Et si la meilleure calabash n’était pas une calabash ?

par Erwin Van Hove

18/01/21

En octobre 2011, j’ai publié Ça marche !, un article consacré à ces pipes de conception nouvelle que des pipiers comme Mikaïl Revyagin, Tom Eltang et Rolando Negoita venaient d’introduire sur le marché et que nous connaissons depuis sous le nom de reverse(d) calabash. A cette époque, les proportions inhabituelles des Bee, des Tubos ou des Conducta choquaient ou prêtaient à rire. Une bonne partie des commentaires dans les forums internationaux allait dans le même sens : la reverse calabash était un simple gimmick condamné à disparaître dans les oubliettes de l’histoire de la pipe. Mais voilà que petit à petit d’autres voix se sont élevées. Des voix de connaisseurs américains qui avaient testé ces pipes et qui étaient unanimes : le système calabash se distinguait par son tirage particulièrement aisé, procurait une fumée fraîche et sèche et ainsi permettait aux saveurs des tabacs de s’exprimer pleinement. Mon modeste article dont les observations n’étaient basées que sur le fumage d’une seule calabash inside, confirmait grosso modo leurs conclusions, même si je n’étais pas certain d’avoir réellement ressenti une baisse de la température de la fumée.

getz calabash

Ça marche ! se bornait à un constat : oui, l’innovation fonctionne parfaitement bien. Par contre, la raison m’échappait complètement parce que j’étais confronté à un incompréhensible paradoxe. Je lisais tout le temps que les volumineuses tiges évidées des reverses servaient de chambre d’expansion dans laquelle la fumée stagnait, se dilatait, refroidissait et déposait son excédent d’humidité avant d’arriver en bouche, et que ce processus correspondait à ce qui se passe dans la gourde d’une calabash traditionnelle. Or, si cette théorie me paraissait parfaitement logique, mes observations personnelles ne l’étayaient nullement. S’il est vrai que les parois d’une pipe de forme calabash fraîchement fumée sont humides et qu’il n’est pas rare de trouver du jus qui a dégouliné dans le fond, après chaque fumage ma Getz était systématiquement à peu près sèche. En vérité, seule la surface concave du floc captait visiblement de minuscules gouttes de jus. Manifestement la chambre de condensation d’une reverse ne fonctionnait pas comme celle d’une vraie calabash. Et ce constat ne finissait pas de m’intriguer. Se pourrait-il que la gigantesque chambre de la Getz avait une surface tellement grande qu’en s’y déposant uniformément, l’humidité était si peu concentrée qu’elle en était devenue pour ainsi dire imperceptible ? Mais alors pourquoi l’humidité s’accumule-t-elle visiblement sur la surface encore nettement plus grande des gourd calabashes exécutées en bruyère ? Serait-il alors possible que la tige surdimensionnée de la Getz faite en bambou absorbe le jus ? Ce n’est pas exclu, mais rien n’est moins sûr. Bref, il était évident qu’il me fallait faire des tests supplémentaires avec d’autres pipes.

Dix-huit pipes au banc d’essai

C’est fait. Au fur et à mesure de mes achats, j’ai pu comparer le comportement d’une série de pipes diverses qui toutes sont équipées d’une chambre de condensation. Au total, il y en a dix-huit que je classe en trois catégories :


  1. Les authentiques gourd calabashes et leurs copies en bruyère

Cette catégorie est composée de quatre exemplaires :

  1. Les pipes avec une chambre de condensation située sous le trou de fumage percé dans le talon du fourneau

Six pipes correspondent à cette définition :


Je me permets ici d’ouvrir une parenthèse. Evidemment, j’aurais pu inclure dans cette catégorie les légendaires pipes Falcon puisqu’elles aussi sont équipées d’une chambre de condensation située sous le trou de fumage. J’ai choisi de ne pas le faire étant donné que le volume de leur humidome est négligeable en comparaison avec celui des chambres des pipes dont traite cet article. En outre, elles fonctionnent selon une logique différente : dans une Falcon la condensation se produit au contact de la fumée avec l’humidome en aluminium, alors que dans les calabashes et leurs variantes, cette condensation est le résultat de la stagnation, de la dilatation et du refroidissement de la fumée dans une grande cavité.


