Chroniques de l'Ogre, épisode 2

par Erwin Van Hove

29/09/08

Je sais, ce que je m’apprête à faire, manque de sagesse. Il vaudrait mieux que je hausse les épaules et que, stoïquement, je continue ma route. Et pourtant je vais relever le gant. Est-ce ma nature de polémiste qui m’y pousse ? Possible. Probable. Ou est-ce ma boussole mentale qui me guide : Je préfère le calumet à la hache... sauf quand on me fait vraiment ch... Sûr et certain.

L’épisode premier de ma chronique n’a suscité ni levée de boucliers ni guerre entre forums. C’est pour le mieux et franchement, j’en suis fort content puisque manifestement mon article ne visait pas tout un groupe, mais les façons d’un seul individu. Toutefois il semblerait qu’un détail sans rapport avec le sujet ou avec l’objectif de mon texte, ait particulièrement capté l’attention de certains. Pourtant il s’agissait d’un passage concis dans lequel j’avais simplement dissipé un quiproquo assez amusant : on s’attroupait autour des photos d’une pipe signée Becker pour chanter à l’unisson les louanges de Paolo, alors que visiblement il s’agissait d’un modèle taillé par Fritz, le père Becker. D’ailleurs mes propos ont été immédiatement confirmés par un membre de P&T dont je salue l’œil perspicace et l’honnêteté. Et puis - le hasard arrange bien les choses - ne voilà-t-il pas que le grand Paolo lui-même, apparemment lecteur assidu des forums français, non seulement se trouvait justement dans les parages, mais a également pris l’initiative, voyant les discussions, de trancher : la pipe en question a bel et bien été créée par son père. Par contre, il se rappelle que papa lui a demandé de la guillocher. Voilà l’affaire réglée pour de bon.

Que nenni. C’était compter sans un seul contradicteur qui s’est obstiné à tenter de me mater en prouvant que j’ai tort après tout.

Il y a de ces alliés qu’on préférerait avoir comme adversaire. C’est ce qu’ont dû se dire certains des coéquipiers du vaillant chevalier fièrement assis sur son destrier. Parce que franchement la récente conduite de leur copain déchaîné n’était pas exactement fort habile. Ni très nette. Ni un modèle de modération et de pacifisme.

Tout a commencé deux jours après la publication du premier épisode de cette chronique. Dans le forum FdP, le sournois s’adresse à moi au sujet de mon affirmation sur la Becker : Je ne mets pas ta compétence en doute mais il serait juste de faire porter l'erreur au vendeur Pfeifenstudio-frank. Bien que je le sente venir – la finesse n’étant pas son fort – je lui réponds de façon informative et courtoise. Ca ne lui suffit pas. Le voilà qui revient à la charge, encore plus lourdement : Excuse-moi de revenir là-dessus Erwin , mais ne mettrais-tu pas en doute la compétence , voire l'honnêteté du vendeur ? Manifestement il essaie de me brouiller avec Achim Frank, l’un des meilleurs distributeurs de pipes en Europe. Un incontestable coup bas de la part de quelqu’un qui se complaît à se présenter comme un pacificateur. Ce n’est pas tout. Parallèlement le fébrile agitateur donne dans P&T la consigne suivante au sujet des réactions suscitées par mon article :

IMPORTANT : Inutile de poster des commentaires , ce sujet est "fermé" jusqu'à l'arrivée de Nicolas.

Une gaffe monumentale, embarrassante. Nicolas n’avait-il pas tout récemment pris la peine de déclarer dans FdP qu’il était scandaleux d’accuser son forum à lui de pratiquer certaines formes de censure et de suivre une ligne du parti ? Gaston Lagaffe comprend, mais un peu tard, sa bourde et s’empresse de supprimer sa consigne. Ca ne l’empêche pas de signer dorénavant toute une série de messages de " Le Censeur ". Pas exactement un geste de sincère contrition.

Le 27 septembre il s’adonne avec un enthousiasme malsain à un étonnant jeu du chat et de la souris. Apparaît sur P&T le message suivant :

Erwin accuse le Censeur de l'avoir attaqué.

Le Censeur accuse Erwin de l'avoir attaqué.

Qui a attaqué Qui ?

Où ? Pourquoi ? Comment ?

On exige des preuves concrètes !

Vous en saurez plus prochainement.

