Dégustation verticale Dunhill

par Gilles Suisse

13/05/13

Dunhill Standard vs Dunhill Standard

Il y a quelques années, j' ai acquis quelques anciennes boîtes de tabac de chez Dunhill ainsi que du St Bruno flake. Un lot m’a été cédé par le Dr Daniel Jude, pipier qui a arrêté sa production (momentanément je l’espère… mais en doute) pipiersJjud.htm.Le solde provient d’un achat sur un site de vente aux enchères suisse.
Jusqu’il y a peu, j’avais ouvert seulement de tant en tant une boîte, mais sans plus. Par contre, je n’avais encore jamais pris la peine de faire une dégustation sérieuse et comparative entre ces mélanges et ceux de nos jours.

Le récent article d’Erwin sur sa dégustation verticale du prestigieux Balkan Sobranie m’a provoqué un déclic artfontilsuntabac18.htm. Faudrait voir pour ne pas laisser passer ma chance et me mettre enfin au labeur, que je me suis dit !

J’ai toujours pensé que les prestigieux tabacs d’antan étaient bien meilleurs que les pâles copie de nos jours, qui ne font que surfer sur l’ex-aura d’une prestigieuse marque. Ceci en particulier pour les Dunhill. La version actuelle danoise (par Orlik, enfin désormais Scandinavian Tobacco Group) ne pouvait décidément pas rivaliser avec l’ancienne fabrication britannique (par Murray’s de Belfast).

Cependant, dans son ouvrage « The Perfect Smoke » de 2012, Fred J. Hanna est d’un tout autre avis. Pour lui, l’encore plus ancienne production londonienne de Dunhill devait être un must, alors que la production par Murray’s l’avait toujours déçu. Jusque là, rien de nouveau : avant c’était mieux. Par contre, ô bizarrerie, il dit que cette version britannique lui passait tellement mal qu’il a été ravi d’apprendre que la fabrication était délocalisée au Danemark et qu’après plusieurs essais, miracle, la version moderne et actuelle lui convenait bien mieux que l’ancienne. Par contre - l’honneur est sauf- la production londonienne ne saurait être surpassée (traduisant assez mal l’anglais, je brode un peu…).

Suite à ces deux déclics, me voilà forcé de prendre mon courage et me montrer pour une fois un peu systématique dans mes dégustations. Je vais donc prendre des notes et tenter de laisser tous mes a priori à la maison.

S’il y aura peut-être d’autres articles (faudra que je trouve la motivation et un peu de temps), celui de ce jour est consacré aux Standard Mixture de Dunhill. Il faut bien un début et, comme le nom l’indique, les Standard Mixture expriment l’idée fort subtile qu’il s’agit d’un grand classique, d’un tabac sur lequel on peut construire diverses variantes, d’un tabac de base, d’un standard quoi !

Par le passé, il a existé conjointement trois versions de Standard Mixture : - la Full, la plus rare et peut-être fabriquée seulement par Dunhill London et non Murray’s (c’est une hypothèse que je n’ai pas réussi à confirmer ou infirmer). Malheureusement, je n’en dispose pas.

Dunhill Standard

- la Medium, dont j’ai la chance de disposer et qui sera analysée.

Dunhill Standard

- la Mild, qui sera également analysée.

Dunhill Standard

Actuellement, le Scandinavian Tobacco Group propose deux mélanges :
- le Standard Mixture « tout court »

Dunhill Standard

- le Standard Mixture Mellow, car il est certainement interdit d’utiliser le mot « mild » de nos jours.

Dunhill Standard

La version dont je dispose est un des tous premiers lots d’Orlik. Au début, ils ne faisaient qu’une sorte, le Standard Mixture « tout court »

Dunhill Standard

Il a été importé chez moi en Suisse quelques mois au début, puis l’importation a été stoppée. J’ai trouvé de ce fait un stock de boîtes vendues à 50% chez un grand distributeur car il ne pouvait plus s’en approvisionner. J’ai pris 20 boîtes sur les 50 restantes. Dommage ! Vous verrez plus tard dans quel sens le comprendre.
Pour la petite histoire, après un passage du désert, les tabacs Dunhill sont à nouveau redevenus disponibles en Suisse.

Voilà le décors planté. Enfin planté ! Dirons les plus pressés. Mais la révélation de mes expériences mérite bien de se farcir les élucubrations de l’Original, votre serviteur !

Le trio de test

Dunhill Standard

Visuellement, y a pas photo !

Les anciennes boîtes peintes sont bien plus nobles que la boîte moderne avec son étiquette collée. Ceci sans même parler de la mise en garde qui bouffe la moitié de la boîte. Remarquez que la différence est moins flagrante avec ces boîtes où il y a seulement du texte. Les magnifiques boîtes d’Early Morning ou de Nightcap d’antan sont devenues bien pâles, avec leur dessin quasiment non reconnaissables tellement qu’ils sont devenus menus !

La Medium indique qu’il s’agit de « a medium blend of Virginia and Turkish Tobaccos fine rich flavour », alors que la Mild « a mild blend of Virginia and Turkish Tobaccos soft delicious flavour » et la Nouvelle « a balanced blend of Virginia and Turkish Tobaccos fine rich flavour ».

