La première de l'année

par ChrisHarps

13/05/15

La première de l’année…

…ou une petite chronique printanière.

La première de l’année ? Au mois d’avril ! Vous devez vous demander ce qui se cache derrière ce titre. La première pipe achetée ? Non.

La première livraison de tabac ? Non plus.

La première pipe fumée cette année ? Non, je ne suis pas au régime tabagique et je n’ai pas l’intention de m’y mettre. Mais il y a un peu de ça tout de même. Une certaine première fois…

La première extase tabagique de l’année ? En quelques sortes…

Vous souvenez vous peut-être de ma dernière chronique ? chroniquesfdp30.htm J’essayais de faire un état des lieux sur ma condition de fumeur de pipe, sur mes habitudes. Je me qualifiais de « fumeur d’extérieur », fumeur dont les envies de tabac et les plaisirs qui en découlaient étaient agréablement conduits et éconduits par la ronde des saisons…

Eh bien, avec le printemps qui est arrivé, avec la météo magnifique de cette deuxième semaine d’avril, avec les horaires d’été et les soirées qui rallongent…J’ai enfin pu fumer ma première pipe d’après dîner en terrasse. Ma première de l’année ! Et ce jeudi 9 avril 2015 fut une petite renaissance, une petite jouissance. Une extase que j’aimerais vous conter.

Et cette parenthèse de bonheur, j’y ai pensé toute la journée, pas un but, une finalité, mais comme une récompense. Un cadeau que j’allais égoïstement m’offrir. La journée fut longue. Le repas frugale car je suis un peu au régime (pas pour le tabac, mais d’un point de vue silhouette j’ai décidé de mettre un coup de pied dans la fourmilière avant la playa de cet été !). Cela tombât très bien, le souper fut rapide et mes papilles bien aiguisées. La table débarrassée, vite, la vaisselle lavée, vite vite vite !

WO Larsen20h00 tapantes ! Sur le Ried alsacien, le soleil n’est pas encore couché. Chouette ! Cela s’annonce vraiment pas mal. Un petit tour dans le bureau, passage en revue rapide de mes râteliers et ma main se pose instinctivement sur une WO Larsen n° 65 de forme Brandy Liverpool rustiquée. Une pipe d’un format généreux, équivalent à un groupe 4 ou 5. Une de mes plus belles pipes. Une beauté estate achetée chez Sir Georges il y a 4 ou 5 ans. Une de mes meilleures fumeuses de semois. Souvent je choisi le tabac avant de faire mon choix de pipe, mais ce soir étant un prélude un peu particulier, j’ai privilégié le choix de celle qui allait m’accompagner. La suite en découlant naturellement…

Direction ma réserve de semois et bourrage attentionné de ma belle avec du Dix Cors de Brâme (version aromatisée) généreusement offert par mon ami Joseuvic. Un briquet, un petit tchèque, et une petite laine…direction la terrasse…petit arrêt chez Georges Clooney pour accompagner cette dégustation. Avec un… ?
- Voluto !
- Non, râté ! Un arpegio decaffeinato …
- …Nice Shoes !

20h10, il est temps de prendre place sur ma terrasse et de prendre conscience de la chance qui est la mienne, de pouvoir vivre ces moments uniques. D’abord s’asseoir ; s’asseoir et observer. Observer le décor autour de moi. Côté ouest où je me trouve, le soleil est déjà sous l’horizon, l’horizon baigné de rose et bleu. Les fruitiers du maraîcher qui jouxte mon terrain, sont déjà en fleurs, et la luminosité permet encore de distinguer les fleurs des pêchers et les fleurs naissantes des pruniers.

Des 2 hautes granges qui bordent ma maison, des anciens séchoirs à tabac comme il y en a de nombreux par chez moi, deux merles, des mâles, montrent fièrement leur plumage et discutent ardemment le bout de gras.

L’énorme tilleul de ma voisine n’est pas en fleur et ne parfume pas encore l’atmosphère de mon jardin.

L’air est calme, il n’y a pas le moindre vent…j’adore !

L’allumage de mon tabac se fait tout tranquillement, par des aspirations modérées, tout en douceur, comme j’ai l’intention de mener ce fumage. La fumée qui se pose autour de moi me flatte immédiatement les narines de ces effluves caractéristiques du semois. Les brins de tabac crépitent et les premières bouffées sont d’une douceur émouvante.

Il faut que je précise que cela fait une dizaine de jour que je tente une expérience un peu particulière. Une petite envie de tabac aromatisé ayant fait son apparition, j’ai décidé de ne fumer que ça pendant un moment et dans des pipes à filtre 9 mm de surcroît. Non, je n’ai pas perdu de pari débile, je vous le jure ! Je voulais simplement voir si le cerveau pouvait s’habituer à l’apparente fadeur d’une fumée filtrée pour quelqu’un qui fume habituellement sans filtre. Un peu comme une personne qui a l’habitude de manger fort salé et qui du jour au lendemain doit manger sans sel…je vous en reparlerai dans un prochain épisode.

Pour en revenir aux arômes et au goût de ce semois élaboré par Jean-Paul Couvert, ce soir-là j’ai eu une révélation. Ce n’est pas tous les jours que j’arrive à mettre des noms, des mots sur des tabacs que je fume, que je déguste. Mais là, c’est net. Et c’est d’autant plus net que j’ai fumé dimanche dernier un agréable Puros issu de ma petite réserve. Un Hoyo de Monterey en module panatela. Le même goût de brioche toastée, en mieux ! Bien plus doux, plus délicat que le cubain. Incroyable que j’ai réussi à sentir cela. Et ça a duré une bonne vingtaine de minutes. J’étais tellement déboussolé et obnubilé par cette fragrance que je ne m’étais pas aperçu que le jour baissait et que le rose du ciel c’était teinté de gris bleu, que les étoiles commençaient à scintiller et que Vénus en plein ouest, haut perchée sur l’horizon éblouissait mon crépuscule. Les tous premiers moustiques étaient sortis pour l’occasion, me sifflant dans les oreilles, et avec eux, me tenant souvent compagnie lors de mes divagations nocturnes, les chauves-souris. Passant d’une grange à l’autre, c’était l’heure pour elles de se ravitailler, « en vol ». Beaucoup ne les aiment pas, à tort.

Mon tabac continuait à crépitait presque tout le long de cette dégustation répondant au craquement de la structure de mon abri à bois qui réagissait à la fraicheur de la soirée.

Même si la deuxième moitié du bol fut plus corsée et que les notes pâtissières ont laissé leur place à une palette plus épicée, plus masculine, j’ai passé une heure de pure douceur, une parenthèse de tranquillité dans ce monde de stressés. Une heure qui s’est échappée belle mais dont les sensations volées restent encore bien présentes dans mon souvenir.

J’espère avoir su vous faire un peu rêver en partageant avec vous cette divagation et vu que la météo est au beau fixe cette semaine, je ne pense qu’à une chose…

Vivement demain soir !

Bonne pipe
Christophe WOLFF (ChrisHarps)