Qui dit « Morta » pense Latakia. Telle est l’impression que j’avais en parcourant les différents papiers consacrés aux pipes taillées dans ce bois de chêne semi-fossilisé. Mais une impression ne fait pas loi. Il n’est donc pas interdit de faire des essais.
Dans ma brève carrière de fumeur de pipe j’avais un regret, celui de ne pas réussir à apprécier les Virginia. Toutes les tentatives avec des mélanges au Virginia s’étaient jusqu’à présent soldées par des échecs. La plupart du temps les sensations devenaient rapidement désagréables. Fumée piquante, langue irritée. J’avais beau ralentir le fumage, surveiller le bourrage. Rien n’y faisait. Au mieux, j’ai connu des fumages à peu près agréables durant les 5-10 premières minutes. Je m’étais donc résolu à laisser vieillir mes Virginia en attendant de devenir un fumeur sachant fumer !
Je vous ai entretenus d’une pipe de Davorin Denovic achetée il y a quelques mois de cela. Une solide croate en Morta. Amateur de Latakia, j’ai naturellement inauguré cette pipe avec des tabacs contenant cette herbe chérie. Les fumages étaient dans l’ensemble satisfaisants. Mais je m’attends à plus d’une pipe que juste un fumage satisfaisant. Pour tous les tabacs fumés dans cette Denovic j’ai été obligé de constater que les sensations n’étaient pas à la hauteur de celles procurées par d’autres pipes. Morta ou pas, mes Latakia préférés n’arrivaient pas à donner toute leur mesure.
Un samedi soir, en regardant mon petit coffre à merveilles où somnolent toute une série de boites de VA / VAPER, je me suis dit « et pourquoi pas en ouvrir une et faire une tentative dans la Denovic ».
Eh oui mes ami, j’me cause tout seul… dois-je m’en inquiéter ?
A peine la pensée formulée, voilà la mallette à tabacs ouverte… embarras du choix.
Cette boite de « Two Friends » m’intriguait depuis le jour où elle m’est parvenue des USA.
Redwood : Virgina et Perique, avec un zeste de Cavendish non aromatisé.
En avant pour le Redwood.
Ouverture de boite : puissance des arômes, je crains le pire. Je me demande si le tabac n’est pas saucé à mort. Quelques jours plus tard cela se présente un peu mieux, mais le nez reste d’une puissance redoutable, avec une dominante de chocolat noir et de cacao.
L’humidité du tabac est des plus raisonnables. Un séchage d’une petite demi-heure à l’air libre semble suffisant. Cela se confirmera lors des premiers essais.
J'attrape donc ma Denovic, fais une génuflexion pour demander pardon aux dieux du Morta et du Latakia… et j’en m’en vais bourrer la pipe avec ce Virgina – Perique fruit de la collaboration de Craig Tarler (Cornell & Diehl ) & Gregory Pease.
L’allumage n’est pas trop laborieux et dès les premières bouffées je suis agréablement surpris. Les minutes passent, la demi-heure, et toujours aucune sensation agressive. La combinaison Denovic – Redwood me permet de faire un premier et très agréable voyage dans le pays des fruits secs et du cacao. La pipe restitue pleinement les nuances et la richesse aromatique de ce tabac. Une belle douceur m’accompagne tout au long du fumage, sans toutefois être écœurante ou lassante.
Après cette tentative, la Denovic Morta devient ma première pipe consacrée… aux Virginia / Perique. Ravi de cette réconciliation, je vais pouvoir découvrir d’autres mélanges et vérifier si la même alchimie opère.
Nous avons été plusieurs à la remarquer sur le site de Pierre Morel, cette canadienne aux proportions généreuses. J’ai craqué ! Tant de belle bruyère et une belle signature. Les photos ne sont pas terribles… j’en demande pardon à Pierre. Mais la bougresse fume… nom d’une pipe !
Inaugurée avec du Margate, elle m’a procuré des sensations très intéressantes et très différentes de la Liverpool de David Enrique. Cette dernière avait révélé un Margate vivifiant et frais, avec une nette perception des orientaux. Avec la canadienne de Pierre Morel, le Margate a gardé toute sa douceur et rendu une image d’ensemble plus « anglaise » dans laquelle le Latakia était plus présent.
Cette belle jurassienne est un vrai plaisir à fumer, avec un bec en Cumberland très confortable et une pleine main de belle bruyère qui attire invariablement l’œil.
Vous pouvez l’apercevoir sur les photos de la canadienne, mais voici l’image en entier, extraite d’un album titré « Abécédaire du temps passé ».
L’édition originale de ce « livre pédagogique » (dixit la préface) a été publiée en Allemagne en 1849. Cet album imprimé en 1982 m’a été offert par ma douce moitié qui l’a déniché chez Emmaüs. Un livre qui de nos jours serait sans nul doute censuré de sa page dédiée à la Nicotine…
