Les choses sont comme elles sont ...

par G.L. Pease, traduction de monsieur X

14/06/10

Sauf quand elles ne le sont pas.

Certains des tabacs vendus aujourd’hui sous de vieux noms reconnus en sont un bon exemple. Et oui, je vais rouspéter un peu.

Certaines de ces «recréations» sont de bons tabacs, c’est sûr. Ils ont bon goût, fument bien, sont faits avec soin et bien présentés. Juste qu’ils n’ont rien en commun avec les originaux, les vrais trucs. S’ils s’appelaient autrement, ils ne me poseraient aucun problème, mais quand je vois ces anciennes étiquettes, ces vieux noms, des attentes très précises se forment, basées sur mon expérience avec les originaux, et pas un de ces nouveaux ne s’approche de mes attentes. Alors, aussi bons qu’ils puissent être, je ne peux pas faire l’impasse sur la dissonance cognitive créée par les différences.

Lorsque je pense au passé, il fait remonter tant de souvenirs.
-Steven Wright

J’ai des problèmes avec de nombreux, si ce n’est avec la plupart, diable, si ce n’est avec tous ces classiques recréés. Three Nuns, par exemple, n’est PAS du Three Nuns s’il ne contient pas de Périque dans ses ingrédients, et le fabricant actuel du mélange admet qu’il n’y en a pas. Hein? C’est peut-être un bon tabac, mais ce n’est pas du Three Nuns.

Certains des tabacs écossais fabriqués en Allemagne, également, ne présentent presque aucune similarité avec les originaux qu’ils remplacent, qui étaient faits par deux maisons en concurrence, toutes deux considérées par de nombreux fumeurs expérimentés comme ayant été les meilleurs blenders de la longue histoire du tabac. Les mélanges modernes intitulés «Balkan» n’ont pas non plus le goût des originaux, mais ça fait longtemps qu’il en est ainsi. Ensuite, il y a les Dunhills, dont tout le monde parle, et la liste continue. Chacun de nous a ses mélanges qui ont changé en fonction des changements de fabricants, d’ingrédients, l’abaissement des coûts de production étant motivés par le profit, non par le goût. Sommes-nous trompés? Oui, d’une certaine manière.

Bien sûr, ce phénomène n’est pas limité aux tabacs. Quand Heinz a racheté Lea & Perrins, ils ont gâché la sauce Worcester à un point qu’elle en était à peine reconnaissable. Sirop de maïs? Pas de vinaigre de malt? On ne peut que se demander ce qu’ils ont fait, outre les exigences d’étiquetage. Le vrai produit est encore disponible en Europe, heureusement, au moins pour le moment, aussi, tout n’est pas fichu dans ce département, mais qu’en est-il de nos bien-aimés tabacs disparus ?

Les comptables et les actionnaires ne devraient pas fonctionner comme arbitres du goût. Mais apparemment, du moins dans les grandes firmes, c’est exactement ce qui se passe.

On m’a souvent demandé si je pourrais recréer certains de mes vieux mélanges en utilisant d’autres tabacs. La réponse est bien sûr que oui, mais qu’ils ne seraient pas les mêmes, et que je devrais les appeler autrement. Je ne pourrais tout simplement pas pratiquer différemment. Au minimum, ça me gênerait d’ouvrir une boîte de quelque-chose appelé Renaissance pour y trouver un tabac différent, quelque-chose qui n’aurait pas le goût annoncé par l’étiquette.

Alors, pour ceux d’entre nous assez chanceux pour avoir pu fumer les vrais, nous pouvons légitimement avoir la nostalgie de ce qui n’est plus fabriqué, malgré les nouveaux mélanges portant l’ancienne livrée. Pour ceux d’entre nous assez heureux pour ne pas les avoir connus, nous pouvons savourer les versions actuellement produites, sans le défi d’attentes envahissantes élaborées par des expériences qui ne peuvent être recréées. Je ne suis pas convaincu à 100% que ceci soit un avantage, vraiment, bien que ça puisse être une consolation. Quant à moi, j’ai bien peur que l’histoire m’ait donné une bonne dose de scepticisme lorsque j’approche quoi que ce soit qui prétend être une recréation.

En tant que fumeurs de pipes, nous disposons d’une variété vertigineuse de mélanges fabuleux parmi lesquels choisir. Certains sont modernes, d’autres de style plus traditionnel. Certains ont le potentiel de devenir les classiques de demain, mais espérons tous qu’ils resteront ce qu’ils sont, au cours du temps. Si non, la dissonance, la lamentation, les Souvenirs des Temps Passés continueront, comme ça a été le cas depuis la nuit des temps.

Les choses sont ce qu’elles sont.