Les autres marquages

La Medium :

Dunhill Standard

La Nouvelle :

Dunhill Standard

et encore une couche au dos de ces mises en garde :

Dunhill Standard

A l’ouverture

La Medium :

Dunhill Standard

Et la nouvelle :

Dunhill Standard

Ce n’est encore qu’un détail, mais vous remarquerez le papier parfaitement plié sur l’ancienne boîte britannique et la rature sur la danoise. Je dis qu’à une époque, il y avait un goût du travail bien fait qui a tendance à se perdre….

Le papier de recouvrement interne

Dunhill Standard

Ce qui est intéressant, c’est que le texte et le graphisme sont identiques, à l’exception du made in UK versus EU et de la petite découpe en demi-lune dans la version moderne.

Maintenant, ôtons ce papier pour voir l’aspect du tabac

Dunhill Standard Dunhill Standard

Le Medium :

Couleur globale vraiment assez sombre avec de nombreux brins très foncés. La coupe est plus épaisse que chez les autres, les brins sont relativement courts.

Le Mild :

Couleur bien variée allant du très clair au foncé avec une coupe toujours assez épaisse.

Le Nouveau :

Couleur d’un clair impressionnant. Il ne faut pas se fier à la photo avec les trois tabacs, l’éclairage ne rend pas hommage à la véritable couleur. La deuxième photo rend bien mieux la clarté de cette mixture. La coupe est assez fine. La différence est grande avec l’ancien Mild et carrément incroyable avec l’ancien Medium.

Enfin, vous constaterez que malgré les années et le papier interne jauni, les anciennes boîtes n’ont pas rouillé et sont restées impeccables (ici le Medium).

Dunhill Standard

N’étant pas expert dans la dégustation de tabac et ayant une expérience limitée dans les mélanges contenant du latakia, je ne ferai que des commentaires de base en ce qui concerne le nez et le goût à la combustion. Désolé mais je trouve cela plus honnête que de faire de longs descriptifs peu éclairés.

Au nez

Le Medium dégage une odeur typique de tabac anglais, donc de latakia. Il donne une impression de fondu. Est-ce l’impression qui en ressortait à l’origine ou est-ce l’œuvre des années passées en boîte, je ne le sais.

Le Mild penche plus vers un VA/oriental, avec une pointe de latakia. Ressortent également quelques notes de cuir et de fruit. Cette étrange odeur de fruit, je l’ai déjà ressentie sur certains mélanges anglais, dernièrement sur du Wellauer English mixture. Mais je ne saurai la définir plus précisément. Peut-être de la groseille…

Le Nouveau a un nez proche du Mild mais sans la pointe de cuir et de fruit. Ca sent le light et ça ne promet malheureusement pas grand chose au fumage.

Au fumage

Tout est très lié, fondu mais il manque singulièrement de caractère. C’est un mélange anglais comme il me semble en avoir des dizaines. Je ne cache pas que je m’attendais à bien mieux venant de cette vieille boîte si prometteuse.

Le Mild est bien plus agréable. Il sent bien le mélange oriental avec une touche non négligeable de latakia. Peut-être pas le nirvana mais bien mieux que le purgatoire. A chaque fois, je passe un excellent moment en sa compagnie. Un vrai plaisir.

Le Nouveau, c’est le choc. En effet, la première chose que je me suis dite après quelques minutes, c’est : mais diantre, c’est fichtrement bon ! Bien entendu, ce n’est pas un poids lourd. C’est un oriental avec une subtile touche de latakia, un tabac tout en finesse ! Quelle surprise. Rien ne laissait présager un tel comportement.

Entre les trois, si le Nouveau m’a déçu en bien, comme on dit chez moi, j’ai quand même un petit faible pour l’ancien Mild. Par contre, l’ancien Medium m’a bien déçu.

Il faut dire que la période Murray’s s’est étalée sur de nombreuses années et je n’ai pas le moyen de savoir quand ont été produites mes boîtes de Medium et Mild. Il se peut bien que les Mild soient encore assez récents et les Medium beaucoup plus anciens. L’état jauni du papier interne des boîtes de Medum le laisse penser. Ca pourrait en tout cas expliquer que le Medium, avec ses années au compteur, se soit assoupi un peu trop profondément. Comme je n’avais jamais essayé la gamme des Dunhill Standard durant les années Murray’s, durant mes jeunes années, je ne peux savoir comment était le Medium à sa sortie d’usine. Eh oui, quand on est jeune, il arrive que l’on passe à côté des bonnes choses !

Conclusion

Vous en conclurez ce que vous voulez.
Je pense cependant que ce petit texte illustré pourra intéresser quelques uns d’entre nous.
Pour moi, je constate que les tabacs Dunhill de l’ère Murray’s n’étaient pas foncièrement mauvais. En dégustations aujourd’hui, le Standard Mixture Mild d’époque se révèle bien plus qu’honorable.
Je constate également qu’il ne faut pas mettre à la poubelle la récente production Dunhill, en tout cas celle d’il y a quelques années sous Orlik.
Enfin, je constate avec étonnement qu’un tabac peut sembler fade au nez mais se révéler tout à fait correct et agréable en combustion.
Et c’est déjà pas mal, comme conclusion, non ?

Bonnes pipes.
Gilles Suisse, mai 2013



A lire ou relire entre autre ceci traduit en français par un ami :

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