Solani silver flake blend 660

Solani silver flake blend 660

Quel tabac. Non mais, quel tabac !

Un flake long comme un jour sans pain, replié sur lui-même, qui s’effrite simplement pour en tirer des brins facilement bourrables. Ça s’allume tranquillement. Rapidement, on entre dans un monde cacaoté, chocolaté... l’ambiance est là. On pourrait s’imaginer dans une belle brasserie viennoise en jolie compagnie. De temps à autre, le tabac livre des bouffées plus torréfiées. Comme si, à côté de la boisson chocolatée, on avait commandé quelques noisettes rapidement passées sur le grill.

C’est bien simple. Pour dire quelque chose de ce tabac du mois, et pour aller au delà de ma première belle impression, j’ai fumé, dès le lendemain une pipée de Dockworker et dès le surlendemain une de Makhuwa. Pour mon palais, ce Solani est du niveau du Makhuwa. Un peu sec, ce dernier est une merveille, mais je ne vous apprends rien. Le Solani me donne autant de plaisir. Il dépasse le Dockworker, que j’aime bien pour sa note acidulée, mais qui parfois me fatigue en allant trop vers l’acidite. Le Solani, lui, est toujours bon. (sooafran)

La couleur de ce kentucky blend est brune avec quelques brins plus blonds. Pas de doute, il s’agit de très beaux flakes qui se manipulent aisément et en souplesse. Il suffit de les rouler pour qu’ils s’effritent délicatement et le bourrage s’avère être un jeu d’enfant. Lors du tirage à cru, on perçoit des notes sucrées de figues sèches. L’allumage révèle une fumée complexe avec d’une part la sucrosité des virginias qui contrebalance le corps charpenté et nicotiné du dark fired kentucky. Très vite, c’est ce dernier qui prend le dessus, propageant dans la pièce une fumée piquante évocatrice d'un feu de forêt ou d’une bûche humide et fumante (peu agréable pour l'entourage). Lors du fumage, je prends du plaisir à savourer ce mélange réussi entre la profondeur virginienne et la sécheresse pimentée du kentucky, qui prend parfois des accents viandés de barbecue (thym et herbes brûlées). En sortant du cinéma, de retour à la maison, je rallume ma pipe. La fin du bol est intense et rassasiante. Assurément, l’expérience valait la peine d’être vécue. L’équilibre entre les deux variétés est réussi. Le tout fait penser au HH Bold Kentucky, qui cependant m’a apporté plus de plaisir par la plus grande douceur qui s'en dégage. Ce Solani est une sacrée belle bête, peut-être même est-ce le meilleur kentucky blend que j’ai fumé ? Cependant, le lendemain j’ai le souffle coupé, la gorge irritée et je ne peux m’empêcher de penser au sketch de Pierre Desproges : « Maman, passe-moi une gauloise,… sans filtre ! » Pour fumer ce tabac, il faut avoir le palais en bronze ! Je souscris d’ailleurs totalement à la comparaison faite par l’un de nos éminents membres, qui trouve à ce blend un goût de gauloise brune et de figue. En bref, je crois qu’il s’agit d’un tabac remarquable, mais beaucoup trop fort pour moi. (Skiff)

ACTE I - Les grandes espérances

J'ai le nez dans la verveine. Non, ce n'est pas l'odeur de ce tabac, c'est ma position au ras du sol, mais au 13ème étage, au moment où j'ouvre l'échantillon. De la verveine poivrée qui ne sent pas le poivre. C'est comme ça, il y a toujours un décalage entre les mots et les choses. Le nez dans la verveine et la "Ballade de la mer salée" sur les genoux pour feuilleter et prendre des notes. Allez Corto, inspire-moi. Déjà, l'odeur de ce tabac est bonne. Des longs filaments à la bonne humidité s'échappe une douce odeur légèrement piquante, mélange de citron et de miel, de foin séché et de réveil après avoir somnolé dans un champ fraîchement coupé. C'est très agréable. Le flake s'effrite aisément et c'est grand dommage que de séparer cette fratrie d'herbe. On resterait là à la contempler avec rêverie, s'imaginant voir du ciel de longs rubans de champs labourés. Bref, je bourre la pipe vivement après avoir fait un petit bouchon pas trop serré. C'est une Getz système calabash, bien connue des FDP. A l'allumage, facile, il n'y a pas grand-chose, une douceur lointaine,, quelque chose de très discret. Et puis la saveur monte lentement, doucement, avec puissance. Le virginie se révèle pleinement, équilibré, chatouillant l'arrière-bouche et le fond du nez lorsque la rétro-olfaction entre en action.

