Des aros fréquentables

par Christophe Wolff (Chrisharps)

23/12/11

Je n’ai pas gravé dans le marbre la date exacte, mais si je ne me trompe pas, je viens de passer le cap des 2 ans en tant que fumeur de pipe. J’avais déjà essayé, 15 ans auparavant, mais sans succès, car sans conseil, sans Internet, sans FDP, mais avec de l’amsterdamer comme tabac et 2 brûle-gueule comme pipes dont j’avalais la fumée comme avec mes clopes d’antan.

Après quelques années de sevrage tabagique, puis quelques années de consommation occasionnelle de cigarettes, j’ai la chance de ne plus être accroc à la nicotine. Je n’ai aucun manque si plusieurs jours se passent sans que je puisse m’en bourrer une ou m’en rouler une, car je garde ce plaisir là aussi ; plus pour des questions de commodité lorsque, au cours d’une soirée, mes amis sortent s’en griller une vite fait sur le balcon !

Un jour du mois d’octobre 2009, je croise dans les rues de Strasbourg un grand gaillard à l’accent scandinave, vêtu d’une veste en tweed noire arborant fièrement une belle Billard Apple droite, lisse et tout de noir vêtue elle aussi. J’ai trouvé la pipe très élégante, même si ce n’est pas elle qui m’a séduite au premier abord (pas le grand gaillard non plus, je vous rassure si besoin), mais les volutes bleues s’échappant de sa pipe et délicatement parfumées à la vanille !
Déclic ? Coup de foudre ? Tentation ? Gourmandise ?

Admiration et révélation !

De cette image scellée dans un coin de ma mémoire, accompagnée d’un agréable souvenir olfactif, j’en suis encore très admiratif. Au diable les clichés papylisant et ringards du pépé fumant la pipe, cet homme a redonné, sans le savoir, ses lettres de noblesse au fumeur de pipe, tout du moins à l’image que j’en avais.

Ni une, ni deux, je me suis mis en tête de fumer la pipe. Ne souhaitant pas retenter l’expérience amsterdamer, je me suis mis en quête d’un tabac vanillé et j’ai ressorti mes deux petites pipes de mes cartons.

Nous en discutions récemment et il semble évident que nombre de fumeurs de pipe s’y sont essayés une première fois, parce que ça sent bon ! Et beaucoup ont abandonné, car l’expérience gustative n’était pas en adéquation avec l’expérience olfactive si agréable.
Les variétés de mélanges de tabacs aromatisés vendues à travers le monde constituent une manne inépuisable, mais attention : « qui s’y frotte, s’y pique ». J’y vais un peu fort, certes, mais j’ai tout de même l’impression que pour un débutant ce n’est pas chose facile, que celle d’apprivoiser certains de ces tabacs chimiquement saucés. Cela a été mon cas et ça l’est encore aujourd’hui. Notez bien le terme que j’utilise pour qualifier cette famille de tabacs, aromatisés et pas aromatiques ; car par définition, l’herbe à Nicot est naturellement aromatique. Je parle bien ici des tabacs ayant reçus un sauçage, un casing, un adjuvant qui a pour but de donner un goût, une odeur, qui ne se trouve pas naturellement dans les tabacs constituant le mélange. La liste est longue et l’imagination des blenders aussi, vanille, cerise, orange, miel, whisky, coco… !

Comme beaucoup de débutants, j’ai donc commencé par fumer des tabacs aromatisés et comme beaucoup de débutants, ma langue en a souffert ! Je pense que nous ne sommes pas tous égaux et certains ont la lip plus sensible que d’autres, je fais partie de ceux-là. Il y a d’autres facteurs liés au tongue bite du jeune fumeur de pipe, bien entendu, mais ce n’est pas le sujet dont je voulais vous parler ; Erwin en parle très justement dans sa dernière chronique « Ne donnez pas la langue au chat ! » ici : artlangueauchat.htm

Le but de cette petite chronique, c’est simplement un petit retour d’expérience personnelle et si cela pouvait servir à quelques aspirants fumeurs de pipe, j’en serai tout à fait satisfait. Mon premier tabac du retour à la bouffarde fut une pochette de Danske Club Vanilla, achetée en Allemagne. Et oui, j’ai la chance d’être frontalier et d’avoir, à quelques kilomètres de chez moi, un choix assez conséquent en matière de tabac à pipe. J’ai eu de la veine avec ce tabac, il n’est pas très agressif, il goûte la vanille et au rythme d’une à deux pipes quotidiennes, j’ai fumé la quasi totalité du paquet sans être trop agressé. Je me souviens aussi d’avoir fumé une pochette de WO Larsen Fine et Elegant, à la saveur citronnée et pas désagréable en bouche.

Je tente ici de ne citer que mes joyeuses trouvailles, car il y a eu de sévères déceptions, dont une en particulier et je ne citerai que celle là, un tabac avec des pétales de fleurs…et les dards des abeilles qui les ont butinées, aïe, aïe, aïe !!

Chemin faisant (Pan ! Pan !), j’ai mis Google à contribution et j’ai rapidement été aiguillé vers un site et un groupe de discussion que vous connaissez bien, Fumeurs De Pipe pour ne pas le nommer. Guillaume m’envoya dans les semaines qui suivirent un généreux échantillon de HH Syrian de Mac Baren, une autre révélation, le divin Latakia !

Une porte ouverte sur l’Orient et ses épices, le cuir, les sous-bois, des saveurs insoupçonnées et insoupçonnables pour un novice que j’étais. Les nombreux achats qui s’en suivirent, furent consacrés à la découverte des mélanges de type anglais.

Conseiller un blend à base de latakia à un débutant est peut-être une fausse bonne idée. Pourquoi ?