  1. Les reverse calabashes avec une tige surdimensionnée qui accueille une chambre de condensation située entre le floc et le trou de fumage percé dans la paroi du fourneau


J’en ai testé huit :

Ces dix-huit pipes ont été testées in extenso. Je peux donc d’emblée répondre à une question essentielle : est-ce que ce sont de bonnes pipes ? Une question simple qui nécessite tout de même une précision avant d’y répondre. Mes jugements se basent exclusivement sur deux critères, à savoir leurs performances au niveau du fumage (qualité du tirage, chaleur et humidité de la fumée, glougloutage) et leur aptitude à produire un bon goût. Des critères d’ordre esthétique ou des facteurs comme la tenue en bouche ou la qualité de l’exécution et de la finition n’entrent donc nullement en ligne de compte.


Pour faciliter les choses, je choisis de schématiser et de classer d’emblée les dix-huit pipes en quatre catégories qualitatives.


  1. Les pipes absolument lamentables


  1. Les pipes médiocres et plutôt décevantes


  1. Les pipes respectables


  1. Les pipes parfaitement satisfaisantes

Franchement, je n’ai pas à me plaindre puisque sur dix-huit pipes, il n’y en a que trois qui ne correspondent pas à mes attentes. En analysant le classement, je note que parmi les neuf meilleures pipes, pas moins de sept ont été taillées par un artisan. Par contre la seule pipe absolument nulle est elle aussi manufacturée dans l’atelier d’un pipier. Cela confirme ma conviction que si les meilleures pipes sont en général des artisanales, il en va de même pour les pipes les plus exécrables.

Zenith

Zenith

gourd calabash

Gourd calabash

Senatorov calabash

Senatorov

Qu’est-ce qui ne va pas avec les trois pipes les moins bien classées ? L’authentique gourd calabash ancienne ne tire pas aussi bien qu’elle ne devrait, ce qui fait d’une part qu’il faut aspirer fort et souvent pour qu’elle ne s’éteigne pas, et d’autre part qu’elle a du mal à extraire les saveurs des tabacs qui lui sont confiés. Et c’est pareil pour la calabash de chez Zenith : flux d’air plutôt restreint et manque de goût. Pire, elle a tendance à glouglouter alors que la vieille gourd calabash reste bien sèche. Quant à la Senatorov, c’est une autre paire de manches : elle produit systématiquement un jus fou qui non seulement dégouline le long des parois de la gourde pour s’accumuler dans le fond, mais qui remonte également vers le tuyau, ce qui fait qu’elle se met tellement à glouglouter qu’il est impossible de continuer le fumage. Ayant fumé au cours de ma carrière de pipophile autour de cinq cents pipes, je suis en mesure d’affirmer qu’il est rarissime de tomber sur une pipe à ce point infumable.



Les calabashes



Résumons-nous : ces trois pipes décevantes sont toutes trois des calabashes volumineuses et deux d’entre elles glougloutent. Cela étant, qu’en est-il des deux modèles comparables mais mieux classés ? La Fikri Baki avec une tige en véritable gourde se fume parfaitement bien et sans produire le moindre jus. Elle est tout simplement excellente. Quant à l’Andrey Savenko, elle respire naturellement et sans glouglouter alors que, pourtant, elle accumule du jus dans le fond de la gourde en bruyère.

gtp

Baki

zenith calabash

Savenko

Ces observations m’amènent à conclure que seules les traditionnelles gourd calabashes avec une tige en véritable gourde restent sèches, alors qu’il arrive régulièrement aux copies en bruyère d’accumuler une quantité excessive de jus, même au niveau de la transition entre tige et tuyau. La raison paraît évidente : la gourde est un matériau nettement plus poreux et absorbant que la bruyère. Quant à ma calabash en céramique dont l’extérieur est imperméable alors que l’intérieur est passablement poreux, elle réussit par son pouvoir d’absorption à éviter que le jus ne s’amasse dans le fond de sa tige. Par contre l’humidité condense dans son floc étroit en métal et y forme des gouttelettes qui bloquent le passage d’air et qui par conséquent causent le redouté glougloutage. Pour profiter pleinement du célèbre effet calabash selon lequel une chambre de condensation garantirait une fumée sèche, une chambre exécutée en un matériau absorbant ne suffit donc pas. Il faut en outre une transition tige/tuyau exécutée dans les règles de l’art, c’est-à-dire qu’il faut un floc suffisamment large, idéalement en forme d’entonnoir. Dès lors, nous pouvons conclure que ce ne sont ni la forme en gourde ni la taille de la chambre de condensation qui sont responsables de l’effet calabash.