- Entre en action ? Quel con tu fais ! Tu te prends pour Goldorak ? Rétro-olfaction, Go ! Non, mais, pédant de mes deux, tu souffles simplement par le nez, comme un boeuf.
- Oui, mais va faire fumer un boeuf !
- Boeuf toi-même et d'ailleurs, ce soir, tu en manges du boeuf fumé !
- Du Beuh fumé ? Oh ! Parle la France. De LA beuh fumée.
- Laisse tomber.

Je laisse tomber, la pipe s'éteint.

- Zippo, au boulot, au bois.
- Quoi, au bois ?
- Ben au bois de bouleau.
- Ah ! Tu me fais marrer. Je suis un peu plié.
- ...

Le tabac mord un peu la langue mais sans agressivité, un peu comme l'équipe de France qui vient de se faire un petit 2-1 face à l'Australie. C'est que le début. La saveur se développe, est plus forte. On crie dehors. Pas les enfants, les faucons. Il y a des avantages à être en hauteur. Il y a un nid de faucons crécerelle dans une niche au-dessus de ma fenêtre. Personne ne les embête, ils élèvent leurs petits et virent les opportuns. C'est parfois la bataille d'Angleterre avec les corneilles et les pies. Et, en parlant de faucons, je n'ai toujours pas de Falcon, tiens ! Sincèrement, la Getz donne un excellent résultat avec ce tabac. Les prochains essais seront avec une écume Fikri Baki et ma première pipe, un petit fourneau tout bâtard de Saint-Claude qui a toujours été un juge de paix lorsque les tabacs partaient dans tous les sens et que je n'arrivais pas à me faire une opinion. Parfois, je l'appelle "la rédemptrice". Il faudrait que je donne un nom à toutes !

Bon, ce n'était pas la fin de la pipe, je reprends le lendemain après un processus contrôle de DGT (delayed gratification technique)

- Fous-toi de moi, t'as juste rallumé ta pipe, c'est tout !
- Oui, mais ça fait plus "start-up", non ? D'autant qu'il paraît que le DGT marche bien pour les Va
- Sombre cuistre ! Et alors, le résultat ?
- Pas terrible. Odeur âcre, goût insignifiant, mais j'étais en fond de bol.
- Nah ! fallait pas la faire ta "levée de fond"! Donc, tu as une scalabilité négative par DGT du Va dans la Getz ? Maintenant que t'as fais le pitch, tu peux faire le pivot. Tu te donnes quelle dead-line pour itérer parce que je me lance pas dans un kick-off sans fin. il me faut un one-track qui me définisse clairement le branding du produit.
- C'est bon, n'en rajoute pas.

ACTE II - Retraite de Russie

18 juin, 22h00, face à la vitrine de Noxa, place Colette. A 50m à ma gauche, l'Oriental. A 50m sur la droite, la Civette du Palais-Royal. Un 18 juin, c'est l'appel de la pipe sur ce point d'équilibre où se réunissent les forces telluriques de la bruyère et du tabac. Face à moi, dans la vitrine, une pipe grandeur nature illustre un diorama représentant le salon du 221 Baker street où loge un illustre fumeur. Je sors la Chacom.

- Halte-là, Iago, infâme traître. Tu dis bien Chacom et non Fikri Baki. A moi, la garde !
- Nolli me tangere !J'allais pas sortir une Baki pour faire les cent pas devant le Français !

