Les dix commandements de l'aspirant pipier

par Erwin Van Hove

26/02/07

Malgré le fait que la guerre sainte contre la consommation de l’herbe à Nicot bat son plein et en dépit de la baisse du nombre de fumeurs, le paysage pipier n’a jamais été aussi dynamique et diversifié qu’aujourd’hui. N’ayons pas peur des grands mots : nous vivons à l’ère d’or de la pipe. Jour après jour et 24 heures sur 24, nous pouvons faire du lèche-vitrine, admirer littéralement des milliers de pipes neuves et estate et nous approvisionner en tabacs et en pipes aux quatre coins du monde. Il n’y a pas de mois qui passe sans que nous ne découvrions quelques nouveaux artisans pipiers. On a l’impression que cet alevinier où éclosent ces jeunes talents, est inépuisable. Cependant, cette bouillonnante faune n’échappe pas aux dures lois de la sélection naturelle : beaucoup se sentent appelés, peu réussissent vraiment, pas mal abandonnent.

Que tant de passions et d’ambitions se soldent par un cuisant échec, ne doit pas étonner. La bonne volonté et même le talent ne suffisent pas pour survivre dans ce microcosme compétitif où les concurrents n’ont pas droit à l’erreur. Alors voici un petit vade-mecum sous forme de dix commandements à l’intention de tous ceux qui rêvent de devenir le nouveau Bo Nordh. A l’inverse des Tables de Moïse, mes do’s and don’t’s ne sont pas immuables et définitifs dans la mesure où je ne fais qu’exprimer un avis personnel. Ni plus ni moins.

I. Si tu cherches un à-côté lucratif, cherche ailleurs. Fais des pipes par amour du métier et de l’objet.

De Sixten à Rolando, de Barbi à Eltang, les grands pipiers ont ressenti un jour le besoin de créer des outils de fumage, de la même façon qu’un écrivain ressent l’urgence d’écrire. Etre pipier était pour eux une vocation et non pas un moyen facile de gagner leur vie ou d’arrondir leurs fins de mois. Je sais, ça sent le cliché et ça sonne par trop romantique. Or, vois-tu une autre explication du fait que des architectes abandonnent leur métier pour devenir travailleurs manuels, que des musiciens professionnels habitués aux applaudissements se retirent dans la solitude d’un atelier, que soudain des étudiants doués arrêtent leurs études de médecine ou de droit et se mettent à tailler des blocs de bruyère ? Bref, si le feu de la passion ne brûle pas en toi, inutile d’envisager de te vouer au travail de la bruyère, même si les prix auxquels les pipes d’artisan se vendent, exercent sur toi une irrésistible attraction. Vends des assurances, ne deviens pas pipier.

II. N’abandonne pas ton métier à la légère.

Si passion il faut, de grâce qu’elle ne t’aveugle pas ! Il y a un monde de différence entre la vie d’un pipier amateur et celle d’un professionnel. Vendre une pipe en tant qu’amateur, c’est un plaisir : ça flatte l’ego et ça te rapporte un petit pécule qui te permettra de séjourner dans un meilleur hôtel pendant tes vacances de ski. Accumuler les pièces invendues n’est pas un drame. D’accord, c’est peut-être frustrant, mais rien ne presse. Le pro, lui, n’a pas ce luxe : il doit vendre, sinon il n’a pas de revenus. Une situation autrement plus stressante. Ce n’est pas tout. Comme salarié tu prépares gentiment ta retraite, tu bénéficies de la sécurité sociale. Veux-tu vraiment abandonner ce statut confortable pour devenir indépendant ? Et as-tu vraiment envie de t’occuper d’une comptabilité et de toutes sortes de formalités administratives ? Bref, avant de décider de devenir pipier à plein-temps, réfléchis bien et dis-toi que seuls les trapézistes qui travaillent avec un filet de sécurité, ont droit à l’erreur.

