Bouffardes bavardes n°10

par Charles & Simon

21/07/14

Escudo Navy De Luxe de A&C Petersen

escudo petersen

Composition : virginies (Caroline du Nord) et Perique

Après un encavement de 4 années, les classiques médaillons de l’Escudo sont sombres, noirs aux extrémités, plus clairs au centre, avec de rares pointes beiges. Ils sentent bon les raisins secs, les abricots secs, le velours de balsamique, avec un léger piquant, les dattes sèches.

En bouche, la fumée est douce, ronde, et suave ; les arômes tiennent promesse et délivrent leurs notes de fruits secs, là encore sur la datte, l’abricot et le raisin, accompagnés par un aigre-doux légèrement piquant qui ne manque pas de velouté et qui rappelle un bon vinaigre balsamique. Il est frappant de constater à quel point les arômes se dégageant de la boîte sont présents au fumage : tout y est. Et plus riches encore. Le tabac dégusté ayant été encavé quelques années, le rendu est très fondu et dénué d’agressivité.

Le mélange évolue et gagne en caractère : le piquant vient nous titiller les narines, les épices se révèlent (poivre blanc), accompagnés par un boisé chaud enrobant les arômes de fruits secs. Le tout est à la fois suave et épicé, complexe.

Seul le dernier tiers manque de persuasion et d’arguments pour me convaincre : une acidité grandissante prend le pas, adjointe d’une légère amertume, privant le mélange de son charme passé, qui reste toutefois agréablement piquant et épicé. Quelques refoulements aigres-doux et balsamiques ne peuvent dissiper un certain ennui après deux tiers véritablement bons. A noter que si l’ensemble gagne en corps au final, le tabac n’est pas roboratif.

Points forts : un classique agréable qui gagne à être encavé, équilibré et complexe sur les deux premiers tiers
Points faibles : un derniers tiers décevant

15/20

Ce grand classique sent bon le vin, les épices (poivre blanc), le miel, les fleurs, et les fruits secs.

On apprécie dès le départ la qualité des virginies, voluptueux, boisés, longs en bouche avec leurs notes de raisin et de pruneaux secs. Le poivre blanc du périque est doux, sobre, délicat. Il résulte de cette association un parfum de miel de fleurs complexe. Cette légèreté est sans vulgarité et ne pique que peu la langue.

L’onctuosité tend à disparaitre à mesure que la chaleur s’équilibre dans le foyer, annonçant une montée en puissance des épices et la libération des saveurs des virginies : des feuilles mortes, un vinaigre aussi doux que vieux.
Il y a comme une dualité entre la force du poivre et la douceur des fleurs et du boisé.

Le périque n’est pas d’une grande complexité, sa linéarité freine l’évolution du mélange, sans pour autant devenir agressif.
Le final est stagnant, mais sans grande déception : les saveurs perdurent et gardent leur profondeur.
C’est un mélange plutôt roboratif à fumer tout au long de l’année, en intérieur comme en extérieur.

12/20

Nous trouvons de grandes similitudes dans la description des saveurs avant et durant le fumage. Si l’évolution n’est pas frappante, nous pouvons dire que ce mélange est intéressant au moins durant les deux premiers tiers.

Opening Night de Cornell and Diehl

opening night

Composition : virginies rouges et blonds

A l’œil, les flakes épais aux couleurs bien équilibrées, du fauve clair au brun, sont aguicheurs. Le nez l’est aussi, très gourmand, sur les fruits secs (raisin, abricot), et les fruits exotiques (mangue, papaye).

Après plus de deux ans d’encavement, voilà un virginie très marqué par le bois, dès l’allumage. Des notes de fruits secs (pruneaux), s’enroulent autour de ce tronc boisé. Le mélange fait preuve d’une belle rondeur. En bouche, le sucre et l’acide se partagent avec équilibre et tempérance les sensations, là encore sur un boisé rond, doux et agréable.

Une note de miel enrichit le tout et fait basculer le mélange vers plus de suavité après quelques minutes de fumage. L’Opening Night campe ainsi sur ses arômes boisés, de fruits secs et de miel, avec parfois un surcroît de douceur, tantôt d’acidité, avec, toujours, cette colonne boisée qui domine les arômes. Avec ce peu de variations et d’évolutions, ce mélange simple mais néanmoins agréable se révèle linéaire.

