Sachant que je partais en Oregon en juillet, je prépare mon voyage comme n'importe quel touriste. A la différence que je ne recherche pas les plus belles plages, cascades ou randonnées, mais les meilleures civettes où je vais pouvoir m'approvisionner en marchandise locale, mais également les pipiers d'Oregon. N'ayant pas une culture pipière suffisamment développée, je recherche sur notre site pour rassembler ces informations. Pour les civettes, rien de plus facile, il n'y en a pas de référencée, aussi après une rapide recherche sur internet, je trouve à Portland, première étape de notre séjour, un magasin comme nous aimerions tous en avoir en France, le Rich's dont voici le lien :
Première chose à savoir en Oregon, il est interdit de fumer à moins de 10 pas d'un bâtiment. Alors que l'Etat a légalisé la vente de cannabis, une telle restriction peut sembler étrange, mais les États-Unis ne sont pas à une contradiction près !
Alors que je pénètre dans le magasin avec mon fils, on m'explique gentiment que les mineurs sont interdits ici. Au début, je ne comprends pas trop pourquoi et après l'avoir confié à ma femme qui préférait rentrer à l'hôtel, j'y rentre enfin. Une odeur de tabac fumé m'accueille immédiatement. En effet, ici, il est possible de fumer à l'intérieur !!! Je comprends mieux le refus d'y faire entrer mon fils de 6 ans. Remis de ma surprise, je commence à jeter un coup d'œil sur les étalages. Ici, il n'est question que de tabac et rien que de tabac. Cigares, cigarettes et pipes y trouvent leur rayon spécialisé. Je me dirige naturellement vers ce dernier rayon où je trouve un vendeur, pipe au bec, discutant avec un client, pipe au bec également. Avec une certaine gourmandise, je commence à détailler le contenu des étalages et très vite mon œil est attiré par des bocaux remplis de tabac. J'engage la conversation avec le sympathique vendeur, mon accent français prononcé lui indique immédiatement qu'il a à faire à un étranger. Il s'avère que le propriétaire fabrique se propres blends qu'il propose en plus de la plupart des tabacs classiques, évidemment très bien représentés également. Il m'indique également qu'avec ma pipe, il est possible pour une somme modique, d'essayer les tabacs. Pratique pouvant s'avérer dangereuse pour sa pipe ! De toute façon, n'étant parti que pour la matinée de l'hôtel et ne fumant jamais avant mon repas de midi, je ne les avais pas prises. Pourtant, comme dans les magasins de thé, nous discutons de mes goûts tabagiques et il me propose de humer les blends maison. Après une dizaine d'essais, je porte mon dévolu sur 3 tabacs différents que je détaillerai une autre fois. Puis la conversation s'engage entre l'autre client, le vendeur et moi sur le monde de la pipe aux US et en France. Nous parlons également pipiers. Etonnamment, alors que le magasin en propose de nombreuses, peu de pipes de grande marque, beaucoup de communes. Je quitte finalement le magasin après avoir demandé l'autorisation de prendre plusieurs photos pour notre site. Voilà qui termine la section civette de mon voyage. Abordons maintenant la section Pipiers.
Après un rapide coup d'œil à la section pipiers américains, leur nombre ne m'incite pas à fouiller plus que ça. Aussi je recherche sur la toile, mais là, à part des articles pour fumer de l'herbe récréative, pas de résultat non plus. Je repars donc du côté de notre listing et décide d'ouvrir chaque article. Note pour plus tard, il faudrait peut-être les classer par État si c'est possible, cela facilitera les recherches futures ! Je trouve finalement deux noms : Silver Gray et Orton. Si les pipes de la première sont vraiment magnifiques, je ne m'attarderai pas sur Orton qui au demeurant ne m'a jamais répondu. Je vais donc vous raconter ici ma rencontre avec Silver Gray.
Après avoir trouvé son site depuis le nôtre, je lui envoie donc un message environ un mois avant mon départ. Je n'ai pas reçu de réponse immédiatement, mais elle me répond finalement qu'elle serait très heureuse de m'accueillir chez elle. Après plusieurs échanges, nous convenons d'une date qui correspond à mes étapes de voyage. Passant deux nuits du côté de Grants Pass, je me retrouve à seulement 30 minutes en voiture de chez elle. Je laisse donc femme et enfant, beaucoup moins excités par cette visite que moi et préférant passer du temps à la piscine de l'hôtel en m'attendant. Je pars donc le matin, en oubliant, une fois n'est pas coutume, mes pipes. La région où elle se trouve est magnifique. Depuis Grants Pass, direction le sud, au travers des grandes forêts de L'Oregon. La semaine précédente, son chien a même mis en fuite un ours qui se baladait près de la maison.
J'arrive donc chez elle, me gare et sort avec un peu d'appréhension, les américains peuvent avoir un sentiment de la propriété privée assez développée et l'omniprésence des armes peut rendre ce sentiment dangereux si je me suis trompé d'endroit ! Finalement, un monsieur sort pour m'accueillir et - ah oui, j'oubliais de préciser pour ceux qui ne la connaissent pas, Silver Gray est une femme - appelle sa femme. Nous rentrons tous dans la maison où je rencontre également le chien qui a mis en fuite l'ours et qui ne doit mesurer au garrot que 30 cm ! Silver Gray me présente son mari, également pipier, mais ce n'est que plus tard que j'ai compris véritablement son identité. Je vous laisse mariner un peu et continue mon récit.
