Le Pebblecut est la version américaine du défunt Old London Pebble Cut qui était produit par Kohlhase & Kopp sous la bannière d’Ashton. Remarquez que défunt n’est peut-être pas le terme approprié puisque désormais K&K commercialise ce mélange dans sa gamme de Robert McConnell.
Le texte imprimé sur les boîtes produites par McClelland reprend mot pour mot la description de K&K. Pourtant, l’odeur que dégage le Pebblecut made in USA n’a strictement rien à voir avec la version d’origine. On est en plein univers mcclellandien : le typique virginia fermenté écrase toute trace de perique et d’herbes orientales en provenance de Macédoine. C’est un simple constat et non un reproche, d’autant plus que je raffole de ces effluves aigres-doux et épicés qui rappellent le ketchup et la sauce barbecue.
Vu qu’il contient pas mal de morceaux épais, il faut soigneusement émietter ce broken flake brun foncé avec des touches fauves. Sous les doigts il est souple sans être humide. Parfait. Après l’allumage, la bouche s’emplit d’une fumée veloutée et riche en goût, mais sans lourdeur. Les virginias agréablement doux et pourtant suffisamment acides occupent le devant de la scène, mais on sent une évidente présence boisée plutôt amère cachée quelque part dans ce brouillard de saveurs épicées et aigres-douces. Le perique, lui, sert de condiment et apporte à la fois une pincée de poivre et une légère touche décadente qui s’exprime sur le moisi. Le tout est nuancé, cohérent et harmonieux. Et évolutif avec ça : petit à petit l’amertume prend de l’ampleur sans pour autant dominer, le boisé est accentué, des notes salines renforcent le côté épicé et de temps à autre on découvre du pain grillé. Dans les meilleures pipes, le dernier tiers du bol entamé, on change carrément de registre : les virginias battent en retraite et font place à un goût original, chaleureux et difficile à capter qui rappelle vaguement le cigare pendant que les muqueuses détectent une acidité accrue.
Le Pebblecut fait partie de l’élite qui a décroché quatre étoiles sur Tobaccoreviews.com. A mon avis, c’est mérité. La qualité et le parfait dosage des ingrédients saute aux yeux et ceux qui fument posément et attentivement ne peuvent qu’apprécier le jeu des nuances et le caractère évolutif du mélange. Ceci dit, je conseille de fumer le Pebblecut dans un foyer au volume important. Dans une pipe aux dimensions modestes, le tabac risque de chauffer.
Voici une vingtaine d’années, j’ai découvert l’amertumeEdgeworth Sliced, le roi incontesté des burley blends. Depuis, je suis devenu fan pur et dur de burleys de luxe tels qu’en proposent entre autres Solani, Wessex ou Mac Baren, sans oublier HU-Tobacco qui produit sans aucun doute les burley blends contemporains les plus raffinés. N’empêche que de temps à autre, il me prend également des envies d’un burley basique, simple et franc. A l’américaine.
C’est justement ce caractère pure nature et sans complexes que je cherche dans le LJ Heart Burley de Russ Ouellette. Et bien, je suis servi. Dès l’ouverture de la boîte, je soupire d’aise. Regardez-moi les blonds, les fauves, les bruns et les noirs de cette bonne grosse coupe composée de deux sortes de burley assaisonnées au virginia et au black cavendish torréfié. Ca, c’est du tabac, du vrai. D’ailleurs, vraiment secs au toucher, les brins XL prouvent qu’ici il n’y a ni sauces, ni humidificateurs. Aucune surprise côté nez : ça sent le tabac, c’est-à-dire que c’est un nez introverti, sans chichi qui rappelle le foin, le potiron ou la terre qui chauffe. Ça n’a strictement rien de spectaculaire, mais cette odeur sans fioritures, à l’ancienne me plaît.
La fumée confirme : voilà un burley blend traditionnel, très peu sucré. S’exprimant sur le poivre et sur les notes terreuses si typiques du burley naturel, il est si austère qu’il picote en bouche et qu’il tend à assécher les muqueuses. Ceci dit, à force de fumer du LJ Heart Burley, on s’y habitue et on finit même par découvrir une certaine douceur sous-jacente, d’autant plus que chaque fois qu’un brin de cavendish se met à brûler, une petite vague de douce saveur grillée déferle. Ce tabac franc et typiquement américain me rappelle d’autres mélanges en provenance des Etats-Unis et surtout le Nut Brown Burley de Pipeworks & Wilke composé par Carol Burns. Voilà du burley tel qu’en fumaient jadis des hillbillies et des rednecks basanés et sillonnés de rides, confortablement installés sur leur véranda dans leur rocking chair rustique.
Ça se contrefiche de concepts comme complexité et évolution, ça ose se montrer piquant et astringent, ça affiche sans honte sa simplicité paysanne. Et donc ça a un charme fou. Un charme d’un autre temps. Moi, j’aime.
Et hop, encore une pochette en provenance du Royaume-Uni. Le conditionnement à l’intérieur de la pochette, sous forme de barquette en plastique scellée au moyen d’un papier aluminium, trahit que le Walnut Flake sort de la même ligne de production que le St. Bruno. Les flakes brun foncé dégagent une bizarre combinaison d’odeurs : d’une part un léger, mais typique parfum à l’anglaise, c’est-à-dire entre le fruité et le savonneux, et d’autre part un arôme de viande fumée. Cette dernière odeur trahit une forte présence de fire-cured kentucky.
Les flakes peu épais se défont sans difficulté et voilà que c’est parti. D’emblée on retrouve les impressions du nez : des notes acides d’agrume et un soupçon de parfum floral, mais c’est clairement le kentucky avec ses notes grillées et fumées qui domine le palais. Par contre, malgré le nom du mélange on ne détecte aucune saveur de noix. De l’amertume, de l’acidité et des notes salines sont présentes du début à la fin, mais il y a suffisamment de sucre pour arrondir le tout. Côté nicotine, le tabac est viril mais sans excès. Il est très lent à se consumer et même si le goût se concentre dans la finale, on ne peut pas parler d’une réelle évolution. Bref, pour certains le fumage risque de devenir un tantinet lassant.
En comparaison avec le St. Bruno, le Walnut Flake est moins aromatisé et davantage marqué par les herbes torréfiées. Il n’est absolument pas désagréable à condition d’aimer le goût typique du kentucky. Ceci dit, pour moi il n’a ni l’intensité, ni le caractère original et déroutant qui fait du St. Bruno un tabac particulièrement attachant. Pas mal, mais pas indispensable.