Examinons maintenant ce qui se passe dans les pipes avec une chambre de condensation similaire située sous le foyer, mais de taille nettement plus réduite que celle d’une calabash traditionnelle. Côté goût, les deux diplomats GTP à double paroi ne se distinguent pas, mais il est rare qu’elles se mettent à glouglouter malgré le dépôt de jus entre les deux parois. Et c’est pareil pour les deux calabashes de Hermann Hennen et pour la cherrywood de Maigurs Knets : si le fond de leur chambre contient systématiquement un léger dépôt de liquide, elles ne glougloutent jamais. Ces observations nous amènent à formuler deux déductions :

  1. Dans toute chambre située sous le trou de fumage dans le foyer, l’humidité contenue dans la fumée condense sur les parois plus ou moins verticales et y forme des gouttes qui, la force de la pesanteur aidant, finissent par confluer dans le fond.
  2. La quantité de jus amassé est directement proportionnelle à la taille de la chambre.

gtp

Gtp

hennen calabash

Hennen

Hennen

Hennen

Knets calabash

Knets

Nous sommes désormais en mesure de tirer des conclusions probantes en ce qui concerne toutes les pipes dont la chambre de condensation se situe sous le trou de fumage.

  1. Premièrement, il est évident que pour obtenir l’effet calabash désiré, les chambres de condensation à parois plus ou moins verticales sont tout sauf idéales puisque l’humidité déposée sur les parois finit par se concentrer dans le fond de la tige. En outre, la fumée refroidie condense également au niveau de la transition entre tige et tuyau, c’est-à-dire à l’entrée des flocs traditionnels dont ces pipes sont équipées, ce qui risque de causer le fameux glouglou que tout fumeur déteste.
  2. Deuxièmement, pour obtenir un assèchement de la fumée sans créer de mare de jus ou de blocage du floc, il faut soit une chambre exécutée en un matériau absorbant, soit une chambre aux dimensions idéales, c’est-à-dire qu’elle doit être à la fois suffisamment spacieuse pour y faire stagner et dilater la fumée et pour capter sur ses parois l’excédent d’humidité qu’elle contient, mais pas assez volumineuse pour risquer un dépôt excessif. C’est probablement ce principe qui explique l’efficacité des pipes Falcon : leur chambre en métal est d’une taille tellement réduite que le risque de condensation excessive est inexistant.



Les reverse calabashes



Examinons maintenant le comportement des modèles introduits sur le marché voici une dizaine d’années et qui sont censés imiter l’effet calabash. Ces pipes si particulières présentent une tige surdimensionnée évidée qui accueille une chambre de condensation non pas sous le trou de fumage percé dans le talon, mais entre le floc et le trou de fumage percé dans la paroi du fourneau. Malgré leurs proportions atypiques, elles ressemblent donc davantage à des pipes traditionnelles qu’à des calabashes vu que leurs tiges ne sont pas situées sous le foyer, mais qu’elles rejoignent latéralement les fourneaux. Par conséquent, les parois de leurs chambres ne sont pas verticales.

Le classement des dix-huit pipes testées ne laisse pas de place au doute : le système reverse calabash fonctionne parfaitement bien. En effet, aucune des huit reverse calabashes incluses dans le test comparatif ne m’a déçu. Au contraire, six d’entre elles me donnent entière satisfaction et si les deux qui restent, n’atteignent pas le même niveau, ce ne sont pas pour autant de mauvaises fumeuses. Un résultat étonnamment probant.

Pour tenter de comprendre les raisons de ce franc succès, il faut d’abord revenir à la Calabash inside system de Georgi Todorov laquelle a fait l’objet de l’article Ça marche ! Je vous rappelle qu’à l’époque, j’avais observé que cette pipe se distinguait par la facilité et le naturel de son tirage et qu’elle produisait une fumée à l’hygrométrie parfaite et aux saveurs très bien définies. J’avais également noté à ma surprise qu’après le fumage les parois de la chambre n’étaient ni sales ni humides. Ce phénomène, je l’avais attribué à la fois aux dimensions XXL de la chambre et au bambou absorbant dans laquelle la tige avait été exécutée.