La raison est là. Fifille fait un stage à la Comédie française et ce soir, elle avale du Britannicus à la petite cuillère. Pendant ce temps, je prends racine (avec un "r" minuscule car avec une majuscule, ça laisse supposer bien des choses). Donc, j'ai préalablement à mon départ consciencieusement épluché le flake entre mes doigts, opéré un bourrage aux petits oignons. Allumage et tout de suite, à la première bouffée, comme un jet d'adrénaline dans mes neurones, ce fut un moment... exécrable. Pouah ! quelle alacrité. C'est amer, piquant, assèche la bouche. C'est pas vrai, c'est pas le même tabac ! J'insiste, tire moins fort, engage une marche calme le long de chez Noxa, passant en revue les grognards de plomb, tirant l'oreille de Murat, de Suchet, de Kellerman. Je prolonge sous les colonnes de la Comédie française, arrive à la boutique.

" Le plaisir est pour moi... Croyez-le bien" me clame Georges Feydeau du haut de son affiche exposée. Ben voyons mon gars, dans ton hôtel du libre-échange, t'avais peut-être des pipes d'un autre bois mais la mienne, elle me chauffe. Je fume la moitié du bol sans grande conviction. La saveur de la veille ne revient pas. Est-ce la pipe, est-ce la nuit, est-ce ma fatigue ? "Notre ignorance est infinie : entamons-là d'un millimètre cube" me répond Bertolt Brecht dans l'affiche d'à côté avec cette citation de "la vie de Galilée". T'as raison Bertold, cela me laisse pantois et désarçonné comme un cavalier de la Grande Armée. Je tourne casaque, replie la pipe dans la poche, récupère fifille qui s'est bien marrée avec Néron.

"C’en est trop. De tous deux il faut que je l’écarte.
Pour la dernière fois, qu’il s’éloigne, qu’il parte;
Je le veux, je l’ordonne ; et que la fin du jour
Ne le retrouve pas dans Rome ou dans ma cour".

Il parle de mon tabac, l'ahenobarbus ? Allez, sonnez la retraite.

Acte III- La tête dans la ruche

19 juin 2018. Pique, pique, vibre, vibrionne, vrombit, grince et tournicote. Non, ce n’est pas l’effet de la nicotine, ce tabac n’en n’est pas chargé. C’est que je suis assis sur une borne à Saint-Ouen, charmante bourgade champêtre du nord parisien où la Région Ile-de-France a installé son nouveau QG et où je dois assister à un après-midi de travail avec les grands incubateurs d’entreprise et faire une intervention. En attendant, la porte est fermée, je suis à la rue, assis sur la borne et je regarde le ballet des grues en écoutant le concerto des engins de chantier et en reprenant ma pipe. Yes sir, c’est le mélange d’hier soir. Hardi petit, tu t’y remets.
Mystère de la ruche vibrionnante qui s’agite autour de moi, effet de la chaleur, effet de la lecture des propos d’Alain Damasio sur la puissance et le pouvoir que je suis en train de parcourir avec avidité et volutes ? Va savoir, le tabac a retrouvé son goût de tabac. C’est la moitié du bol, il est un peu plus âcre mais il se fume bien. J’y vais tranquillement, je referme ma revue et repasse dans ma tête mon « pitch ».
- Ton exposé ?
- Oui, disons cela puisque le terme « pitch » appartient à Pasquier, le boulanger industriel
- Alors ça va être du gâteau ?
- Peut-être juste les questions qui ne seront pas de la tarte.

Quoiqu’il en soit, pendant que moi-même débattons, la pipe s’éteint. Ho, Zippo ? Ben, Zippo, il est à court de coco. Panne sèche. Fin de l’acte.

Acte IV - Tu la tires ou tu la pointes

20 juin 2018, j’ai la boule. Une seule pour éviter des les avoir au pluriel avec ce tabac qui me résiste. La boule, c'est la forme de la "rédemptrice", la mère de toutes mes pipes, la bâtarde de Saint-Claude, Ze first one, ramassée sur un petit marché à Cluny, en Bourgogne. Malgré sa taille menue de type 1 ou 2, elle a toujours fait son office. A boule de bruyère, boule de tabac. En pipologie, la théorie de la sphère creuse ne tient pas. Elle est toujours pleine d’herbe à fumer. La boule, elle ne perd pas le Nord. Le goût du tabac est correct sans être génial. On sent clairement la pointe du Va sur la langue. Il y a comme une odeur entêtante de viande grillée, cette odeur qui monte du brasero et qui met l’eau à la bouche mais sans pour autant accéder à la viande. C’est le supplice de Tantale réinventé. D’autant plus que ma lecture du jour renforce ce sentiment d’insatiété :