Mes meilleures pipes à virginies renforcent la douceur et la sucrosité, mais l’ensemble n’est jamais complexe. Le boisé se fait toutefois plus sombre et un peu plus rond à partir de la seconde moitié de la pipe, les virginies un peu plus piquants.

Au final, de l’amertume et une petite note anisée complètent la structure initiale qui ne vacille pas. La toute fin est inintéressante, sur un boisé grillé, brûlé, où la puissance s’élève.

Un mélange simple, agréable et qui ne manque pas de rondeur, mais qui n’a rien d’exceptionnel et qui peut se révéler vite lassant.

Points forts : rondeur, combustion, accessible, tabac de tous les jours.
Points faibles : linéaire, manque de complexité, ne se distingue pas de la masse des virginies disponibles sur le marché

13/20

Des senteurs relativement classiques d’épices fins et légers, de caoutchouc, de sucre et de noisette. J’hésite à noter une odeur de pieds …

L’allumage révèle de but en blanc du piquant (malgré un encavement de plus de deux ans) et une forte note d’amande que le poivre noir domine largement, donnant à ce virginie un caractère inespéré. Une touche vanillée adoucit la puissance des feuilles, ajoutant à leur rondeur et à leur pouvoir roboratif.

Il me semble que le virginie est de qualité moyenne. Il est encore vert, compte tenu de ses notes vinaigrées et acidulées qui prennent le pas sur son boisé et son onctuosité que l’on devine plus qu’on ne le goûte.

La complexité est donc très relative, et l’évolution à peine notable même si l’ensemble n’est pas entièrement désagréable. L’Opening Night démarre sur des saveurs fortes, et aurait tendance à s’adoucir au cours du fumage, virant vers des saveurs plus onctueuses, miellées.

10/20

Si Charles appréciera davantage ce tabac, notant plus de complexité que Simon, nous nous accordons à dire qu’il manque de complexité et d’évolution. Les premières impressions divergent, mais la suite du fumage nous pousse à une même conclusion : ce virginie s’ adoucit, puis stagne.

Rich Dark Flake d’Esoterica

Composition : virginies, burley

[Tabac du mois – mai 2014]

Voilà un flake grand et mince, plutôt sombre, sur des bruns ponctués de rares pointes beiges. Le nez est pour le moins original pour un virginie-burley, sur l'écurie et la cerise.

Riche et sombre, ce Rich Dark Flake l'est assurément, et dès les premières bouffées. La fumée, ronde voir onctueuse, délivre une sombre note boisée (acajou), avec des marrons grillés, et une légère note de fruits secs (pruneaux). En bouche, l'amertume domine, agréable et douce, avec une pointe d'acidité et un peu de sucre.

Le burley domine clairement le mélange, les virginies jouant plus le rôle de condiment, apportant en cela un peu de fraîcheur à l'austérité solide et rassurante du burley, ainsi que de la rondeur. Pour autant, si effectivement le Rich Dark Flake développe de riches arômes, il pêche par un manque de complexité, bien que les arômes, simples et honnêtes, ne manquant pas de profondeur, soient tout à fait équilibrés.

L'ensemble est linéaire, avec de mineures évolutions qui ne changent pas la donne aromatique : au boisé sombre et aux marrons grillés s'ajoutent de la châtaigne grillée, avec une amertume qui monte légèrement, et de la terre humide. Les virginies continuent d'apporter une légère note de fruits secs, dont l'apport, déjà faible au départ, décroit quelque peu au profit d'un assombrissement général ; quoiqu'une note fruitée, sur l'orange amère, subsiste jusqu'au final.

L'évolution la plus effective concerne non pas les arômes mais la puissance, qui augmente de manière notable, vers un final roboratif. Concernant ce final, l'ensemble est très sombre, grillé (boisé, châtaigne) et légèrement épicé (poivre blanc), toute suavité ayant disparue. En bouche l'amertume, toujours, domine clairement, avec une légère pointe acide.

A la question de la comparaison avec le Stonehaven, il y a là, selon moi, un rapprochement à opérer, dans le sens où un burley similaire et de qualité domine les deux mélanges dans le même esprit, sauf que le Rich Dark Flake se révèle bien moins complexe, les virginies étant ici utilisés en moindre proportion, me semble-t-il. Ce cousin du Stonehaven est bien plus austère.