III. Cherche le créneau du marché qui te convient. Découvre ta force personnelle et exploite-la.

Un pipier est un artisan, certes, mais aussi un commerçant. Ne l’oublie surtout pas. Il faut vendre un produit et donc s’approprier une part du marché. Par conséquent, il te faut savoir exactement quelle sorte de produit tu veux proposer à quelle sorte de clientèle. Une étude du marché s’impose donc. Fais-la sans préjugés, en circonscrivant avec précision tes objectifs et en faisant un examen de conscience sincère pour déterminer sans la moindre trace de suffisance tes capacités techniques et ton sens esthétique. Surtout ne vise pas trop haut. D’ailleurs il y a autant de mérite à être un artisan respecté comme Marco Biagini qu’à être un artiste comme Kent Rasmussen. Et puis, demande-toi qui, tous comptes faits, arrive à vivre le mieux de son art : la star haut de gamme qui produit annuellement 60 pièces qui se vendent en moyenne pour 1000 euros ou l’artisan moins prestigieux mais plus populaire qui taille chaque année 600 pièces au prix moyen de 200 euros. Parallèlement pose-toi la question quel genre de pipier tu veux/peux être : un généraliste ou un spécialiste. Veux-tu satisfaire une clientèle aussi large que possible ou veux-tu te démarquer par un aspect personnel et typique de ton œuvre qui limitera à coup sûr l’étendue de ton public, mais qui peut te rendre incontournable dans un créneau spécifique du marché ? Bref, veux-tu être un pipier à l’instar de Mark Tinsky ou de Peter Klein qui proposent une gamme très large de styles et de modèles et qui par ailleurs acceptent toutes sortes de commissions diverses ou veux-tu séduire une clientèle plus ciblée par ton esthétique résolument personnelle, par ton sablage impressionnant, par ta teinture inimitable, par le confort inégalé de tes tuyaux ? Cherche donc tes points forts, développe-les, exploite-les.

IV. Réfléchis bien au business model qui te convient.

Si tu veux vivre de tes pipes, il te faut prendre des décisions d’ordre commercial. Si tu as ce qu’il faut pour réussir, tôt ou tard tu seras confronté à un dilemme : accepter les offres que te feront des détaillants ou des distributeurs, ou vendre en direct. Ne te fais pas d’illusions : personne ne peut trancher cette question à ta place. Il n’y a que toi qui peux prendre la bonne décision. A condition de bien peser le pour et le contre et d’avoir une bonne connaissance de soi. As-tu les connaissances techniques nécessaires pour développer et entretenir un site web attirant et bien construit ? Disposes-tu de connaissances linguistiques suffisantes pour pouvoir communiquer avec une clientèle internationale ? As-tu envie de te retrouver devant ton écran des heures durant pour mettre à jour ton site, pour répondre aux nombreux courriels dont une bonne partie ne mènera jamais à une vente, pour signaler tes nouveaux produits ? Acceptes-tu la corvée de faire jour après jour des photos de qualité de chacune de tes pipes, de les mettre en ligne, de les envoyer à des clients privilégiés ? Es-tu prêt à assister aux pipe shows les plus importants, à assumer les frais de voyage et de séjour, quitte à revenir bredouille ? Es-tu sûr que tu ne perdras pas patience avec les emmerdeurs qui te contacteront pour un oui pour un non, qui se plaindront, par manque d’expérience, de défauts imaginaires ? Te vois-tu participer à des forums qui te laissent de marbre mais qui sont fréquentés par ta clientèle potentielle ? As-tu déjà calculé combien de pipes en moins tu tailleras en t’occupant de la vente en direct ? Bref, commercialiser toi-même tes pipes n’est peut-être pas aussi intéressant que tu ne pensais au prime abord. D’un autre côté, si tu veux faire appel aux services de commerçants, es-tu prêt à leur faire systématiquement une remise de 50% ? C’est en tout cas, le tarif en vigueur sur le marché américain. Et que faire si le distributeur insiste sur l’exclusivité des ventes ? Et quelle décision prendre si ce ne sont pas les Smokingpipes ou les Bisgaard de ce monde qui te font des propositions, mais des commerces établis en Russie ou en Thaïlande dont tu ignores tout ? Bref, il y a de quoi se gratter la tête.