“Les viandes grillent en plein vent, les sauces se composent et la fumée remonte les chemins à vif et rejoint qui marchait. Alors le Songeur aux joues sales se tire d’un vieux songe tout rayé de violences, de ruses et d’éclats, et orné de sueur, vers l’odeur de la viande il descend comme une femme qui traîne : ses toiles, tout son linge et ses cheveux défaits.”

Je ne sais pas quoi en penser mais la première pièce des “Eloges” de Saint-John Perse ressemble à un vrai lendemain de soirée où la gueule de bois se dissipe lentement à l’approche du déjeuner, après une grasse matinée. Pour le coup, je n’ai pas la bouche pâteuse ni mal à la racine des cheveux mais simplement faim de bonne fumée et ce tabac ne me remplit pas l’estomac.

- Alors, la boule, tu la tires ou tu la pointes ?
- Je la pointe. Pointe de désappointement.

ACTE V - Corn-flake

Vendredi 22 juin 2018. Ce fut une journée africaine. Enquiller dans la même journée le Cameroun, le Togo, le Bénin, le Sénégal et le Burkina Faso laisse un peu sur les rotules et la voix à la lisière de la défaillance. Un voyage ? Non, le forum des diasporas africaines au Palais des congrès de Paris. Un trip non-stop 8h-19h dans un bruissement de Vuvuzelas pour parler entrepreneuriat, projets, développement économique. Dernier visiteur : un représentant d’un village sénégalais qui me soumet un projet de bassin de rétention d’eau pour développer l’agriculture et l’élevage après les périodes d’inondation. Il m’évoque les vaches bloquées de l’autre côté du fleuve à la saison des pluies. Je suis loin de mes petites start-up parisiennes. L’éco-agriculture sénégalaise en mode coopérative n’est pas mon point fort mais on réussit à s’entendre et se comprendre. Son histoire de bétail est touchante. Qui dit vache dit corne et qui dit corne dit cob.

Rentré chez moi, la Missouri Meerschaum est sortie.

-T’aurais pû commencer direct sans raconter ta vie. Personne n’en n’a rien à fiche.
-J’aime bien les histoires et le tabac est une herbe à imaginaire.

L’imagination, il fallait en avoir pour trouver du peps au flake dans la maïs. J’ai toujours une prédilection pour ces petites pipes rustiques qui rendent un goût très neutre du tabac, se fument vite et ne font pas de chichi. En l’espèce, pas d’acidité, pas d’amertume, pas de mauvais goût mais pas d’esprit, pas d’étonnement, pas de surprise, pas de, pas de. Ce flake est correct, rend bien son office mais son souvenir ne reste pas.

-Alors t’as pas senti ce coup de corn ?
-Pis, je ne sais plus ce que ce tabac vaut.
-Ah ! la vache !

Acte VI - La splendide chevelure inculte des tombes

Samedi 23 juin, jour noir. La pipe est noire, en morta. C’est la Pdg poker. Le café est noir. Tout le reste grouille de vie, sursaute, scintille. La lumière vive du soleil sur la Seine, les drapeaux français sur les balcons au loin, les lignes de Walt Whitman sous mes yeux. Un tabac, c’est de l’herbe. L’herbe, ça pousse à la rêverie, ça poétise et c’est donc le “feuilles d’herbe” du poète américain qui m’accompagne. Qu’est-ce que l’herbe, cette plante qui pousse, qui croît et qui se consume dans nos pipes ? Rien d’autre que “la splendide chevelure inculte des tombes”, “the beautiful uncut hair of graves”. J’ai mis la chevelure dans son tombeau de bois fossilisé, allumé, respiré un grand coup. Ce fut comme si j’avais mis d’un coup quelques gouttes d’alcool de menthe et de Tabasco sur la langue. C’est monté d’un coup, vif puissant, avec toute la vigueur d’une plante fermentée dont on aurait retenu la puissance durant trop longtemps. La viridité, aurait dit Sainte Hildegarde de Bingen pour qui se mot s’appliquait à tout ce qui fait croître les êtres vivants, y compris l’âme humaine. Pour le coup, chère Hildy (permettez-moi de vous appeler Hildy), la viridité de ce tabac m’a sacrément tapé dans les capteurs de fond de naseaux. J’ai failli lâcher ma pipe. Ce n’est pas comme avec la Getz qui se faisait prier. Là, ça pète direct.

