Fumeurs de Pipe - Test Kirsten, par PML

Sandro Pertini Les critères sentimentaux :

"cette pipe me rappelle tel lieu ou événement ", "cette pipe a appartenu à mon grand-père" ou "c’est la pipe que fumait tel grand homme" ou "c’est un cadeau" (Le Président de la République Italienne et grand résistant, Sandro Pertini, apparaissait toujours à la télé, lors de ses discours, avec cette pipe que lui avait donné un camarade pendant les années sombres), etc. …

Si une valeur doit être considérée comme personnelle et donc subjective c’est d’abord celle-ci. Elle ne sera pas abordée lors de cette description.

Les critères d’esthétique :

Autre valeur subjective, direz-vous. En effet. Je me garderai bien de définir une quelconque notion d’esthétique.
De plus, dans cette famille, on peut aussi classer des valeurs comme :

la qualité de la fabrication
l’originalité des formes
le traitement de la matière
voire la réputation du fabricant

Donc, pour ce point, je me contenterai d’une description physique et de quelques photos, laissant à chacun le soin de se déterminer sur cet aspect des choses.

Les critères de prix :

Ce qui est bon marché pour les uns ne va pas l’être pour les autres.
Et puis il y a ces fameux coups de cœur qui bousculent le raisonnable au point de le faire chavirer. La seule chose que je puisse faire, là aussi, est simplement de donner les prix.

Les critères de qualité de fumage :

Ici une description plus en détails est enfin possible permettant à chacun de se faire une idée un peu plus précise que ne le permet la seule consultation du site Internet de la marque.

Donc……………….

La pipe KIRSTEN que j’ai entre les mains est le modèle ESQUIRE. Ces pipes sont vendues de telle manière que vous pouvez associer à votre guise les diverses parties et " customizer ", comme disent les anglo-saxons, votre pipe.

Chaque pipe Kirsten se compose de trois parties principales : un bol ou fourneau, un corps ou tuyau (stem) et un bec. Les pipes classiques aussi me direz-vous mais ici ces trois parties sont indépendantes les unes des autres et dans la gamme proposée, elle peuvent être mixées.

De la pipe en kit, quel sacrilège diront certains ! Attendez…

En fait une quatrième pièce vient compléter l’ensemble, la valve. Nous allons voir son rôle dans la description.

Les critères d’esthétique :

une pipe Kirsten Pour les habitués de la pipe en bruyère ou en écume, voir une pièce en métal constituer le corps de la pipe peut surprendre et même choquer. Dans ce dernier cas, je conseille de ne pas poursuivre la lecture de cet article [humour].

Le "stem" est donc en aluminium anodisé de couleur métallisée, dorée ou noire mat. Cette finition satinée du métal alliée avec le bois du bol (dans mon cas) m’a surpris au début sans toute fois me choquer. Mon stem est anodisé doré.

Mon avis ne valant que bien peu, je ne résiste pas à vous faire part des remarques de mes collègues, non fumeurs de pipe, qui ont aperçu "l’esquire" sur mon bureau ou à ma bouche: "Ah ! celle là, elle est belle" (merci pour les autres). Cela pour dire que l’objet, pourtant totalement inutile pour eux, non seulement ne les a pas laissé indifférents, ne les a pas heurté et qu’ils l’ont trouvé beau.

Le bec de mon esquire est en "lucite" brune qui rappelle la couleur du bol en bruyère teinté noyer façon pipe anglaise (c’est ce qui est dit sur le site). Ce bol a une forme appelée "bulldog".

Une visite de leur site vous donnera un échantillon des combinaisons possibles.

Les critères de prix :

Les prix donnés en Dollars américains sont donc à multiplier par environ 0,80 (juin 2005) pour obtenir les prix en Euros. Les prix sont HT et aucune taxe ne sera ajoutée pour une expédition en France. Dans le cas de la mienne les taxes (7 à 8%) ont été ajoutées car l’achat a eu lieu sur place (Seattle – WA).

La gamme de prix des combinaisons (bol / corps / bec) présentées sur le site va de 55 à 155$. Pour un bol en écume, compter un peu plus cher. Donc grosso modo de 45E à 135E . Par rapport aux prix habituels des pipes, il me semble que les Kirsten se placent plutôt dans le bas de la plage.