En conclusion, voilà un bon burley, de bonne facture, qui a le goût de burley voir un peu plus, avec beaucoup de rondeur, et qui ravira sans doute les amateurs du genre.

Points forts : burley de qualité, équilibre et rondeur, roboratif, profond et riche.
Points faibles : linéaire, manque de complexité, austérité pour ceux qui ne sont pas amateurs du genre.

15/20

Quelle complexité ! De la terre, des épices (dont poivre noir), du boisé, des fleurs, de la vanille, du caramel, du chocolat et de l’encens sont une mise en bouche appétissante.

Un démarrage long et en douceur amène, à mesure des bouffées, des notes plus puissantes, sur la terre et le poivre noir. La dimension robuste et l’humidité un poil excessive sont accompagnés d’un doux piquant sur la langue.
Comme pour le Stonehaven, le terreux l’emporte sur le boisé, mais ce dernier est présent et délicat.

On commence à sentir le potentiel roboratif dès que la chaleur est répartie dans le foyer. Dans ce second tiers, un fond caramélisé accompagné de chocolat noir donne de la couleur à la prédominance terreuse, et une légère note d’encens complète la palette aromatique. Les virginies sont très expressifs et ronds, de bonne qualité bien que verts. Ce sont eux qui portent le burley plus haut en complexité.

Je suis surpris par la douceur du piquant, alors que le mélange ne cesse de monter en puissance, lentement mais surement. Le caramel se change en vanille à la moitié du fumage. Avec le boisé, le chocolat, la terre, la nicotine et l’encens, cela forme un tout remarquablement complexe.

17/20

Voilà deux dégustations bien différentes. Si nous parlons tous deux de complexité, ça n’est pas au même niveau. Pour Charles, il y a prédominance du burley, alors que Simon sentira une pleine expression des virginies. La montée en force est indéniable, autant que la puissance roborative. La divergence d’opinions touche l’évolution. Ce mélange n’en est pas moins de bonne facture.

Elephant Dung de Synjeco

synjeco elephant dung

Composition : Virginies, latakia chypriote (50%)

[tabac du mois – juin 2014]

Un mélange visuellement très sombre, avec une nette dominance du latakia, noir, le reste étant partagé entre blonds et bruns. Au nez, là encore, le latakia domine clairement, sur un fumé de résineux lourd, avec une légère suavité.

Avec 50% de latakia chypriote entrant dans la composition de ce mélange, je ne suis absolument pas surpris de constater, dès l'allumage et pour le reste du fumage, la prépondérance évidente, écrasante, d'un fumé lourd, chaud, et, dirais-je, réconfortant. Cela sent l'âtre crépitant, bourré d'essences résineuses délivrant ce fumé légèrement suave et épicé (poivre blanc). Ici, les virginies ne sont là que pour mettre en valeur l'herbe chypriote et apporter un peu de rondeur, rien de plus.

La fumée est ronde, justement, mais sans plus, restant en cela aérienne ; nous ne sommes pas dans le domaine du latakia flake musclé et très rond en bouche. La puissance est faible à moyenne. Ainsi, le manque de complexité et la linéarité du mélange ne sont pas compensés par une franche opulence et richesse qui aurait sûrement su palier à ces défauts. En bouche, l'amertume, légère, est tempérée par un sucré lui aussi léger. Par suite, dès la seconde moitié de la pipe, une légère acidité complète les sensations.

J'aime le latakia, et la plupart de mes mélanges de prédilection contiennent de cette herbe, qu'elle soit chypriote ou syrienne. A l’évidence, pour apprécier cette bouse d'éléphant, vous devrez vous aussi aimer voir raffoler de ce fumé-épicé à l'état brut qui tapissera votre palais.

Le mélange évolue au derniers tiers, il serait injuste de clamer une totale linéarité : à la suavité font place des épices bien marqués (poivre noir), un assombrissement général du goût et des arômes, sur le cuir, le charbon de bois, de la tourbe, une pointe grillée. Malgré ce surcroît de richesse, l'ensemble manque encore de profondeur et si la puissance, qui n'augmente que peu, ne rend pas ce mélange en soi roboratif, les lourds assauts des arômes fumés, épicés et charbonneux auront raison de votre palais, rassasié pour un moment.