Je reprends mes esprits. A vrai dire, j’avais commencé à fumer en feuilletant l’Ode maritime de Pessoa mais mis à part son appel aux marins, aux “gens de pipe”, l’ambiance de la mer ne convient pas à ce tabac. Il faut être plus terrestre, plus enraciné.

-Enraciné, les feuilles, la viridité ? Tu bosses chez Truffaut ? Tu m’as fait le coup de la pipe maïs et des vaches sénégalaises avec des jeux de mot lourdingues de comice agricole. Bientôt, on n’aura plus qu’à mettre de la sauce vinaigrette pour avoir une belle salade.
-Moui, fumer, c’est Végan !
-Et la Baki, en ce jour d’élection en Turquie, tu en fais quoi ?
-L’armement est prêt, la pipe est bourrée. Elle patiente. Après l’insatiété de l’acte IV et la vache de l’acte V, il me fallait prendre une voie d’intermédiation qui ouvre mes chakras.
-T’es complètement loufdingue.

Le goût du tabac est excellent dans la morta. La pipe chauffe un peu, je ralentis le rythme et suis celui des vers du poète américain
-“Tendrement vais-je t’utiliser herbe qui boucle, peut-être suintes-tu de la poitrine de jeunes hommes ?”
-Euh, Walt, t’en fais pas trop, là ?
- “Cette herbe-ci est trop sombre pour émaner de la tête chenue de mères âgées”
-Tu te sens bien, il est pas trop fort ce tabac ?
-“Plus sombre que la barbe décolorée des vieillards”
-Là, j’entends bien, ce n’est pas du tabac blanc, et il fume au poil.
-“Oh, j’entends soudain parler tant de langues”
-La mienne se porte bien mais, cher Walty, on va arrêter là l’expérience si tu veux bien.

Acte VII - L’écume des jours ou l’épilogue heureux

Mardi 26 juin. J’arrive au terme de cette tragi-comédie du Solani Silver flake Blend 660, dont le nom est comme celui d’une moto à la cylindrée ronflante, au démarrage de laquelle il y aurait pourtant plusieurs ratés ; de sorte que, l’ayant mis sur le banc d’essai de plusieurs pipes, j’en suis arrivé à la conclusion que la pleine puissance et la bonne saveur de ce tabac n'apparaît que lorsqu’il est mis en contact avec une matière minérale, dont le morta et l’écume et, au final, j’ai finalement eu le plus de plaisir avec ce flake dans la ronde pipe Fikri Baki que j’ai fumée hier soir, à la nuit montante, sur mon balcon, alors que les derniers bateaux glissaient sur la Seine, que les hurlements des supporters argentins s’évanouissaient lentement, que la Lune illuminait magiquement la frondaison froufroutante des bois qui oscillait sous la brise d’été, qu’avec toutes les pipes précédentes.

Durant une heure, ce qui m’a semblé une éternité, et sans aucun rallumage, ce tabac a délivré une saveur à la fois douce et épicée, avec une fumée rassasiante et une lente montée de la nicotine qui n’a nullement gêné ma lecture, laquelle m’a transportée dans un temps assez lointain mais pourtant assez proche où le flot continu des mots de l’auteur, dans ses longues phrases elliptiques, engourdit le lecteur comme la nicotine ; de sorte que, au terme de ces longues minutes, ainsi qu’il nous paraît au terme d’un rêve dans lequel ce qui est long s’écoule rapidement et ce qui est rapide est effectué comme au ralenti, ce temps m’a paru fort bref et que j’ai pu me coucher de bonne heure.