Encore une fois, je n’en ferai pas une généralité, mais il me semble que je n’aurai pas apprécié d’emblée les saveurs d’un latakié. Quoique, à 34 ans et en bon épicurien que je suis, mon palais aurait pu être séduit, mais à 20 ans il en aurait été tout autre.

Restant convaincu qu’au début de leur carrière de fumeurs de pipe, un certain nombre ou un nombre certain d’entre nous aura recherché des saveurs plus sucrées et plus fruitées ; et pour éviter certaines déconvenues piquantes et aiguisées, je m’attelle à la mission que je me suis donné en débutant cet article, ma liste personnelle d’aros fréquentables.

Vous en connaissez déjà deux, parmi les premiers testés et rapidement délaissés pour les anglais et les bruns…Je ne suis pas un fumeur d’aros, mais j’avoue que j’éprouverai une certaine frustration si je n’avais pas trouvé quelques aros pour mon palais.

Une année complète a dû s’écouler avant que je craque à nouveau pour une nouvelle sucrerie. Début décembre 2010, j’achète une boîte de 100 gr de Black Ambrosia Mac Baren. Bonne pioche ! Un mélange de Cavendish et de Virginie, doux, acidulé et fruité. Comme tous les aros qui me conviennent, il a la caractéristique de ne pas être collant et hyper saucé. Le parfum à l’ouverture de la boîte, je le qualifierai de sobre et délicat et surtout pas chimique.

Le Black Ambrosia a accompagné quelques mois mes envies ponctuelles de tabac aromatisé.

Ayant réussi ces heureuses rencontres, je me suis dit qu’il serait dommage d’en rester là et avant le départ en vacances au mois d’août dernier, je me suis laissé tenter par la description du mélange Peterson Deluxe Mixture, ventant des saveurs de miel, de noix de coco et de vanille. Toujours une base de Cavendish et de Virginie de différentes provenances. Bonne pioche pour mes muqueuses, mais un peu décevant car il ne restitue pas dans la fumée la gourmande odeur à l’ouverture de la boîte.

Les tabacs Peterson étant distribués en France, je décide donc de continuer dans cette marque.

Bonne idée, très bonne idée. Peterson Irish Whiskey. J’adore ce tabac. Tous mélanges confondus, anglais, bruns, Va, aros, celui-ci est dans mon top 5 (ma fille dit qu’il sent la vanille) !

Ce n’est pas vraiment un aro, ou alors très léger. Je ne détecte pas la saveur « whiskey » annoncée, mais les tabacs choisis en base Burley, Kentucky et Virginie sont de bonne qualité et en font un mélange très bien équilibré.

Le troisième et dernier Peterson à mon tableau de chasse est le Peterson Irish Oak.

Je ne sais pas si je me trompe, mais ce n’est pas un mélange pour débutant. Ce n’est pas un aro non plus ! Les Virginie, Périque, Cavendish et Burley qu’il contient sont « élevés » en foudre de chêne qui ont servi au vieillissement du Sherry irlandais. Aromatisation légère et naturelle, assez difficile à détecter, mais qui laisse la place de s’exprimer aux différentes variétés de tabac.

Peut-être un tabac pour sortir doucement de la gamme aros et se diriger vers les Va, Va/Pe, naturels. Un mélange qui peut se révéler agressif si vous ne le fumez pas posément.

Sur ma route, j’ai aussi croisé un hybride, le Samuel Gawith Chocolate’s Flake. Latakia et chocolat ! Pas vraiment un aro non plus. Toutefois, c’est à essayer au moins une fois, l’amertume du cacao se marie bien avec le latakia. C’est un peu comme si vous saupoudriez un expresso avec du cacao en poudre non sucré. Pour ma part, c’est un mélange que je ne rachèterai pas une fois la boîte terminée, car ce n’est pas ce que je recherche en priorité, mais si la curiosité vous y pousse, en voici un qui sort de l’ordinaire.

Et puis pour terminer le récit de ma petite aventure, il me faut vous citer le Stanwell Vanilla en boîte de 50 gr, qui existe aussi en pochette, mais parfois les deux conditionnements ne donnent pas le même résultat. Retour à mon souvenir initial, les volutes bleues à la vanille ! A l’ouverture de la boîte, j’ai eu un peu peur. Le parfum de vanille est fort et m’a fait fortement penser aux arômes utilisés en pâtisserie, pas de bonne augure en premier contact, limite le nez qui pique.

J’ai décidé de laisser une journée d’aération à ce tabac avant de m’en bourrer une petite.

Une bonne surprise, car le goût en bouche de vanille est assez fort, pas écoeurant et un peu sucré. L’entourage est enthousiaste et les remarques agréables sont encourageantes, contrairement au latakia !

La room-note attirante, c’est aussi une de mes raisons de fumer de temps en temps un aro. Plaire à son entourage et pourquoi pas attirer de nouveaux fumeurs de pipe, les aros ont l’avantage de délier les langues. Ca sent bon ! Tu fumes quoi ?

Pour conclure, sachez que tous les tabacs cités ici sont des tabacs que j’ai fumé plusieurs fois avant de me faire un avis, dans différentes pipes et que pour certains le premier essai n’était pas concluant. C’est le cas du Peterson Irish Whiskey qui m’avait absolument déplu au premier bol et qui maintenant est un tabac dont je ne souhaite me passer.

Je ne suis pas très généreux dans mes descriptions gustatives, je ne suis pas encore assez aguerri pour y parvenir convenablement, mais j’espère malgré tout avoir apporter un peu de tabac à votre tabatière et que mon expérience soit utile à d’autres.

Bonne pipe
Christophe.