Points forts : agréable uniquement pour les amateurs de latakia chypriote à l'état brut, rassasiant, combustion
Points faibles : monolithique, linéaire, manque de profondeur et de richesse

13/20

Entrez votre tête dans le foyer d’une cheminée, ou ouvrez une boite d’Elephant Dung. Cela revient au même.

Si l’odeur de ce mélange est puissante en boite, elle s’atténue lorsqu’il part en fumée. Le latakia marque les premières bouffées. Son arome, bien que très complexe, est léger. On peut déjà affirmer que l’équilibre entre les deux variétés est aussi parfait que dans les proportions. C’est une surprise sachant que le chypriote est présent en grande quantité comparativement à la plupart des mélanges.

Equilibre est une pensée maîtresse lors de ma dégustation. Nous avons là un mélange à la fois fort, avec un fumé lourd de feu de bois d’une part, et un boisé accompagné de fruits secs et de noisette d’une grande subtilité d’autre part. C’est un mariage formidable de deux mondes que tout oppose.

Le virginie est rond, légèrement nicotiéné, de très bonne qualité. Il sent l’acajou et le hêtre.

Un seul point négatif : le manque total d’évolution.

Une main de fer dans un gant de velours

17/20

C’est une de ces rares oppositions tranchées dans l’appréciation d’un mélange. Il est question de la présence du virginie et de ses influences, que Simon trouvera balancés, et Charles insuffisantes. Nous trouvons tous deux que le latakia est léger et que l’ensemble est linéaire.

Sunset de HU-Tobacco

HU sunset

Composition : virginies (Inde et Philippines)

Un joli flake qui dégage des notes de fruits secs et d’agrumes, de pomme à la cannelle.

Des arômes naturels et gourmands s’échappent de la pipe, sur les fruits secs (raisin et abricot), un léger boisé, des pommes au four saupoudrées de cannelle, de la vanille. Le tout fait preuve d’une très belle rondeur en bouche.

Une légère acidité vient assez rapidement compléter le goût en bouche, sucré. Le tout est bien fait, de très bonne facture, les tabacs utilisés ici étant à l’évidence d’excellente qualité. Ce tabac est suave et savoureux.

Le Sunset n’évolue que peu, mis à part l’émergence d’un arôme de pain chaud sorti du four, légèrement grillé, au deuxième tiers. Jusqu’au final, le mélange n’est jamais piquant ni agressif, toujours rond en bouche. La puissance reste moyenne tout au long du fumage. Il faut attendre le dernier tiers pour que l’évolution arrive, avec une note épicée, sur le poivre blanc, et une note minérale, qui viennent toutes deux enrichir un final boisé et sombre.

Un tabac très agréable jusqu’aux derniers brins. Trop humide à l’ouverture de la boîte, il se révèle bien meilleur une fois séché convenablement. Un très bon virginie qui trouvera une bonne place dans ma cave et qui devrait bien vieillir. A mon goût, il convient parfaitement aux soirées estivales…

Points forts : excellente qualité et expression aromatique des tabacs, suave sur les deux premiers tiers, évolutif et épicé au dernier, rond, combustion bonne et lente
Points faibles : manque de complexité pour prétendre à une note plus élevée

15/20

Des virginies exotiques, des saveurs exotiques : cannelle, poivre, encens, vanille.

Fidèle à la réputation de la feuille, ces virginies sont très boisés et délicatement piquants. Les notes sont sucrées et gourmandes, à peu de choses semblables au nez.

La combustion est lente, alors que le taux d’humidité est parfait. Nous sommes en plein voyage, et la fumée prend son temps !
La libération progressive des arômes continue de surprendre le palet, laissant apparaitre une odeur de soupe de légumes chaude.

La qualité des feuilles est appréciable, il y a de la rondeur et une suavité qui s’en va décroissante à mesure que le deuxième tiers se consume. Des saveurs plus masculines font leur apparition : des épices, sur le poivre noir, de l’orge chaud et une touche de terre humide écrasent sans détruire les premiers parfums.

C’est une évolution mineure qui entrainera ce mélange original d’un univers sucré vers une dimension plus sombre, plus brute.

L’évolution manque, en dépit d’un départ prometteur.

12/20

Deux dégustations qui, à peu de choses près, traitent des mêmes remarques : ce mélange est de bonne qualité, ses saveurs sont originales et reste agréable jusqu’à la fin du fumage. Nos avis s’opposent sur un point : l’évolution lors du dernier tiers.