Apparier pipes et tabacs

par G.L. Pease, traduction de Monsieur X

20/09/10

Depuis déjà bien longtemps, je tente de découvrir quelque rime et raison à pourquoi certains tabacs semblent fonctionner mieux dans certaines pipes que dans d'autres. J'ai tout d'abord regardé du côté de la sagesse conventionnelle de mes confrères fumeurs pour trouver des réponses. "Les flakes sont meilleurs dans de petites pipes". "Il vaut mieux fumer les mélanges de Latakia dans de gros bols". Ce que j'ai trouvé là était une quantité d'avis divergents, à la fois dans le folklore que j'ai réuni et dans mes propres expériences. Il me fallait chercher plus loin pour trouver la clé de ce mystère-là. J'essayai d'oublier tout ce que je croyais savoir sur le sujet, et de repartir de zéro.

Je possède un ensemble de quatre GBD 9493, une pot à longue tige équipée d'un tuyau saddle, qui marchent merveilleusement avec les flakes. "Des flakes dans une POT ? Vous devez être fou!" pourraient dire mes compatriotes. Cependant, ces quatre pipes délivrent des fumées fantastiques avec n'importe quel flake avec lequel je choisi de les bourrer. Oui, bien sûr, ceci demande un peu de pratique, un peu de patience pour apprendre comment fumer ces grands fourneaux, mais cela en valait bien l'effort.

Expédiant au diable la théorie petit/flake et grand/Latakia, je me demandai, du moment que ces formes caverneuses semblaient si bien convenir aux flakes, si des pipes à petit fourneau pourraient produire d'aussi bonnes expériences de fumage avec des mélanges de Latakia. J'attrapai une paire de petites rhodésiennes droites et les fumai toutes deux avec divers mélanges de Latakia. Superbe! Avais-je trouvé un indice ?

J'ai acheté au Show de Richmond cette année une magnifique Bonfiglioli, de loin la pipe ayant la plus grande capacité que j'aie jamais possédée. Ne souhaitant pas avoir des hallucinations avec des Virginias, qui me tournent souvent la tête, tout particulièrement si j'ai l'estomac vide, je la remplis avec de l'Abingdon, le plus riche en Latakia de ma Classic Collection, et cependant très doux à fumer. Le goût en était extraordinaire, et chaque bol après celui-ci a encore été meilleur. Autant pour cette théorie.

Pas effrayé, je commençai à fumer toutes formes et tailles de pipes avec toutes les sortes de tabacs auxquels je pouvais penser. Ne trouvant toujours rien de concluant, il me fallait suivre d'autres pistes. La provenance de la pipe avait-elle une importance ? Les pipes anglaises allaient-elles mieux avec les Virginias, alors que les italiennes montraient une prédilection pour les Latakias ? C'est ce qui me sembla pendant un moment. Après tout, j'avais vraiment savouré des Latakias dans mes autres pipes italiennes. Ou bien ? Je me souvins d'une très belle Castello bulldog courbe qui aboyait et mordait férocement en présence de Latakia, mais qui devenait un gentil chienchien avec du Virginia/Périque. En outre, c'était un petit fourneau. Et, alors que certaines Dunhills semblent bien s'accorder avec des Virginias, la majorité de celles de ma collection étaient dédiées aux mélanges classiques de Latakia.

Pouvait-il s'agir du travail d'un fabricant particulier, le design interne de la pipe qui ferait la différence ? J'ai fumé les pipes de nombreux fabricants, et je n'ai pas pu constater qu'une marque soit prédisposée de façon constante à un type de tabac spécifique. Les pipes les plus constantes que je possède sont celles de Larry Roush. Chacune s'est avérée être une splendide fumeuse dès le début, avec une grande clarté dans le goût, qui détaille tout ce que le tabac peut offrir. Il ne faut pas longtemps, pourtant, pour que la pipe ait son mot à dire. Même parmi celles de Larry, je découvre que certaines ont une inclination pour un certain type de tabac, alors que d'autres semblent plus heureuses avec quelque-chose d'autre. Ma grande apple courbe de Larry (voir revue) a toujours été une fantastique pipe à Latakia, et pourtant, un jour, je l'ai bourrée de Virginia/Périque, et des choses se sont alors révélées d'une manière totalement inédite pour moi.

J'ai continué, essayant d'isoler les caractéristiques de bois de différentes sources. Les méthodes de traitement furent prises en compte. A ce jour, aucune constante n'a été repérée.

La taille, la forme, le bois, le fabricant – aucun de ces facteurs n'apporte de clé. Je crois que Larry l'a mieux exprimé alors que je parlais de ceci avec lui. "Chaque pipe a sa personnalité propre". C'est ainsi. Trouver le bon tabac pour chaque pipe est une aventure. Apprendre à connaître la personnalité de la pipe est une partie du processus de culottage.

Certaines pipes sont douces, d'autres sont terreuses. Certaines ont un goût lumineux, faisant parfois des incursions dans le domaine de l'âcreté, alors que d'autres sont sombres, parfois au point d'être insipides. D'aucunes ont tendance à ajouter un goût de noix à la fumée. Chaque pipe semble teinter le goût de la fumée d'une manière différente. Toute une myriade de facteurs du bois et de la géométrie convergent lorsque le feu et le tabac fusionnent pour produire une expérience unique.

Les plus grands bols tendent à procurer plus d'intensité de goût, le bois y jouant un moindre rôle dans la fumée. Ca tombe sous le sens, bien sûr. Il y a plus de tabac en combustion, et cette surface augmente en fonction du carré du rayon, alors que la quantité de bois en contact avec la braise n'augmente que linéairement. Les plus grands bols ont un effet sur l'effet "filtrant" du tabac, adoucissant le goût au début du fumage, et procurant graduellement une intensité en augmentation au fur et à mesure de la combustion du tabac. Les fourneaux coniques vont moins dans ce sens, bien qu'ils puissent devenir si humide au fond qu'il puisse s'avérer difficile de garder la pipe allumée. Les fourneaux peu profonds semblent conserver la pureté de goût du tabac plus longtemps, si ce n'est pas aussi intensément.

Cependant, il semble y avoir des limites. Un tabac riche en goût dans un très grand bol peut développer trop d'intensité vers la fin, et devenir fatigant, ou même âcre si tout n'est pas juste. Un trop grand bol peut transmettre trop de la nicotine d'un tabac, s'il y en beaucoup dès le début.

Pendant que je continue à collecter des données, ceci n'étant qu'une partie du plaisir que je retire de ce hobby, j'espère bien trouver une réponse, un jour. Quand cela se produira, j'écrirai la 2e partie de ce petit conte. Si d'autres sont intéressés à jouer le jeu, le plus sera le mieux. Conservez vos notes, cherchez des schémas. Mais, s'il vous plaît, ne m'en parlez pas. Je serai trop occupé à profiter de mes expériences pour me soucier de celles des autres.





Addendum: au cours des derniers jours, j'ai fumé des pipes qui n'étaient pas censées correspondre aux tabacs que j'y fumais. Utilisant le peu de compréhension glanée au hasard de mes méthodes de recherche, j'ai été capable de prédire avec quelque succès quels tabacs leur conviendraient. Je suis heureux de dire que quelques pipes ayant des qualités de fumages marginales sont devenues fantastiques avec les bons tabacs. Y aurait-il une méthode dans cette folie, après tout ?