V. Réfléchis longuement à ta politique des prix.

A coup sûr le point le plus sensible pour tout jeune pipier. Et le plus dangereux. Un champ de mines, d’autant plus qu’il semblerait que des deux côtés de l’Atlantique, on ait des vues diamétralement opposées sur cette question. Dans le paysage pipier européen avec sa longue tradition de corps de métier hiérarchisés, tu es perçu comme un apprenti qui doit d’abord avoir gagné ses galons avant de pouvoir demander le prix fort. Dans le berceau du capitalisme par contre, tout artisan, même un nouveau, qui propose ses pipes à des prix modestes, avoue par là que ses produits ne valent pas plus ! Ses pipes seront donc automatiquement perçues comme médiocres. Cependant, il est, me semble-t-il, quand même possible de te donner quelques conseils. En règle générale, au début de ta carrière mieux vaut demander trop peu que trop. Il faut à tout prix éviter que la clientèle potentielle se dise : " Pour qui se prend-il ? " Et puis, rien n’est plus gênant pour un pipier que de devoir baisser les prix de toute une série de pipes invendues et rien n’offusque le client davantage que de devoir constater que la pipe qu’il t’a achetée il y a un mois, tu la proposes désormais avec une remise de 40%. Autre règle à observer : tu pourras augmenter tes prix au fur et à mesure que tu t’améliores au niveau technique, que tu développes ton propre style, que tu commences à te constituer une clientèle loyale et à jouir d’une certaine réputation. Mais attention : cette augmentation sera graduelle ! Bien sûr, il y a des pipiers qui ont pu tripler leurs prix endéans l’année, mais il s’agit là de quelques surdoués, exceptions qui confirment la règle.

Voici les trois pièges les plus classiques à éviter.

Ne commercialise jamais tes pipes trop tôt. Ce n’est pas parce que deux copains et ton beau-frère t’assurent que tu tailles des merveilles, que tu es prêt à te jeter à l’eau. Et ce n’est pas parce qu’on t’applaudit dans quelque forum où tu montres tes premières pipes, qu’il faut en conclure qu’une clientèle t’attend ! Cherche d’abord des avis plus objectifs et mieux fondés. Accepte les critiques et tiens-en compte. Sache que si ton objectif ultime, c’est de faire du véritable haut de gamme, il est suicidaire de se lancer trop tôt sur le marché avec des pipes, proposées à quelques dizaines d’euros, qui manifestement sont loin d’atteindre le standard que tu vises. Tu seras classé et tu apprendras à tes dépens que celui qui vend ses vingt premières pipes sur Ebay pour une bouchée de pain, ne pourra plus jamais demander plusieurs centaines d’euros, même s’il s’améliore sensiblement. Prends au contraire exemple sur Will Purdy qui pendant des années s’est exercé en toute discrétion, aidé par les conseils et les critiques d’une grosse pointure comme Greg Pease, avant de franchir le pas. Quand enfin il a fait son entrée sur scène, il était d’emblée un pipier accompli, attendu par les connaisseurs prêts à débourser $300 pour une pipe.

Si tu es convaincu que tes heures de travail constituent un critère objectif et bien fondé pour déterminer le prix de tes pipes, tu te trompes. Tu es débutant, tu n’es pas encore organisé comme il faut, tu n’as pas de routine, tu ne maîtrises pas toutes les techniques, tu ne connais pas tous les trucs et astuces, tu es hésitant, tu gaffes, tu dois recommencer. Bref, tu es lent. Est-ce au client de rémunérer ton manque d’expérience et ta maladresse ? Non, tes frais de scolarité, c’est toi qui les assumes. D’ailleurs n’essaie jamais d’impressionner le client potentiel en te vantant du nombre d’heures que tu as consacrées à une pipe. Ca risque de faire sourire.

Pour déterminer tes prix, ne te compare pas aux artisans accomplis. Ne dis jamais, mais alors jamais à un client que ta pipe ressemble beaucoup à une Eltang ou une Barbi de 1000 euros et que dès lors tu te montres vraiment bon enfant en ne demandant que la moitié de ce prix. Je te garantis que là à coup sûr tu irriteras ton client potentiel et qu’à ses yeux tu te couvriras de ridicule. Ouvre grand les oreilles : tu n’es pas Tom, tu n’es pas Rainer. Bref, pour fixer tes prix, ne te compare surtout pas aux pipiers qui ont pignon sur rue.