Getz chubby rhodesian

Getz chubby rhodesian

Getz chubby poker

Getz chubby poker

Getz PdG

Getz PdG

Je peux vous dire aujourd’hui que j’avais tout faux. C’est ce que m’ont fait comprendre mes deux reverses suivantes, elles aussi des Getz Pipes, mais cette fois-ci tout en bruyère et avec des tiges nettement moins gigantesques, vu qu’il s’agit de deux brûle-gueules. D’emblée elles se sont comportées exactement de la même façon que leur sœur aînée : tirage exemplaire, fumée sans humidité excessive, excellent goût, parois propres et à peu près sèches. Bref, l’absence d’un matériau absorbant et d’une chambre massive n’ont aucun effet subjectif sur leurs performances. Me voilà donc obligé d’abandonner ma théorie. Pour produire dans une reverse l’effet calabash désiré, il ne faut ni une tige absorbante, ni une chambre aux dimensions qui avoisinent celles d’une authentique calabash.

Heureusement vous n’êtes donc pas obligé de vous fier aux caricaturales pipes Acme pour profiter pleinement de l’effet calabash. Et pourtant. Dans son article 100% proven : reverse calabash pipes provide a cooler smoke, le fin connaisseur américain David M., a constaté une réduction de 12% de la température de la fumée à la sortie du bec d’une reverse Acme surdimensionnée par rapport à ce qu’il mesurait à la sortie de pipes au perçage traditionnel. Dans deux autres reverses à la chambre moins volumineuse, cette différence de température descendait à 9%. Selon ces données objectives, non seulement les reverses refroidissent donc bel et bien la fumée, en plus le volume de la chambre a un impact sur l’efficacité de ce processus de refroidissement. Loin de moi la volonté de nier la réalité. Toujours est-il que tous mes tests semblent indiquer que, personnellement, je suis insensible à ces variations de température.

Examinons à présent les quatre reverse calabashes de série. Aucune ne déçoit vraiment, mais la Rattray’s et une des deux Curvy sont un cran en dessous de la Chacom et de l’autre Curvy. Je crois connaître la raison : ce sont deux reverses avec un perçage pour filtres 9mm. Je les fume systématiquement sans filtre et ce qui me frappe alors, c’est que leur flux d’air me semble moins naturel, c’est-à-dire plus mou, que celui de leurs sœurs au perçage traditionnel. En plus, la Devil’s Cut de Rattray’s a un défaut supplémentaire : ce n’est pas le cas à chaque fumage, mais il arrive parfois qu’elle produise un léger glouglou qui n’est cependant pas comparable au vrai glougloutage de certaines calabashes. Toujours est-il qu’elle fume incontestablement plus humide que ses sept cousines.

Alpascia curvy

Alpascia curvy

Alpascia curvy

Alpascia curvy

Rattray's

Rattray's

Chacom calabash

Chacom

Comment se fait-il que cette Rattray’s fasse exception et produise plus de jus ? Je ne peux pas simplement imputer sa performance moins impeccable au perçage en 9mm, puisque la Curvy 9mm ne souffre pas du même problème. Par contre, en étudiant les entrailles de mes huit reverses, j’ai remarqué une différence de construction qui saute aux yeux. Alors que la Chacom qui a une tige moins volumineuse que les autres, présente un floc sous forme d’entonnoir profond et que toutes les autres reverses à la tige surdimensionnée, même la Curvy 9mm, sont équipées d’un floc dont le passage d’air se trouve au milieu d’un disque concave qui ressemble à une antenne parabolique, la Rattray’s ne présente pas ce genre de disque, mais au contraire un simple floc comme on en trouve systématiquement dans les pipes à chambre 9mm, c’est-à-dire un grand cylindre fait pour accueillir le filtre.

Pour comprendre l’importance du floc dans une calabash inside system, il suffit de démonter les pipes afin de les nettoyer après le fumage. Qu’elles soient droites ou courbes, qu’elles contiennent une chambre XXL ou de taille plus réduite, que la tige soit exécutée en bambou ou en bruyère, je constate systématiquement le même phénomène : la condensation et les impuretés se déposent avant tout sur le disque ou dans l’entonnoir du floc et pas sur les parois de la chambre qui sont à peine humides. En conséquence, en l’absence d’un floc similaire, la Rattray’s accumule l’humidité et les impuretés dans le fond de la chambre 9mm, au niveau de la transition entre le perçage 9mm et le perçage traditionnel dans le bec. Or, non seulement la surface du fond de cette chambre 9mm n’est absolument pas aussi grande que celle des flocs en forme de disques ou d’entonnoirs, en plus elle n’est pas concave mais droite. Résultat : le dépôt qui s’y amasse risque de bloquer partiellement le passage d’air dans le bec et donc de causer du glougloutage. C’est donc exactement le même problème que celui dont souffrent la plupart des modèles calabash. La conclusion s’impose que pour pouvoir capter et retenir efficacement les impuretés et l’excédent d’humidité, une reverse calabash doit être équipée d’un floc spécialement conçu pour exécuter cette tâche. Il ne serait donc pas déraisonné d’affirmer que le secret derrière l’effet calabash, c’est autant le floc que la chambre d’expansion.