Le Censeur

Puis le message est supprimé. Apparaît alors l’annonce suivante :

Demain ne ratez pas l'affaire vedette :
Bataille dans la cour de récré entre Le Censeur et Erwin !
Arme du Censeur, des liens inattaquables !
La mystérieuse affaire de la pipe de Paolo Becker n'est pas finie, quel suspense haletant !
Le Censeur

A son tour ce message est effacé. Cependant, l’excité ne peut attendre le lendemain. En effet, quelques heures plus tard il publie sur P&T le message suivant qui m’est adressé personnellement :

à Erwin, s'il peut nous lire

Tu as écris ceci :
http://www.fumeursdepipe.net/chronique01.htm

Chez nous, Alain a dit immédiatement que tu avais raison !
http://groups.google.com/group/Pipes-et-tabacs/msg/269efc06b8f3f881

Nicolas a eu une réponse de Paolo Becker :
http://groups.google.com/group/Pipes-et-tabacs/msg/dc965dd74356903a

J'ai retrouvé ces images :
http://groups.google.com/group/Pipes-et-tabacs/msg/96eeb6e8c8745f99

On peut discuter longtemps pour savoir sous quelle appellation la pipe aurait pu être vendue.

On peut aussi discuter longtemps pour savoir qui a parlé trop précipitamment , sans réfléchir aux conséquences.

Nicolas a dit : "Je préfère le calumet à la hache... sauf quand on me fait vraiment ch..."

Tu as dit "les sages paroles de Nicolas Stoufflet, le boss du forum Pipes et Tabacs, me serviront de boussole mentale." Cette "affaire" ne vaut pas la peine de déterrer la hache de guerre. Elle devient ridicule et il serait souhaitable d'en rester là.

Afin d’être sûr que son communiqué ne passe pas inaperçu, il m’envoie par courriel privé le lien. Je comprends donc qu’il juge son discours important, d’autant plus que ce message-ci ne finit pas par être supprimé.

Je vous l’avoue sans honte : pareil message me fait gratter la tête. Tout d’abord parce qu’il est remarquablement contradictoire. Après avoir publiquement annoncé qu’il y aurait une bataille entre lui et moi au cours de laquelle il me battrait avec des liens, ses armes inattaquables, soudain le belligérant prétend que l’affaire Becker ne vaut pas la peine de déterrer la hache de la guerre et qu’il est par conséquent souhaitable d’en rester là. Où est la logique dans tout ça ? Et puis parce que je ne suis pas dupe : tel que le Censeur a rédigé son message, il sera toujours en mesure de triompher, quoi que je fasse. Si je me tais, je laisse passer cette nouvelle preuve de mauvaise foi : On peut discuter longtemps pour savoir sous quelle appellation la pipe aurait pu être vendue. On peut aussi discuter longtemps pour savoir qui a parlé trop précipitamment , sans réfléchir aux conséquences. En restant silencieux, j’ai l’air d’accepter que mon détracteur a réussi non seulement à semer le doute sur la paternité de cette pipe, mais aussi à prouver que j’aurais parlé trop vite en attribuant la Becker au père. Si, par contre, je me décide à réagir, celui qui s’est amusé à me provoquer durant toute une journée, pourra crier au viol puisque j’aurai " déterré la hache de la guerre ". Comme quoi, il lui arrive d’être habile après tout.

Après réflexion, j’ai opté pour la seule solution appropriée. Elle consiste à répondre à la provocation par un discours raisonné et argumenté. Revenons-en aux faits. J’ai soutenu qu’une certaine Becker n’avait pas été taillée par Paolo, mais par son père Fritz. Apparemment Paolo lui-même a confirmé mon affirmation, tout en ajoutant que c’est lui qui s’est occupé de la rustication. Désormais il n’y a donc plus aucun doute sur la paternité de cette pipe. En tout cas pour n’importe quel pipophile sérieux, voire pour tout homme de bonne foi. Pas pour Le Censeur cependant : selon lui on peut continuer à discuter pour déterminer si c’est une Fritz ou une Paolo. Pour cela il a deux arguments : des photos du jeune Paolo à l’œuvre dans l’atelier de son père et le fait que Paolo se soit occupé de la finition de la pipe en question.