Ce qu’il te faut, c’est une bonne dose de bon sens et de modestie. Ose te demander pourquoi un client t’achèterait une pipe. N’oublie jamais que si tôt dans ta carrière, tu ne disposes vraisemblablement ni du sens esthétique ni de l’habileté technique des concurrents chevronnés. Et ça se voit. D’ailleurs tes clients potentiels le verront probablement mieux que toi. La concurrence a donc une longueur d’avance sur toi. Ce n’est pas tout. Ils ont une réputation, eux. Toi par contre… Et détrompe-toi : se fier à la réputation d’un pipier ne relève absolument pas du snobisme, mais du bon sens. Démonstration. Tu viens de terminer une pipe dont tu es fier. A tes yeux une incontestable réussite. Tu la proposes à 300 euros, à ton avis une aubaine au vu des prix pratiqués par d’autres pour ce genre de pipe. Fais un effort d’imagination, entre un instant dans la tête du client et suis les méandres de sa pensée. Que se dit-il ? " A ce prix-là je peux m’offrir une Eltang rustiquée, une belle Rad Davis, une pipe d’un des jeunes loups allemands, ou une estate Bang ou Ilsted. Là je suis à peu près sûr d’avoir un objet techniquement bien exécuté. Pourquoi donc courir un risque ? En plus est-ce que le nouveau venu offre une garantie ? Si dans un an j’ai un pépin avec sa pipe, pourrai-je toujours m’adresser à lui ? N’aura-t-il pas fermé boutique ? " Tu l’auras compris : la réputation, c’est donc objectivement important. D’autant plus que tes clients potentiels, ce ne sont pas des fumeurs moyens, mais des passionnés qui achètent continuellement, mais qui revendent aussi. Or, tu comprendras que si le client veut revendre ta pipe dans un mois, ce sera la saignée puisque tu es un illustre inconnu. Si par contre il revend sa Bang ou son Eltang, il récupérera en grande partie son investissement. Je te le demande donc encore une fois : pourquoi le client t’achèterait-il une pipe ? Il n’y a qu’une seule réponse valable : parce que le rapport qualité/prix que tu proposes lui semble intéressant. Parce que à ce prix-là il est prêt à accepter le risque. C’est aussi simple que ça. Ne l’oublie jamais.

VI. Etudie les produits des pipiers établis. Apprends à maîtriser les classiques.

Tout le monde peut tailler des freehands aux formes "organiques" : tout est permis, l’erreur n’existe pas. Les soi-disant originalité et créativité peuvent cacher un manifeste manque de savoir-faire. Ne tombe pas dans le piège de la facilité. Ne confonds pas le n’importe quoi avec la liberté d’expression. Etudie les formes classiques, leurs proportions, la fluidité de leurs lignes. Fais toi-même des billiards, des dublins, des apples et des bulldogs, même si ton objectif ultime n’est pas de faire des pipes classiques. Ton sens de la symétrie, des proportions, de l’harmonie s’en verra sensiblement amélioré. Etudie également l’exécution technique, les finitions, les tuyaux des pipiers phares dans le créneau que tu veux exploiter. Achète pour cela les pipes des artisans réputés. Bref, observe et étudie la concurrence.

VII. Investis dans le meilleur outillage que tu peux te permettre et ne lésine pas sur la qualité des matériaux que tu emploies.

Si tu as la ferme intention d’être plus qu’un simple amateur, n’hésite pas à investir. Un outillage solide et approprié te rendra la vie plus facile et te fera gagner du temps. Promis juré. N’aie pas peur de payer un peu plus chez un mécanicien comme Ken Lamb qui fabrique des outils spécialement conçus pour pipiers. Informe-toi, compare, visite les ateliers de pipiers établis. Et puis, n’oublie jamais que pour faire une belle pipe, il te faudra un bel ébauchon. Ca a un prix. Paie-le. Tu ne le regretteras pas. N’oublie jamais que pour obtenir une bonne fumeuse, il te faut du bois soigneusement nettoyé et suffisamment sec. Ca a un prix. Paie-le. Tu ne le regretteras pas. Essaie de t’assurer au plus tôt une source de bon bois qui n’a plus besoin de sécher longtemps. Rappelle-toi toujours : chaque pipe mal exécutée ou au mauvais goût t’aura coûté un client. Et une douzaine de clients potentiels avertis par le client déçu.

VIII. Fume tes propres pipes. Ne laisse rien sortir de ton atelier sans contrôle de qualité.

Récemment il m’est arrivé de demander à un jeune pipier qui travaille avec des bois spéciaux, quelle saveur produit tel ou tel bois. Sa réponse m’a laissé perplexe : il n’en savait rien parce qu’il n’avait jamais essayé ! Il est exclu que je lui achète la moindre pipe. Je ne suis pas un cobaye. Teste donc tes propres pipes et expérimente avec différentes sources de bruyère, divers diamètres de perçage, plusieurs façons de forer le passage d’air dans le tuyau, une variété de formes de lentilles et d’épaisseurs de bec etc. Observe comment tes finitions se comportent au fumage, contrôle si tu as des problèmes de condensation excessive et comment tu peux y remédier, juge du confort de tes tuyaux. Bref, teste et approuve tes produits avant de les commercialiser.

