Nos chères petites écumes

par Guillaume

01/12/08

Depuis l'arrivée des pipes du groupe réalisées par Fikri Baki, il est beaucoup question d'écume, sur notre forum ou dans d'autres. Et les mêmes questions reviennent : comment colorer son écume ? Il suffit qu'on ait vu quelques belles écumes anciennes, superbement patinées, pour que l'on se mette en tête d'obtenir les mêmes résultats.

Et cela devient la grande affaire. Cette pipe d'écume, ce n'est plus une pipe, ce n'est plus de l'écume, c'est une future œuvre d'art. Finalement, cette pipe, on ne va pas la fumer, on va la colorer. Ceux qui ont des chiens ou des enfants mettent la belle soigneusement à l'abri.

Il semble que l'on obtienne de meilleurs résultats avec les latakias ? Très bien, on va fumer du latakia. On ouvre une boite de latakia. Il ne faut pas les toucher avec les doigts ? Très bien, Chérie, passe-moi tes gants de cuisine en latex rose.

Il faut dire qu'à force, j'ai fini par me laisser impressionner. J'ai essayé, pendant un quart d'heure, de ne tenir ma pipe que par le tuyau. Le tuyau étant court, ça a été très vite contraignant. J'ai fini par la tenir par la tige, entre deux doigts. J'ai enfin pu profiter du fumage. Bien sur, j'ai vu au bout de quelques jours, une petite tache, une absence de coloration, sur la tige.

Mais voilà : maintenant je fume réellement mon écume. Avant, je ne la fumais pas. Je laissais du tabac y brûler. Pas la même chose.

Et cela me rappelle quelques souvenirs, à propos de pipes en bruyère. Sur une Negoita wallnut, et une Schwarz rustiquée, j'avais constaté que les parties de la bruyère les plus à l'extérieur étaient devenues beaucoup plus sombres, s'étaient nettement colorées, alors que les parties creusées, profondes, restaient claires.

Je m'en étais étonné. Erwin Van Hove m'avait répondu que c'était du au fait que les parties en contact avec la main se coloraient toujours plus que les autres. Je ne voyais pas cependant pourquoi certaines parties restaient aussi claires qu'au premier jour. J'aurais compris qu'elles brunissent un petit peu. Thierry Melan m'avaient dit que les parties claires étaient généralement celles qui étaient évidées, en appuyant plus ou moins fortement, et que le fait que le grain soit compressé à ces endroits expliquait qu'il reste vierge.

Quelques temps avant, j'avais noté cela avec des pipes simplement passées au shellac, ou de finition tan. Quand je me procurais une de ces pipes, estates, je savais en la recevant comment son premier propriétaire la tenait.

Et puis j'ai tenté une expérience - j'en avais parlé sur le groupe, mais je ne retrouve pas ce fil. Une belle Rad Davis m'est arrivée. Je n'ai pu malheureusement fournir avec cet article des photos avant/après, j'ai du la revendre (Coulez, Larmes, Approchez, Mouchoirs, Soufflez, Narines). Cette pipe, je l'ai fumée sans jamais toucher son fourneau. J'ai été très sérieux pour le coup, et ça n'était pas difficile, elle tenait très facilement en bouche. J'ai pu donc parfaitement en profiter, mais sans jamais, au grand jamais, toucher fourneau et tige.

Et bien cette pipe s'est colorée de façon tout à fait uniforme, en prenant une très jolie teinte miel. Pas de tâches plus ombrées. Un bonbon au miel.

J'avais donc fait part de ce résultat sur le groupe. On m'a félicité pour l'expérience (un peu de surmenage, se sont dit les membres, ne le brusquons pas).

Ce qui m'étonne aujourd'hui, c'est que jamais je n'ai entendu parler de telles précautions, quand il s'agit d'une pipe en bruyère. Jamais. Mais voilà que les écumes arrivent, et nous nous prenons tous à rêver de fumer en gants blancs, de fumages au latakia en rejetant la fumée sur la pipe, etc. ...

Par ailleurs, Erwin me faisait remarquer, sur une photo montrant Baki au travail, une écume si teintée qu'elle en est devenue rouge sombre. Je me permets de penser que quand Baki fume une écume en travaillant, il ne porte pas de gants, ne se tourne pas vers l'est, et ne doit pas prendre de précautions particulières..

Certains membres du groupe ont montré de tels exemples, or ces pipes n'étaient pas considérées comme intouchables, elles ont été, et sont encore fumées, voilà tout.

Alors voilà, pour finir, je crois que notre activité - et c'en est une ! - doit rester un plaisir, pas une source de préoccupations. Mes frères, mes sœurs, en ce troisième dimanche après la Pentecôte... qu'est-ce que je raconte, moi ? Bref, fumons, mais sans faire une fixette sur la teinte de nos chères pipes, ne nous mettons pas de bâtons dans les roues, profitons, Carpe Pipum !