N’oubliez pas d’y ajouter les frais de port pour vous faire une idée précise.

Les critères de qualité de fumage :

C’est ici qu’une grande partie de la différence va se faire. En effet, le rôle de ce "stem" en aluminium en forme de radiateur à ailettes est de permettre à la fumée de se condenser et d’arriver plus sèche dans votre bouche. Et il faut bien le dire, ce système est terriblement efficace. A tel point que le goût de votre tabac habituel va s’en trouver légèrement modifié, asséché et, qu’à la limite, cela risque soit de vous plaire beaucoup soit… pas vraiment.

Avant d’aller plus avant une description détaillée s’impose.

Le bol est en bruyère ou en écume (massive et non reconstituée – c/f leur site) et est percé à son extrémité inférieure d’un trou dans lequel se place une vis. Cette vis va permettre de fixer le bol sur le corps en aluminium. Pour que la fumée puisse passer, cette vis est elle-même percée en son axe. Une petite rondelle en forme de coupelle est intercalée entre le bol et le corps pour le protéger et pour l’esthétique.

La fumée arrive alors dans le corps (de la pipe) qui n’est ni plus ni moins qu’un cône métallique pourvu de quatre ailettes. Ce cône est ouvert à ses deux extrémités.

Côté "bouche" du corps vient s’enficher le bec qui ne tient que par la pression d’un joint torique (O ring). Ce joint assure une étanchéité parfaite. La tenue mécanique du bec dans le corps est très bonne et pour le retirer, rien de plus facile.

Toujours dans le corps mais à l’opposé, coté bol, vient s’enficher la valve également à l’aide d’un joint torique.

Le moment est venu d’expliquer le rôle de cette "valve" (valve : mot anglais pour désigner un robinet, une vanne, un clapet).

La condensation de la fumée étant importante. C’est une grande quantité de "jus de pipe" qui s’accumule au fond du corps. Cela est même surprenant au début, on n’imagine pas avant d’avoir vu.

Si vous retournez la pipe, par exemple pour la tapoter dans un cendrier, ce jus risque de s’écouler dans le bol et de venir gâcher le goût de votre tabac. Il suffit donc de faire tourner la valve d’un demi-tour pour que le trou de la vis de fixation du bol soit obturé. Rusé, non !!!

Si une pipe doit être qualifiée d’industrielle……. Mais attendez, ce n’est pas tout.

Les becs proposés sont disponibles selon trois formes et chacune en trois couleurs. Ils sont prolongés par une tige métallique creuse (voir ci- après). Cette tige a plusieurs fonctions.

elle contribue à la condensation (elle oblige la fumée à longer les parois intérieures du corps et donc à se condenser)
elle sert de tige de bourre pipe pour nettoyer le trou de la vis de fixation du bol et pour aider à pousser un petit mouchoir en papier dans le corps pour son nettoyage.

La tige de métal prolongeant le bec est creuse sur environ un tiers de sa longueur et l’orifice par lequel la fumée pénètre est situé sur son coté à un tiers donc.

Le nettoyage de l’intérieur du corps n’est pas nécessaire après chaque fumage, il suffit de fermer la vanne pour être à l’abri de l’écoulement du jus (dans votre poche, par exemple). Mais aussi, grâce à la position de l’orifice de pénétration de la fumée dans le conduit du bec, cette pipe pourra, dans une certaine mesure, être stockée avec le bec en bas sans risquer l’écoulement du jus vers la lentille.

Cette pipe, de ce fait, supporte plusieurs ‘fumades’ sans nettoyage. Le concept permet aussi de fumer la même pipe plusieurs fois de suite alors qu’il est conseillé de laisser sécher les pipes en bruyère entre deux ‘fumades’.

Le nettoyage courant du corps et de la valve se fera avec un mouchoir en papier ou équivalent (une poignée d’herbes sèches en montagne). Ce n’est que très occasionnellement que l’on utilisera une chenillette pour nettoyer le conduit du bec et le trou de la vis de fixation du bol.

Le test de la chenillette est ici, vous l’aurez compris, quelque chose qui n’a aucun sens.

Un jeu supplémentaire de joints toriques assurant l’étanchéité de la valve et du bec peut être commandés avec la pipe mais ils devraient aussi être assez faciles à trouver dans les joints pour robinetterie.

