Petit précis à l'usage du voyageur fumeur de pipe

par Guillaume Laffly

20/03/16

J’avais déjà évoqué les divers soucis qui accompagnent les préparatifs de voyage du fumeur. Mais c’était une époque encore bénie, où, si l’on hésitait avant de franchir le seuil de sa demeure ancestrale, gardée par son matou fidèle, on ne se posait plus de questions à l’arrivée.

Hélas, les temps ont bien changés, mon pauvre monsieur, et les préparatifs du départ ne sont qu’une étape. Dorénavant, c’est à l’arrivée que les problèmes commencent.

Attention, je ne veux pas jouer les petits choses, je suis simplement maintenant en mesure de donner quelques conseils au pauvre voyageur qui ne veut pas se séparer de ses bouffardes.

Car entendons-nous bien : mon travail m’amène parfois – pas assez souvent – à fréquenter quelques hôtels plutôt luxueux. On a, par contrat, droit à du 4 ou 5 étoiles minimum, voyez. Avec parfois aussi non pas des chambres, mais de véritables appartements. Pour vous donner une idée : outre la magnifique salle de bains, il y avait au loin une pièce où je pouvais accrocher mes affaires : j’ai compté : 60 cintres ! On a l’air tarte avec ses deux pantalons et ses deux vestes … Il y avait de magnifiques WC à disposition, à part, avec un téléphone au-dessus du rouleau de papier – et, last but not least *, des toilettes invités. Je veux dire, des toilettes juste pour les invités. Chacun sa cuvette, on ne mélange pas. Vous êtes surpris ? Moi aussi. Je devais juste ramener des savonnettes pour une collègue qui elle-même les destinait à une amie. C’est elle qui m’a appris qu’en cherchant bien, je verrai ces toilettes secondaires, avec deux ou trois savonnettes en prime. Il m’aura fallu une semaine pour m’en rendre compte, j’étais passé devant la porte sans y prêter attention. Il faut dire que j’étais plutôt attiré par le deuxième écran télé, avec l’assiette de fruits frais déjà découpés.

Dans ce genre de magnifiques endroits, au-delà des mers, on ne vous enquiquine pas avec le tabac. Bien sûr, le cendrier est sur la terrasse. Mais si vous fumez dans la chambre, on ne vous fait pas la tête. On se contente de remettre le cendrier sur la terrasse. Vue la température, d’ailleurs, vous ne regrettez pas de ne pas fumer à l’intérieur. Vous ne ratez pas l’occasion de vous allonger, de boire un petit coup bien frais ou un expresso, avec la mer à vingt mètres. En gros, ça donne ça :

Dans ces conditions, rien à dire. Vous vous sentiriez presque loup de mer.

Mais à côté de ça, vous avez les impondérables. Vous êtes parfois amené à voyager dans des régions où le fumeur est traqué. J’entends par là la Belgique, la France, et la Suisse. Sans vouloir avoir l’air de jouer les princes petits pois, les hôtels français sont terribles, mais les suisses sont encore pires.

J’ai vu un hôtel à Lausanne où plusieurs panneaux indiquaient que les détecteurs de fumée étaient tout neufs, et que si ça sifflait, ça vous coûterait 500 francs suisses ! De grands malades ! Et des panneaux comme cela, ils en mettent partout. Ca leur évite des frais de chiens de garde et de miradors. Notez que ça a l'air de bien fonctionner. Mais après deux heures de sommeil, à 6 h 30 du matin, quand un clampin se fait choper dans une chambre à l'étage, je peux faire un bond dans mon lit, mais pas plus. J'irais bien dans le couloir maudire la direction, mais, y'a pas, j'ai du mal à me déplier. Je suis très beau tout nu, mais j'ai mes limites.

Notez qu’en France, j’ai vu un panneau, à côté de la table de nuit, qui avertissait que, la nuit, il ne fallait pas fumer, vu que pour éteindre l’alarme, il fallait appeler le directeur, qui habite à une heure de route. Comme vous ne voulez pas vous fâcher avec qui que ce soit, vous rongez votre frein.

Il y a aussi le déplacement qui n’était pas prévu, et là, faute de grives, on vous promet un petit hôtel charmant, avec vue sur le port. Ah, c’est joli, le port. Très, très joli. Là, ça donne ça :

C’est beaucoup plus joli que la préposée de l’hôtel qui vous parle comme une maîtresse d’école, pour vous dire qu’il ne faut pas fumer, même à la fenêtre, parce qu’après les mégots tombent sur la bâche du restaurant, et ça fait des trous.