Elle possède une maison près de Applegate OR, où elle a emménagé il y a peu après le départ de sa fille pour l'université. Elle aurait pu aller n'importe où mais elle et son mari qui vient lui de Los Angeles tenaient à rester dans la région. Aussi, après un an de recherche, ils ont réussi à trouver celle qui correspondait à leurs attentes, c'est à dire pas trop grande ni trop petite avec de la place pour travailler ensemble. Un étage est donc réservé à l'habitation et le sous-sol a été aménagé avec une salle comprenant la machine à sabler et le collecteur de poussière, une autre salle avec leurs deux ateliers et enfin une salle de repos comprenant leur impressionnante collection de pipes et de nombreux ouvrages consacrés à leur passion. Bon, je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps. Son compagnon de route n'est autre que Brad Pohlmann, qu'elle désigne elle-même comme son mentor. Oui oui, vous avez bien lu, le Brad Pohlmann. Petit rappel pour ceux qui ne le connaissent pas, il s’agit peut être d’un des meilleurs pipiers américains. Il a commencé sa carrière il y a près de 40 ans et son travail est aujourd’hui reconnu internationalement. Je dois l’admettre, je n’ai su devant qui je me trouvais qu’en faisant des recherches à posteriori, n’étant pas un grand connaisseur des pipiers américains.
Après la visite de son atelier, elle m'explique le travail sur lequel elle est en ce moment. Peterson lui a confié la tâche de travailler sur des tuyaux pour une réédition d'une pipe de 1930 il me semble. Elle en a une quinzaine à faire :
Nous avons également parlé de sa fierté d'avoir été la première pipière à avoir été primée au Chicago Pipe Show de cette année, alors que Brad l'a été quelques années auparavant. Elle ne travaille quasiment que sur commande et elle en a un certain nombre en attente. Elle a un classeur dans lequel elle a tous ses patrons qui sont sur plastique transparent rigide, ce qui lui permet de transposer directement la forme sur ses morceaux de bruyère. En parlant de bruyère justement, elle m'a montré ses stocks parfaitement classés par provenance et par année pour un séchage optimum. La majeure partie provient de Grèce et d'Italie, mais une partie également d'Algérie (moins utilisée). Elle utilise très peu de morta ou d'autres bois exotiques. Elle et Brad ont confectionné une grande partie des outils qu'ils utilisent. Il est d'ailleurs à l'origine d'un astucieux système d'aspiration des poussières dans leur atelier. Sur un tableau accroché au mur sont indiquées les commandes pour les deux pipiers. Sachez le, si c’est le cas, il faudra être patient !
En rentrant dans leur pièce destinée au repos ou se trouve leur collection de pipes, elle me montre les siennes, souvent très fines et je ne peux m'empêcher de penses aux pipes de notre pipier Bruno Nuttens dont je lui parle. Elle connaît évidemment son travail et l'apprécie même beaucoup. Bruno, attend toi peut être à une commande de sa part ... Elle fait elle-même ses mélanges de tabac qui semble assez doux.
N'ayant pas de pipe en cours d'exécution étant donné qu'elle travaille sur les tuyaux de Peterson, c'est Brad qui me montre une de ses pipes qu'il vient de terminer. Elle est rustiquée magnifiquement. Les couleurs ressortent parfaitement. J'aurai aimé repartir avec ! J'ai bien fait de me renseigner sur les prix avant ...
Brad est également musicien et il souhaite aménager un studio dans une de leur dépendance. En ressortant, Silver me montre sa seconde passion, son jardin. On y trouve toutes sortes de légumes mais également du tabac ! Plusieurs plants de Virginia et Burley y sont présents. Ce n'est pas encore pour sa consommation étant donné le séchage nécessaire, mais cela pourra servir plus tard. La visite se termine par un cadeau qu'elle me fait. Avec chaque pipe, elle envoie un tasse-braise. Elle m'en offre un qu'elle me fait choisir. Je repars également avec plusieurs brins de lavande qu'elle a liés avec des rubans.
Après un au revoir qui je l'espère n'est pas un adieu, je reprends ma voiture retour à mon hébergement, la tête pleine de notre entretien, de la chance d'avoir pu rencontrer ces deux personnages dans leur élément. Il ne me reste plus qu'à économiser quelques années pour pouvoir peut être un jour leur faire ma propre commande. A mon retour à l’hôtel et quelques recherches sur internet, je mesure seulement la chance qu’il m’a été donnée de rencontrer Brad Pohlmann et Silver Gray. En dehors de leur véritable talent, je les remercie tous les deux du temps qu’ils m’ont accordé et de leur gentillesse. Je me rappellerai longtemps de ce moment.
Pour prolonger cette rencontre virtuelle que vous avez vécue à travers ce texte, n’hésitez pas à faire un tour sur leurs sites, et même si aucune pipe n’est disponible à la vente, vous pourrez néanmoins voir leurs réalisations, cela vaut le détour !