Nota : Je souris à l’avance de la réaction de ceux qui, non séduits par ce concept, diront que si maintenant il faut faire réparer sa pipe chez le plombier, où va t’on !!!… Le système Kirsten est effectivement très inhabituel par rapport à ce qui se fait dans le monde de la pipe, à chacun de l’accepter ou non.

Avant de revenir au goût et à la qualité du fumage signalons un piège dans lequel, bien sûr, je suis tombé. Après une ‘fumade’, j’ai voulu voir la quantité de jus dégagée. J’ai précautionneusement retiré la valve sans la renverser et sans surveiller particulièrement le corps. Conséquence, le jus encore présent sur les parois du corps s’est écoulé sur mon pantalon. Avec un minimum d’attention et d’habitude, cela ne se produit plus.

C’est indéniable, la fumée est fraîche et sèche et le reste durant toute la ‘fumade’. Le goût du tabac, déchargé d’une bonne part de l’humidité due à la combustion (éventuellement en milieu humide), est mis en exergue.

C’est à mes yeux les deux points forts de ce système. Cette pipe devrait particulièrement être appréciée des marins, montagnards et de ceux qui habitent dans des régions humides comme, par exemple, … la Colombie Britannique où cette pipe est fabriquée.

J’ai eu l’occasion de fumer cette pipe lors d’une traversée en vedette entre l’île de Bréhat et Perros-Guirec – 1h30 sur le pont supérieur et par temps de brouillard – visibilité environ 50m et humidité maximum. La ‘Fumade’ est restée très sèche et agréable tout le temps ce qui confirme pleinement les caractéristiques énoncées ci-dessus.

La pipe tiédit sans jamais chauffer. Elle reste bien allumée pendant la ‘fumade’ (dépend quand même de l’humidité du tabac, bien sûr). La pipe est légère en bouche bien que la mienne semble être, de par sa forme, une des plus lourdes de la gamme. La lentille est plutôt fine et son ouverture en bouche est évasée. La prise en main est très confortable.

Le "glou-glou" est quelque chose que cette pipe ne connaît pratiquement plus malgré (dans mon cas) sa forme "full-bent" propice à ce désagrément. Et si par hasard, un glou-glou survenait dans le bec, ce dernier est si facile à retirer qu’un simple souffle un peu poussé vous l’assèche pour un bon bout de temps.

Enfin personnellement, je trouve que le bol a une capacité un peu faible bien qu’il soit déjà considéré par Kirsten comme "Large". Les bols existent en Medium, Large et Extra Large (l’écume en XL seulement). De fait, les ‘fumades’ sont un peu courtes à mon goût. Le culottage s’est fait rapidement, sans mauvais goût. Le bol ne dégage aucun goût particulier venant affecter celui du tabac.
L’intérieur du bol est légèrement conique, ceci étant sensé assurer une meilleure combustion ( ???). Kirsten vend un alésoir (reamer) adapté à cette forme mais un petit canif convient parfaitement pour retirer l’excès de culot.

En Conclusion :
Vis de fixation, construction en kit, bol XL, valve, radiateur à ailettes, joints toriques, voilà un vocabulaire que l’on est pas habitué à employer en matière de pipes. Comme je l’ai déjà dit, cela relève d’un concept que l’on peut adopter ou rejeter.

Mais voilà une pipe agréable, pas très chère, originale, assez légère, toujours sèche, pratique, solide et fumant bien. On peut même la trouver élégante. Admettez que ce n’est déjà pas si mal.

Et puis, en cas de casse ou si on décide d’une autre "customization", on peut ne remplacer qu’une partie de ses composants.

A vous maintenant de vous faire votre propre opinion, cette description n’ayant pas d’autre ambition que de modestement vous y aider.

PS1 : je ne suis pas sponsorisé par Kirsten pour en dire du bien, sinon vous pensez bien que j’en dirai beaucoup plus [humour].

PS2 : Pardon pour le mot ‘fumade’ qui n’est pas au dictionnaire, mais qui est si facile pour se faire comprendre.

PS3 : Si l’un ou l’une d’entre vous devait acheter une Kirsten, je serai intéressé de connaître son opinion.