"Je me rappelle que le jour où j’ai fait cette pipe, je n’étais pas concentré", "Vraiment, mon préculottage a bouché le passage d’air ?", "J’ai dû être interrompu pendant le cirage". Voilà le genre de réponse auquel j’ai déjà eu droit. Fais-moi confiance : aucun, mais alors aucun client n’apprécie des propos pareils. Il est prêt à débourser davantage d’argent pour une pipe d’artisan que pour une industrielle, parce qu’il s’attend à un produit fabriqué et fini dans un esprit perfectionniste. La nonchalance, le manque de motivation, la distraction, il ne les accepte pas. A juste titre. Alors avant d’expédier une pipe, fais un dernier contrôle. Prends exemple sur Larry Roush qui livre avec chacune de ses pipes une check-list dûment cochée.

IX. Demande conseil à des collègues chevronnés et à des connaisseurs.

A peu près tous les grands noms scandinaves, italiens et anglais ont appris leur métier au contact d’aînés expérimentés. Ca les a évidemment aidés à éviter de faire des bêtises et à progresser rapidement, tant au niveau technique qu’esthétique. Toi, tu es autodidacte. Toi, tu ne disposes pas de ce genre d’assistance. Crois-moi, tu as besoin d’aide. Participe aux forums où pipiers établis et nouveaux venus se côtoient. N’aie pas peur de prendre contact avec des artisans ayant pignon sur rue. Assiste aux grands événements pipiers. Rends visite aux artisans qui t’invitent. Essaie de faire des stages dans l’atelier de pipiers plus accomplis que toi. Prends contact avec des connaisseurs et des collectionneurs influents, demande-leur d’examiner tes pipes et de te donner du feedback sans indulgence. Ecoute-les : il est probable qu’ils ont déjà vu et fumé davantage de belles et bonnes pipes que toi, qu’ils connaissent le marché mieux que toi et qu’ils regardent tes pipes d’un œil plus objectif que toi. Et puis, le soutien public de ce genre de connaisseur peut vraiment aider à lancer ta carrière. Rappelle-toi également que tu n’as pas encore gagné tes galons et qu’il est mal vu que tu te permettes de critiquer des collègues établis. Tu travailles dans un microcosme où tes clients potentiels entretiennent des contacts entre eux et où tout se sait. Evite donc de faire des ennemis, rends hommage aux pipiers qui t’ont influencé ou aidé, ne te montre pas ingrat envers les personnes qui t’ont soutenu. Mais attention : ne confonds pas marques de reconnaissance et tentatives de corruption.

X. Ne pense pas trop vite que ta carrière est lancée.

La concurrence est rude. D’ailleurs la vague de nouveaux pipiers ne cesse de prendre de l’ampleur. Ne pense pas après des débuts couronnés de succès que tu es arrivé. Prépare-toi à des déceptions. Voici un scénario typique. Tu débutes et tu vends tes premiers produits à des amis et à des connaissances qui chantent tes louanges. Tu es flatté. Tu continues et tu t’améliores. Quelques collectionneurs commencent à s’intéresser à toi. Ils t’achètent une pipe. Ils ne sont pas mécontents et grâce à leurs recommandations, d’autres clients s’emmènent. Toutes tes pipes se vendent. Tu es convaincu que ta carrière est définitivement lancée. Possible. Mais pas certain. Si ton travail manque de style, si ton exécution technique n’est pas irréprochable, il se peut très bien que tes premiers clients ne reviennent pas. Quant aux collectionneurs qui t’avaient découvert, entre-temps ils s’intéressent déjà à d’autres jeunes loups. Au déferlement d’achats peut succéder le calme plat. Il n’y a qu’un seul remède : développer un style personnel, progresser au niveau esthétique, t’améliorer techniquement. Et continuer à soigner tes contacts, à attirer l’attention sur tes nouvelles pipes à la fois par le biais de courriels ciblés et dans des forums. Et surtout, continuer à pratiquer des prix attractifs.

Alors ? Toujours envie de devenir pipier ? Si oui, je te souhaite bonne chance.