Les 40 ans de Romeo Briar

par Claudius

22/06/09

J'avais renvoyé ma dernière Mänz à Cornelius pour qu'il affine le tuyau car il était à 3,6 mm d'épaisseur. Cornelius m'a dit qu'il les fait un peu plus épais (depuis peu) par peur de voir un client les casser. J'apprendrai plus tard que cette peur n'est pas justifiée car en 10 ans, il n'a eu le cas que 3 fois. Mais venons-en à ce qui nous intéresse, les 40 ans de Romeo Briar, la scierie de bruyère nord-italienne de Mimmo Romeo: Cornelius me dit que vu qu'il doit descendre en vacances en Italie puis aller chez Mimmo le 20 juin pour la fête des 40 ans de Romeo Briar, il n'aura pas vraiment le temps de me renvoyer la pipe et qu'il serait également sympa de se rencontrer là-bas vu que je n'habite pas loin. Rendez-vous est donc pris pour le 20 juin chez Mimmo.

J'arrive vers 17 h chez Mimmo, dans son appartement au-dessus de la scierie. Devinez qui n'est pas là? - Cornelius, il venait d'aller à son hôtel pour se préparer pour le dîner. Par contre, il y a du beau monde: Teddy Knudsen, Tom Eltang, Todd Johnson, Bruce Weaver, Michele Mellone (Salmastro), Mimmo lui-même et Paul Hubbart. Ca discute, ça fume, il y a des pipes sur toutes les tables, bref, c'est sympa. Michele a apporté une dizaine de pipes, dont 6 ou 7 en cours de finition dont les formes me plaisent. En revanche, les tuyaux sont percés trop finement (et les becs trop épais) à mon goût, en 3 mm. Michele me dit qu'avant, il les perçait plus gros mais que ses clients les voulaient percés plus petit. Il est très sympa, affiche toujours un large sourire et me laisse regarder toutes ses pipes sous tous les angles. J'apprends également qu'il aime le latakia :-) Mimmo se joint à nous et dit qu'il perce à 4 mm parce que le flux est meilleur. J'essaie une de ses pipes et je dois dire que le tirage me paraît excellent. J'approfondirai la question lors d'une prochaine visite, le tohu-bohu ambiant ne permettant pas vraiment de discussion sérieuse.

Todd Johnson est très discret. Il est venu avec sa femme et sa fille de 5 mois. J'apprends qu'il ne mesure pas ses becs mais les essaie en bouche pour en déterminer l'épaisseur finale. C'est une approche pragmatique :-)

Bruce Weaver est assis sur le balcon à côté d'une vingtaine de ses pipes en train de fumer une Dunhill. Je le salue et lui dis que j'aime ses sablages (il sait ce que je pense de ses tuyaux LOL) et on commence à discuter. Il est humble et très gentil. Il nous fait sentir son mélange VA perso qu'il se fabrique à partir de Dunhill 3 years matured et de VA, euh, McClelland je dirais car moi-même, puis Paul et Todd lui confirmons que ça sent le ketchup / vinaigre. C'est alors que Todd nous apprend que les tabacs McClelland contiennent du vinaigre de cidre, d'où l'odeur. Voilà enfin un mystère d'éclairci. Je lui réponds que j'en utilise parfois en cuisine mais que je n'avais pas fait le rapprochement. On rigole et je fais essayer du Ten to Midnight à Michele. Je distribue quelques cigares (Cohiba Maduro 5 Magicos) sous les regards admiratifs des américains pour qui c'est un peu le fruit défendu. Bruce me remerciera au moins 3 fois par la suite. Sur ce arrive Hans Nielsen qui me fait goûter son mélange perso en expliquant qu'il s'agit de 4 VAs différents avec un peu de Burley et le même arôme que Erinmore (qu'il aime mais qui lui pique la langue). Il n'est pas d'accord avec moi sur la théorie que le cross grain fume mieux que le straight grain mais pense que les dimensions de la chambre sont importantes pour la qualité du fumage. Nous n'aurons pas le temps d'approfondir le sujet car il est temps de partir au restaurant.

Ce dernier est situé dans le village de Badalucco, quelques km au-dessus de Taggia. Michele me précède en voiture pour me montrer le chemin. Arrivés peu avant 20 h, je prends le village en photo. Il est typique de l'arrière pays. Michele m'explique que la région est très prisée des étrangers. Il sourit toujours, il doit avoir une défaillance au niveau des muscles du visage ;-) Je le prends en photo également, ce play-boy chevelu.

Le dîner se passe dans un restaurant de l'autre côté d'un vieux pont. L'endroit est fascinant, moyenâgeux. J'apprendrai plus tard que le restaurant où a lieu le dîner est en fait l'ancien endroit où se trouvait la scierie de Romeo Briar, là où tout a commencé. Mimmo distribue des chapeaux de papier, outil du coupeur de bruyère pour éviter la poussière de bruyère dans les cheveux. Il demande aux invités de se positionner sur le pont pour la photo et j'en profite pour en prendre une moi aussi.

Romeo Briar

En arrivant devant l'entrée du restaurant pour prendre un apéritif, c'est là que je l'aperçois, le seul, l'unique, Cornelius, avec son chapeau de papier comme les autres. Les présentations faites, il sort ma pipe de son sac en m'annonçant qu'il ne pouvait pas faire moins de 3,4 mm. Je ne le crois qu'à moitié, mais ça ne fait rien, la pipe est magnifique et le bec est plus que bien. C'est à ce moment que j'aperçois le regard incrédule de Paul Hubbart. Je lui propose de regarder et de tenir la pipe, mais il a "peur de la toucher". Il finira par la regarder, admiratif. C'est vrai que la forme est, n'ayons pas peur des mots, parfaite. Paul est visiblement intimidé, mais lorsque Cornelius lui adresse la parole, avec la gentillesse et la douceur qui le caractérisent, les 2 finissent par se parler normalement. Il est évident que les confrères respectent énormément le travail de Cornelius, la plupart ayant la même hésitation à lui parler. Comme il ne se jette pas sur les gens non plus, ça me laisse un peu de temps pour l'embêter avec des questions sur son travail. Mimmo me met à côté de lui à table, face à Teddy Knudsen. Ce dernier est très ouvert et super sympa. Il a le regard vif et la plaisanterie facile. Il raconte qu'il reconstruit la maison de village qu'il a achetée à quelques km de là lui-même, depuis plusieurs années; qu'à terme, il aura aussi un atelier et que Cornelius et d'autres y seront les bienvenus. C'est d'ailleurs à cause de cette maison qu'il produit moins de pipes, vu que son atelier est au Danemark et qu'il passe 6 mois par an en Italie.

Le dîner, comme c'est typique des villages liguriens, est composé d'une suite interminable de morceaux de pizza, quiches, pâtes, viandes, le tout accompagné d'eau et (surtout) d'un bon petit vin rouge du coin. Vers minuit, je remercie le très sympathique Mimmo et les autres et commence à partir. Devant le restaurant, il y a toute une flopée de pipiers en train de fumer. En manque de vitamine N, je n'avais plus la force de me bourrer une pipe, j'ai donc allumé un cigare, j'ai discuté encore un peu avec Bruce et Cornelius puis je me suis dirigé vers ma voiture. Quelle soirée mémorable !