Le bilan



Il me semble que désormais nous sommes en mesure d’expliquer pourquoi mon classement des dix-huit pipes révèle que les exemplaires les moins bien classées sont systématiquement des calabashes, alors que les deux tiers des pipes les mieux classées sont des reverses. Retenons que :

  1. Toutes les pipes de forme calabash présentent fondamentalement un défaut de construction : d’une part, le trou de fumage percé dans le talon facilite le passage de jus du foyer vers la chambre de condensation, d’autre part, plutôt que de retenir l’humidité, les parois verticales de la chambre permettent aux gouttelettes de confluer dans le fond de la chambre pour y former une mare de jus. En plus, dans ces grandes chambres de condensation, la fumée stagne et refroidit également au niveau du floc et y dépose des gouttelettes qui bloquent le passage d’air et qui causent ainsi du glougloutage. Seules les calabashes avec une gourde à la surface plutôt rugueuse et poreuse et les calabashes avec des passages d’air très bien exécutés par un pipier chevronné arrivent à compenser ces tares.
  2. Les reverse calabashes avec leurs trous de fumage et leurs chambres plus ou moins horizontaux ne souffrent pas de ce problème. Par conséquent, elles ne risquent pas de glouglouter, ce qui fait que ce sont en général de meilleures fumeuses que les vraies calabashes.
  3. Si les chambres des reverse calabashes permettent à la fumée de stagner, de dilater, de refroidir et de condenser, il est à noter que ce ne sont pas les chambres à proprement parler qui captent l’excédent d’humidité et les impuretés, mais les surfaces concaves des flocs surdimensionnés, ce dont les vraies calabashes ne sont pas équipées. Ce constat explique par ailleurs pourquoi le volume de la chambre ne semble pas exercer d’influence déterminante sur la qualité du fumage.

Les calabashes traditionnelles et toutes leurs variantes m’ont toujours fasciné. Or, au cours de ma longue carrière de pipophile, elles m’ont régulièrement et amèrement déçu. D’ailleurs, je me suis juré de ne plus jamais en acheter. Par contre, il y a une bonne dizaine d’années, j’ai découvert avec un certain émerveillement les fameuses reverse calabashes que je continue à acquérir à ce jour parce qu’elles me donnent entière satisfaction. Franchement, elles me tiennent à cœur, ces pipounettes. C’est pourquoi je tiens à terminer ce texte en redressant une injustice. Dès leur apparition sur le marché, les reverses ont été invariablement présentées comme des simulacres qui avaient pour seul but de reproduire tant bien que mal les caractéristiques au fumage des authentiques calabashes. Par leur ambition de plagiaire, elles passaient donc pour des succédanés, alors que par leur apparence de coude de plomberie qui n’avait strictement rien en commun avec les airs majestueux des icônes qu’elles étaient censées imiter, elles passaient pour des gimmicks aussi insolites que disgracieux.

Franchement, elles méritent mieux. Une décennie après leur naissance, il est évident que ce ne sont nullement des gadgets éphémères. La reverse calabash est bien vivante. Une multitude d’artisans pipiers, une demi-douzaine de fabricants de pipes en série et plusieurs producteurs turcs d’écumes de mer nous en proposent. Même le phare du traditionalisme américain qu’est la Missouri Meerschaum Company, a élargi sa gamme d’une édition limitée de corn cobs pourvues du système calabash. Et ce succès est pleinement mérité parce qu’une reverse est tout sauf un piètre ersatz d’une vraie calabash. Bien au contraire. En général, sa qualité au fumage dépasse allègrement celle de la grosse bobonne encombrante. Je dirai même plus : la reverse calabash n’a strictement rien à envier aux pipes traditionnelles les mieux exécutées. Et par conséquent, j’ose affirmer que la reverse calabash est la seule et unique innovation technique réellement intéressante que l’univers de la pipe ait connue depuis un siècle et demi. Rien moins que ça, oui.