Je me demande vraiment à quoi devraient servir les photos. Ai-je nié quelque part que le fils a appris le métier auprès du père ou que deux générations de Becker travaillaient ensemble à une certaine époque ? Allons. Reste la fameuse finition qui, aux dires du sceptique, serait une raison suffisante pour continuer à avoir des doutes sur la paternité de la pipe. Il me semble que cet obsédé de l’actualité pipière ne soit pas exactement un ignare en matière de pipes. Je suis sûr que vous en conviendrez avec moi. Par conséquent force m’est de conclure que son prétendu doute est inspiré par la mauvaise foi. Je me permets de faire cette affirmation pour la bonne raison qu’il est tout simplement impossible que les faits qui suivront, aient totalement échappé à un tel connaisseur.

Plusieurs vedettes danoises et allemandes avaient l’habitude d’envoyer certaines de leurs pipes chez Stanwell pour que le meilleur sableur de l’entreprise s’occupe de la finition. Et pourtant personne ne s’est jamais demandé si en fin de compte c’étaient bien des pipes d’artisan X ou Y ou plutôt des Stanwell.

Cornelius Maenz a fait sabler des pipes chez Wolfgang Becker. Mark Tinsky de son côté s’est successivement adressé à Curt Rollar, Paul Bonacquisti et Rad Davis. Heiner Nonnenbroich faisait sabler ses pipes à l’étranger par un collègue dont je tairai le nom. Hans " Former " Nielsen sable les pipes de Rainer Barbi. Je vous le demande : est-ce que le fait que toutes ces pipes soient finies par des mains mercenaires, pose un problème pour attribuer correctement leur paternité ?

Je suppose que Colin Fromm dont les pipes portent la mention "Handmade by Colin Fromm" est un vulgaire imposteur puisque c’est Bill AshtonTaylor qui s’occupe des sablages alors que Les Wood monte les bagues en argent. Et en parlant des Ashton, en avez-vous déjà rencontré qui étaient attribuées à Spence Taylor ? Jamais ? Pourtant ce fils travaille dans l’atelier de son célèbre père.

Vous est-il arrivé d’assister à des discussions autour de la réelle paternité des Moretti, des Talbert ou des Geiger ? Non ? Pourtant les gentilles dames de Marco Biagini, de Trever et de Love n’ont pas peur de se salir les mains dans l’atelier de leurs maris. Avez-vous déjà fumé une Nadia Rossi (Il Ceppo), une Dolly Wood (Ferndown) ou une Rosaria Sordini (Don Carlos) ? Pas encore ? Et pourtant vous connaissez les pipes de Franco Rossi, de Les Wood et de Bruto Sordini ? Une scandaleuse injustice puisque Nadia, Dolly et Rosaria s’occupent de la finition des pipes de leur frère ou mari.

Et maintenant que j’y pense, j’ai encore une toute dernière question à vous soumettre : quand vous vous offrez une belle petite Cavicchi rustiquée, êtes-vous réellement convaincu qu’on peut discuter longtemps pour savoir sous quelle appellation la pipe aurait pu être vendue, comme l’affirme le dur à cuire ? Pas vraiment ? Pourtant c’est bien Daniela et non pas Claudio Cavicchi qui s’occupe de tous les guillochages.

Pathétique, mon adversaire s’est écrié : La mystérieuse affaire de la pipe de Paolo Becker n'est pas finie, quel suspense haletant ! Je crois que désormais vous pouvez rentrer tranquilles. Allez, circulez, il n’y a plus rien à voir.

Pour finir, un dernier mot sur cette désormais fameuse Fritz Becker. Son heureux propriétaire, lui, se contrefiche de savoir qui a fait sa pipe. Il en est tombé amoureux sans se poser de questions. Il a bien raison : elle est belle et il l’a achetée pour un prix plus qu’honnête. Je lui souhaite de longues années de paisible satisfaction avec sa nouvelle compagne.

Par ailleurs, moi aussi j’aimerais pouvoir jouir en toute quiétude de mes bouffardes. C’est pour cette raison que j’espère de tout cœur qu’on tiendra compte du conseil judicieux qu’un homme raisonnable a donné à ses coéquipiers : Que de posts ont, en filigrane, des attaques vers Fdp. C'est drôle ce besoin régulier d'agacer Erwin v. Hove. Foutez-leur la paix, en retour nous l' aurons la paix aussi . Celui-là, contrairement à moi, est un vrai sage.