-Oh ! Marcel, tu nous fais quoi ?
-Je rattrape le temps perdu.
-Bon, tu l’aimes ou pas, ce tabac ? Parce que là, tu nous tiens la jambe depuis sept actes. Fais court maintenant, tu me gâââves.
-Bon goût- STOP-Très stable mais infiniment capricieux dans pipe bruyère- STOP- Pas mon favori.
-Ben voilà ! Fallait juste demander.
-Je peux reprendre ?
-Je t’en prie.

Donc, longtemps, je me suis couché de bonne heure…... (Laurent M)

Mon résumé sera beaucoup plus prosaïque :

VUE

De longs très longs pétales fins et bruns foncés.

NEZ

ça sent les fruits secs. En particulier, Nightcap a évoqué une odeur de figue sèche. Ha bon ?? Bah franchement oui !! ça sent à fond la figue sèche.

FEU

Première pipée dans une Morta. ça se consume pas trop mal. C'est pas mauvais, mais alors que c'est rasoir ! C'est insipide au possible. Les suivantes dans des bruyères et maïs. Là, c'est déjà mieux, c'est même honnête. Côté nicotine, c'est pas terrifiant, loin s'en faut. Les arômes ? Bah la figue sèche a disparu et rien ne me vient à l'esprit. Je vais pas dire que ce tabac m'a passionné mais je vais pouvoir le ranger dans la catégorie des potables. (freedent94)

J'ai acheté une boîte de 100 g de Solani silver flake 660 en Espagne.
Je connais d'autres Solani comme le 633 ou le 763 , que j'apprécie beaucoup, mais j'ignorais tout du 660.
Arrivé chez moi, j'ai donc consulté la tabacothèque.
Je suis d'abord tombé sur le “fonts-ils un tabac” N° 75 d'Erwin et je me suis dit :
“Seigneur, un burley ! t'as craqué pour un burley ! Imbécile, âne bâté que tu es !”
Je déteste le Burley presque autant que je hais le fromage !
L'éloge final d'Erwin n'apaisait pas ma consternation. Je me disais que j'allais le laisser se dessécher lentement en jetant des regards contrits au long flake tigré brun sombre et jaune clair que je trouve singulier et attirant, dans le même genre que le Reiner Gold mais en plus ébouriffé, plus fin, donc plus élégant.
J'ai lu ensuite la revue collective écrite pour le tabac du mois.
Soafran écrit qu'il a trouvé des notes “cacaotées et chocolatées” et je me suis dit que cette fois c'était vraiment râpé !
Pour tester un truc pareil je devrai attacher ma ceinture de sécurité sous peine de sauter par la fenêtre.
En lisant que Skiff estime qu'il faut un “palais en bronze” pour fumer un tabac pareil je me suis demandé si mes poumons supporteraient car j'ai la manie d'inhaler profondément la fumée jusqu'au fond de mes bronchioles.
On est le fumeur qu'on peut, pas vrai ?
Peut-être, me disais-je en tremblotant, qu'à la première bouffée je me retrouverai avec les bronches complètements torréfiées, et même carbonisées ?
“Rasoir” juge sobrement Freedent.
La conclusion de Laurent M qui écrit “sa saveur à la fois tendre et épicée avec une fumée rassasiante” ne m'a pas rassuré du tout, En bref, je me suis bourré une pipe de ce foutu Solani la mort dans l'âme.

La première fois j'ai trouvé ça bizarre. Il y avait du piquant, de la profondeur, et je ne sais quoi encore qui me déroutait, mais pas de cacao, pas de chocolat.
J'ai cherché un rasoir, je n'en ai pas trouvé.
Pas de tendresse mais de l'épice, sans aucun doute, citronnée il me semble, et incontestablement une fumée rassasiante.
La dernière bouffée tirée, inhalée, rendue, ma bouche et mes bronches étaient en bon état.
J'ai fait ce que je ne fais jamais : je me suis préparé une seconde pipe le lendemain.

Contre toute attente, je suis tombé amoureux de ce Solani Silver Flake 660, preuve, s'il en était besoin, qu'en matière de fumée de tabac je pense n'importe quoi. (bernard mathieu)

solani