Test Rostiak

par Guillaume Laffly

09/09/19

En jetant un coup d’œil à un site super-intéressant, je m’aperçois que mon dernier test d’une pipe remonte à … trois ans et demi ! C’est dire qu’il était temps de s’y remettre, puisque le dernier test de cette rubrique remonte à la même époque.

C’est que l’occasion, qui fait le larron, s’est faite attendre. Elle était sans doute occupée ailleurs, ne me demandez pas à quoi, question de discrétion, l’occasion est tête folle, ne sait pas elle-même où elle va, c’est pourquoi il faut sauter dessus.

C’est fin mars que je réalise la page de Jojo Rostiak. Et déjà ses pipes courbes, fines, élégantes et légères m’attirent. Je mets ça de côté pour plus tard.

une pipe de Jojo Rostiak

Et dernièrement, je vais ennuyer Pierre Morel avec une question sur les Maîtres Pipiers. En passant, je ne peux bien sûr rapporter l’échange, mais je regrette bien qu’il ne prenne pas le clavier pour nous proposer des articles de temps en temps.

Comme je lui passe une liste, il me fait remarquer que j’ai oublié de citer Jojo Rostiak. Pierre m’en dit le plus grand bien. Et il ne complimente pas n’importe qui. Ah.

Oubli compréhensible : pour moi, un Maître Pipier doit avoir une certaine bouteille. Un peu comme le vieux moine aveugle de la série Kung-Fu, celui qui dit un truc du genre : Tiens, petit scarabée, quand tu pourras attraper ce caillou qu’il est dans ma main, tu pourras parcourir le monde, voyez ? Je confirme qu’il entre dans mes plans de m’offrir l’année prochaine une de ses pipes, une « Pause-Café ». Ici, petite méprise. Les « Pause-Café », il y en a déjà, signées Morel. Pierre me demande si c’est d’elles dont il s’agit. Eh non. D’autant plus que j’en ai déjà deux, offertes par Pierre et par Didier dit Le Caïd. Non, une « Pause-Café » de Joseph Rimbaud, dit Jojo Rostiak.

Et là, plus de nouvelles.

Et voici que peu de temps après, je reçois un message de Joseph me demandant mon adresse, pour m’envoyer une de ces pipes – dont il va changer l’appellation.

Comme je suis un peu lent à la détente, je remercie, et précise que comme les petites vieilles se font rares dans ma rue, il m’est difficile d’arrondir mes fins de mois, et que ce sera pour plus tard. Inutile, c’est un cadeau.

Comme cela, les choses sont claires : c’est la seconde fois que je parle ici d’une pipe que l’on m’a offerte. Mais autant le préciser de suite, ça ne change rien à mes impressions.

Cette teinte orangée sur le haut du fourneau me dit quelque chose. Le travail de la jonction bruyère-bague-allonge est impeccable, je ne la sens pas sous mes doigts. Petit regret, au début, le préculottage. Le regret s’envolera bien vite.

La petite chose pèse moins de 29 grammes. Et pas si petite que cela, elle mesure 17 centimètres. Je conseillerai à l’avenir aux jeunes gens qui viennent à la pipe après avoir vu le Seigneur des Anneaux, de laisser tomber les trucs-machins qu’on devrait laisser aux boutiques de souvenirs, avec un tuyau fait exprès pour déchausser les dents, et d’aller jeter un œil sur le site de la Pipe Rit, ou de la Pipe du Nord, qui distribuent les pipes de Joseph. Ou alors, s’ils tiennent à mâcher du bambou, d’aller voir ses modèles Champignon, dont je regrette l’absence de bec. Mais l’aventure, c’est l’aventure.

J’ai souvent noté une sorte de mépris pour ces pipes à tout petit foyer, même quand elles sont marquées d’un point blanc. Pour certains, le fumage d’une pipe doit forcément durer de longues heures. Et puis, l’appellation pipe-minute a vite fait de rappeler la cigarette.

Mais on n’a pas toujours le temps. On n’a pas forcément envie non plus de fumer pendant plus d’une heure. Et plutôt que de s’en rouler une, il me semble très pratique d’avoir un petit foyer sous la main. C’est fugitif, mais plaisant. Alors pourquoi s’en priver ?

une pipe de Jojo Rostiak

J’ai dans mon roulement deux Pause-Café de Pierre, donc, et une Dunhill. Je dis bien dans mon roulement, pas dans ma vitrine. Certains mélanges plus costauds que d’autres, comme le old dark fired, s’y sentent très bien, et moi aussi.

J’ai donc fumé la Rostiak avec le même. Et, comme je le disais tout à l’heure, le regret du préculottage s’oublie très vite.

Et à partir de là, je suis très ennuyé. C’est beaucoup plus simple de parler de ces regrets que de ses plaisirs.

Cette pipe a un tirage facile. C’est aussi léger entre les dents qu’à respirer. Le mot est : confortable. Je devrais penser à regarder ma montre, pour donner un chrono – mais la précision ne voudrait pas dire grand-chose, et pour tout dire, j’oublie.

une pipe de Jojo Rostiak

C’est en la fumant que j’écris ces mots, plaisant d’avoir les deux mains libres sans fatigue de la mâchoire. Car si j’aime bien débuter mes journées par de petites pipes, celle-ci, je m’aperçois que je la réserve au soir, voire à la nuit, quand on est tranquille.

Les pipes de Joseph Rimbaud ne sont pas toutes des petits modèles. Considérant le plaisir que je prends à fumer celle-ci, je sais que d’autres un jour ou l’autre entreront dans la danse. De vraies pipes, pour faire plaisir aux dédaigneux de la pipe-minute.

Joseph travaille le bois, sous toutes ses formes : couverts, plats, charpentes, et aussi des pipes. Voltaire, à qui son perruquier avait envoyé une pièce de théâtre, lui avait répondu : Faites des perruques, encore des perruques, toujours des perruques, et aussi des perruques, etc. …

On aurait envie de dire à Jojo Rostiak que, même s’il travaille très bien toutes sortes de choses, il devrait faire des pipes, encore des pipes, toujours des pipes, et puis aussi des pipes …

une pipe de Jojo Rostiak