d’une pipe faite sur mesure ?

Trever : Les pipes que je fais sur mesure ne peuvent être de la gamme Ligne Bretagne. Sinon il n’y a pas vraiment de prix moyen. Tout dépend de ce que souhaite la personne. Un prix d’entrée pour une morta est de 200 euros, un modèle plus grand coûtera peut-être 600 euros ou plus quant à une Talbert Briar son prix varie de 330 à 1100 euros voire plus.

Carl-Franz : Est-ce que les Ligne Bretagne sont oil-cured ?

Trever : Non, pas actuellement. J’ai travaillé sur différentes idées d’oil-curing mais je n’ai pas encore trouvé une technique utilisable pour les Lignes Bretagne, qui sont des productions en série. La difficulté est de trouver un traitement suffisamment rapide pour ne pas augmenter leur coût.

Carl-Franz : Qu’elle est l’origine du dépôt noir visible à l’intérieur du foyer des LB ?

Trever : Il s’agit de pré-carbonisation, et je crois beaucoup en ce procédé ! Il est particulièrement important pour les LB car l’épaisseur de leur foyer est fine, ce qui les rend vulnérable à la surchauffe.
La pré-carbonisation varie énormément en efficacité et sur le goût de la pipe. Une bonne pré- carbonisation protégera le bois tout en marquant son goût originalement amer. Les mauvaises pré-carbonisation ont habituellement un goût très différent et parfois désagréable. Le liant qui permet de fixer la couche de carbone aux parois en est souvent la cause.

Carl-Franz : Depuis le premier fumage, les LB ont un goût particulier mais qui a tendance à masquer l’arôme du tabac fumé (par exemple un Cairo de GL Pease). Est-ce que ce goût va rester ? diminuer ? ou disparaître totalement dans le temps ?

Trever : Il va diminuer puis totalement disparaître.

Carl-Franz : Les mélanges avec une coupe en ruban sont conseillés pour les LB. Quelles sont les LB qui se prêtent le mieux au fumage des flakes ?

Trever : Il est difficile de répondre à cette question. Parce que la préférence des fumeurs pour accorder la forme d’un fourneau à tel type de tabac varie énormément ! En ce qui me concerne, je préfère les fourneaux coniques d’un diamètre plus petit. En fait la dimension du fourneau idéal pour la combustion des flakes est celle où l’on peut faire tomber en tas des disques de Three Nuns ! De façon générale je conseille les petits fourneaux.

Carl-Franz : Et pour finir : où as-tu appris la fabrication des pipes ?

Trever : J’ai appris la technique chez plusieurs pipiers aux USA. Je suis surtout quelqu’un qui apprend beaucoup par lui-même tout en me guidant avec les conseils et les principes que ces pipiers m’ont appris. J’adapte et modifie ces techniques. Avant ce métier je n’étais pas sculpteur mais peintre et illustrateur professionnel depuis de nombreuses années. J’ai exposé dans plusieurs galeries. Et je pense que ma connaissance de l’aérographe m’a énormément apporté dans mon habilité au sablage d’aujourd’hui. J’ai l’habitude du détail depuis bien avant mon entrée parmi les pipiers.