Test d'une Lapwing

par Aleksander Niepokoila

08/01/24

Le premier contact avec Colin n’a jamais existé. En fait, j’ai envoyé un message sur facebook en regardant la dernière œuvre du pipier : celui-ci affichait fièrement une lovat reverse calabash. Ben non, monsieur : cela ressemble quand même beaucoup plus à une brandy reverse calabash, non ? Je n’ai jamais eu de réponse à ce sujet puisque, finalement, facebook n’a pas daigné poster mon commentaire. Tant pis.

Pour des raisons techniques, je m’intéresse pas mal aux RC en ce moment. J’ai donc voulu voir combien se vendait sa pipe en lui envoyant un petit message sur instagram. Il ne l’avait pas encore postée sur son site, mais je m’attendais à du 130 euros en comparant avec ses autres créations. Celui-ci m’annonce un total de 125 euros en comptant les frais d’envoi. Ma douce, généreuse, tient à m’offrir la pipe. Eh bien si je peux essayer gratuitement la production d’un pipier, pourquoi refuser ce plaisir… Avant toute chose, je demande au pipier comment ses becs sont taillés. Il me dit qu’il les produit autour des 4mm en général, mais qu’il peut vérifier pour cette pipe. Naïf, je lui dis que je lui fais confiance pour cette fois-là. Au passage, je précise vouloir un foyer vierge si cela n’est pas trop tard : la chambre l’était sur les photos, et je ne voulais pas perdre de temps à enlever le préculottage moi-même. Il ne répond pas à ce détail.>

La pipe a mis 8 jours à arriver, étant donné qu’elle a été bloquée par les douanes. 27 euros (réglés en avance) plus tard, l’on m’informe que mon petit colis m’attend à la poste. Je n’ai pas pris de photo, mais la pipe était extrêmement bien emballée et protégée. Impossible de faire en sorte qu’elle soit abîmée par le voyage ou par un coup de pied dans le carton.

La première impression que j’ai en sortant la pipe de sa pochette est plutôt bonne : les finitions sont bien faites, et le toucher est agréable grâce à la manière dont elle est rustiquée. Pour tout vous dire, la tête est douce sous les doigts. Oui, douce. De ce fait, puisqu’elle pèse un peu plus de 63g avec ses grosses dimensions, je passe plus de temps à la fumer en la tenant à une main. Par contre, je constate en soupirant que le piper a culotté le foyer malgré ma demande. Et le culot a l’air grossièrement posé. J’introduis mon doigt à l’intérieur du foyer pour toucher cette espèce de gloubiboulga, et voilà que la surprise se fait : le préculottage se limite à une simple couche de carbone ! Décontenancé, je m’en vais mouiller un sopalin, et enlève la couche d’un simple mouvement du doigt, en trois secondes chrono. Voilà un pipier qui laisse le choix à son client, et cela est fortement appréciable.

Le tuyau réserve lui aussi quelques surprises : il est poli, mais pas suffisamment. Si les photos semblent faire croire qu’il est aussi brillant qu’un miroir, il n’en est rien. Il manque de polissage pour le faire vraiment briller, et on peut apercevoir la trace d’un coup de lime. De plus, des petits points blancs poussiéreux sont répartis dessus, mais disparaissent d’un coup de chiffon. Allez savoir ce qu’il en est. Difficile aussi de passer outre des taches brunes qui se distinguent autour de la jonction avec la décoration blanche de la tige. Bref, cela manque encore de travail à ce niveau-là.

En essayant de démonter le tuyau, mes doigts bloquent à cause d’une tension trop importante dans le floc, mais quelque chose me semble étrange. Je finis alors par essayer de tourner la décoration, et voilà que celle-ci se trouve intégrée au tuyau (et non pas à la tige) ! Alors ça, c’est pas mal, parce que les jonctions sont juste parfaites. L’intérieur de la tige est parfaitement lisse, le perçage au fond de la mortaise est bien centré, bien alésé, et le floc se révèle être un entonnoir bien façonné. Je m’attendais à une parabole, mais non, voilà un profil en V tel que je les aime, et en plus poli. Le pipier semble savoir ce qu’il fait de ce côté-là. Petite déception cependant concernant l’épaisseur du bec : on est sur du 4,9mm. Je n’avais qu’à laisser Colin vérifier, tant pis pour moi. La respiration est pas mal, mais je sais d’ores et déjà qu’il y aura un petit problème.

Le premier fumage est relativement satisfaisant. Le goût pourrait être plus prononcé, et le tabac a tendance à s’éteindre relativement tôt. J'admets cependant ne pas maîtriser le bourrage parfaitement pour des foyers aussi larges. C’est lorsque je nettoie la pipe en essayant de passer une chenillette depuis le tuyau jusqu’à la tête que je comprends le problème : elle se coince à quelques centimètres dans le tuyau. Ce problème, nous le connaissons tous. Le V n’est pas suffisamment profond, et la jonction entre celui-ci et le perçage conventionnel dans le tuyau depuis la tige se fait de manière trop étroite. En 10 secondes, le problème est résolu avec un foret de 1,5mm qui vient élargir le V de profondeur sur 2,5cm. Je profite de ce petit boulot pour réduire le bec à une épaisseur de 3,8mm. Ainsi, le fumage sera plus confortable même en laissant la pipe entre les dents. Cette petite est domptée dès le second fumage, et m’apporte désormais toutes les nuances espérées du tabac fumé en prodiguant une fumée sèche et fraîche. De plus, la pipe ne s’éteint plus pour un oui ou pour un non.

J’ai recontacté Colin pour lui proposer quelques suggestions, et quelques points d’améliorations. Il dit de lui-même que les rapports détaillés lui permettent de voir où est-ce qu’il peut se focaliser pour ses futurs progrès.

N'empêche que, quelques-mois sont passés depuis ce test. J'ai vu malgré ce qu'il m'a dit que pas mal de conseils n'avaient pas été pris en compte, y compris sur le polissage. Je ne me battrai pas pour le convaincre. Je trouve cela dommage de lire une chose pour en apprécier l'exact contraire ensuite. C'est fatiguant.

Il faut voir Colin comme un débutant, et il a toujours pas mal de progrès à faire sur le polissage. De la même manière, ses formes sont encore molles, et il ne maîtrise pas le canon des classiques. À revoir dans quelques temps, peut-être : au moins, ses RC ont l'air pas mal. D'ailleurs, je ne retrouve plus la mienne... Quel con.