Vous gardez votre calme, lui assurez que la bâche en question devrait être ignifugée, et que s’il y avait un cendrier dans la chambre, ça éviterait les jets de mégots au-dessus de la salle de restaurant. Mais on vous rétorque que « ça sent mauvais ».

Allons, ça ne sent pas mauvais, il suffit d’aérer, et de nettoyer. Mais de nos jours, dans chaque salle de bains, on vous demande d’éviter de balancer les serviettes n’importe comment, pour éviter d’avoir à les nettoyer tous les jours. Ca n’est pas pour faire des économies, non, c’est pour la planète. Alors si c’est pour la planète, n’est-ce pas … D’ailleurs, et certainement toujours pour la planète, vous vous apercevez vite que le radiateur est réglé sur le zéro, et que vous commencez à vous peler. Toi qui me lis, ami écologiste, je te promets que, toi aussi, tu vas tourner le truc pour qu’enfin, nom d’un chien, tu n’attrapes pas un rhume.

Ensuite, tu vas visiter la salle de bains, que je renoncerai à décrire ici pour rester bien élevé, et tu t’aperçois qu’il y a une fenêtre ! qui va te permettre de fumer sans donner l’alarme. Tu pourras passer la tête haute devant la triste préposée.

Mais là, c’est le cas extrême.

Car, dans les hôtels dignes de ce nom, il y a, outre le détecteur de fumer, un petit truc bien utile dans la salle de bains : le bonnet de douche.

Qu’il ne m’en veuille pas, mais je ne sais plus quel membre du forum avait, il y a quelques années, donné le truc. En escapade, toujours avoir à portée de main un sac plastique, et un élastique.

Une fois arrivé dans la chambre, grimper sur la chaise ou le fauteuil, et d’un geste preste, enfermer le détecteur de fumée dans le sac plastique, en refermant le tout avec l’élastique. Là, faire venir les potes fumeurs, bourrer sa pipe, et voir ce qu’il y a dans le frigo.

Malheureusement, toujours pour la planète, les grandes surfaces ne donnent plus de sacs plastiques. Elles les font payer.

Vous êtes donc devant ce détecteur de fumée, comme le gars qui se retrouve devant Cerbère, le chien à trois têtes gardien des enfers, et vous vous sentez démuni ?

Heureusement, je pense à vous, même en voyage !

Rendez-vous dans la salle de bains : sur le lavabo, ou à côté, vous avez une petite exposition : savonnettes, shampoings, savon liquide pour le corps, baume hydratant, tout ça très joli et dosé pour des nains. ET … le bonnet de douche ! qui va ressembler en gros à ceci :

Oui, c’est ridicule - et même laid - mais je ne vous demande pas de le mettre sur votre tête, à moins que vous ne teniez à votre permanente, et là, il faut faire un choix.

Non, ôtez-le doucement du joli emballage en carton biodégradable, et regardez-le : inutile dorénavant d’avoir un sac et un élastique, la direction de l’hôtel, qui vous souhaite un bon séjour et a même pensé à la boite de chocolats, vous fournit tout le nécessaire !

Le bonnet de douche est élastique, pour rester collé à votre front, et ne pas glisser. Si vous n’avez pas le moral, essayez-le, regardez-vous dans la glace, ça ira tout de suite mieux.

Placez le fauteuil sous le détecteur de fumée, montez dessus, entourez le détecteur avec le bonnet de douche, oh, ça s’accroche tout seul … descendez du fauteuil … remettez-le en place … allongez-vous dessus, logiquement le dossier descend et vous avez un pouf pour poser vos pieds … respirez longuement … vous pouvez ensuite faire : Ommmmmmmm … mais aussi Pippppeeeeeee ….

P.S.
Je n’ai rien encore trouvé pour les voyages en avion. C’est encore plus surveillé. Par exemple, s’il est possible de passer avec des couteaux, des sabres, des bonbonnes de gaz, voire des roquettes, rien que le flacon d’eau de Cologne de 200 ml part direct à la poubelle. Et je ne parle pas des bourre-pipes tchèques, donc forcément louches, et qui vous permettraient de prendre le vol en otage à vous tout seul.






* Comme on a dit que je n’étais qu’un pâle imitateur d’Erwin Van Hove, je me suis dit que moi aussi, j’allais coller des citations en VO et en italiques