la Gourd Calabash

par François Rizzi

24/10/05

Un peu d’histoire…

Longtemps avant que les allemands et les anglais ne s’installent en Afrique du sud, les tribus indigènes faisaient pousser une espèce de « gourd » (courge) avec une coquille très dure qu’ils utilisaient pour fabriquer toutes sortes d’ustensiles domestiques et de récipients divers.

Quand les marchands européens découvrirent cette terre, et en apportant leurs tabacs, ils introduisirent l’habitude de fumer auprès des indigènes. Il était tout naturel qu’après un moment ils finissent par utiliser les courges pour faire leurs propres pipes. Pour éviter les brulures ils recouvrirent l’intérieur du fruit séché avec de l’argile et fixèrent une tige creuse pour faire le tuyau. C’était le début de la pipe Calabash (Calebasse).

Celle que nous connaissons fut probablement inventée par les colons néerlandais installés en Afrique du sud depuis 1652 et fondateurs de la ville du Cap, appelés les Boers (terme néerlandais signifiant « éleveurs ») et ce dans le dernier quart du 19ème siècle. C’est au cours de la guerre de 1899-1902, opposant les Boers à la Grande Bretagne et aux autres membres du Commonwealth, que ce type de pipe s’est vraiment répandu.
A la fin de la guerre des Boers, à laquelle de nombreux officiers britanniques participèrent, dont Winston Churchill, elles furent ramenées en Europe par les anglais victorieux et leur forme et leur finition adaptées pour rencontrer les exigences de la classe aristocratique. La Calabash était devenue célèbre et son prix avait triplé. Les premières traces de véritable exportation sur le marché anglais datent de 1903 et n’a pas cessé depuis.
Des Calabash furent également fabriquées en France jusqu’avant la dernière guerre puis la fabrication fut abandonnée à cause des difficultés conjointes de l’importation de l’écume brute de des courges africaines.

L’origine des pipes Calabash Robert Strambach

A Vienne, en 1904, Edmund Jolitschke fonda une entreprise qui, au début, était dans la marché du cigare et de la cigarette puis spécialisé dans les pipes en écume de mer. En 1922, Robert Strambach devint le directeur et contribua à faire grandir la société. Il produisit, en plus des pipes en écume, des pipes Calabash et développa un procédé pour fabriquer une écume reconstituée économique de très bonne qualité sans colle pour conserver le gout naturel de l’écume.
En 1974, Edith Corrieri succéda à son père et fit rapidement ses preuves. Aujourd’hui la société Robert Strambach est le plus grand fabricant de pipes Calabash traditionnelles et également le seul en activité en Europe.

Chaque pipe Strambach Calabash est bien évidemment une pièce unique faite main avec art et savoir-faire, jouissant également d’un tuyau handcut fin et confortable en bouche.

Pipe Calabash et Sherlock Holmes

Ce type de pipe évoque immédiatement Sherlock Holmes et pourtant Conan Doyle ne donne dans aucun passage de son œuvre une description de cette pipe. Selon la légende, c’est en fait William Gillette, le premier interprète au théâtre du célèbre détective (septembre 1901) qui aurait imposé cette forme de pipe trouvant qu’elle allait mieux avec sa silhouette qu’une pipe droite classique. Pourtant aucun dessin, aucun photo, aucune pièce ni aucun film ne montrent une Calabash dans la bouche de Holmes avant son utilisation par Robert Woolsey de la troupe de vaudeville Wheeler and Woolsey dans le film The Nitwits en 1936. Woolsey apparaît avec une deerstalker et une calebasse à la bouche sur une photographie publiée dans le Los Angeles Times le 7 avril 1936. L’année 1936 serait donc la première apparition de la pipe Calabash associée à l'image de Sherlock Holmes, une image en fait plutôt à ranger dans la catégorie des parodies du célèbre détective.

Gros plan sur la Gourd Calabash traditionnelle

Les courges sont cultivées en Afrique du Sud et il faut leur faire prendre une forme spécifique pendant leur croissance ce qui est un travail long et minutieux.

Le corps de la pipe est constitué de la courge vidée, séchée et polie. Le fourneau à tabac est réalisé en écume de mer de nos jours amovible pour permettre le nettoyage de la courge. Les tuyaux étaient faits précédemment en ambre véritable, plus tard en ambroid (ambre pressée) ou en ébonite. Maintenant la grande majorité des tuyaux sont en résine imitant l’ambre (ambrolith).

Un joint cylindrique en liège collé sur la courge permet de maintenir la pièce d’écume en place fermement et d’assurer une bonne étanchéité. Sur la partie étroite de la courge un cylindre soit en bruyère soit en plastique recouvert d’une bague argent est collé afin d’éviter que la tige de la courge (qui est plus fragile que la bruyère) subisse des dégâts lorsque l’on introduit ou enlève le tuyau.

Lorsque l’on achète une pipe de ce type il est préférable d’acheter sa Calabash avec son support également, outil indispensable pour maintenir debout cette noble pièce. Le modèle le plus répandu, bien qu’assez difficile à trouver, est celui en photo à gauche, mais il existe notamment un autre modèle (popularisée par BC) présenté sur la photo de droite.

Quelques conseils d’entretien

Pour enlever le tuyau il est préférable de tenir par la bague en argent ou en bruyère afin d’éviter des pressions fortes sur la tige de la courge. Pour enlever la partie en écume il faut la tourner délicatement.

Pour le nettoyage de l’intérieur de la courge, une fois l’écume enlevée, remplir environ un tiers avec de l’alcool et remuer légèrement (comme par exemple pour un verre de cognac). 5 minutes plus tard vider la courge par la tige, il est alors possible d’enlever les dépôts dissous avec un chiffon.
Cette méthode peut toutefois sembler un peu radicale pour certains, il est donc possible, pour ceux qui préfèrent, de limiter le nettoyage de l’intérieur du fruit à un passage à l'intérieur de la tige de chenillettes un peu recourbées pour enlever l'excédent de résidus, voire un tout petit écouvillon en nylon.

La pièce en écume se nettoie comme une écume de mer classique :

Les inconvénients et avantages de la Gourd Calabash

Avant de parler des avantages il est à noter quelques inconvénients : il s'agit tout d’abord d'une pipe particulière et généreuse mais volumineuse ce qui la range indiscutablement dans les pipes d’intérieur. Elle est donc destinée à être fumée en statique, bien tranquillement. Elle est également assez lourde (entre 100 et 160g généralement) aussi il ne faut pas espérer la coincer entre deux dents, sans la tenir avec une main, cet encombrement peut donc en gêner certains. Le point faible principal est lié au joint en liège qui a tendance à adhérer à l'écume, et donc à se détériorer peu à peu avec les années quand on ôte le fourneau, il est donc préférable d’humidifier de temps en temps le liège (au pire il est toujours possible de le faire changer). Au niveau du perçage la Gourd Calabash est parfois montrée du doigt par les spécialistes pour avoir un conduit trop étroit pouvant nécessiter un tirage plus important que la normale et avec également une tendance à siffloter légèrement.

Mais c’est surtout sur les avantages d’une telle pipe qu’il convient de s’arrêter. C’est d’abord une superbe pièce de collection admirée au moins pour son esthétique par tous les amateurs de pipe. En terme de fumage, sa principale qualité est que la fumée arrive moins chaude que dans des pipes normales, certainement du fait qu'elle a le temps de refroidir dans la chambre constituée par le fruit, sous le fourneau en écume. Autre avantage, l'humidité ou la condensation reste au fond du fruit et ne remonte pas jusqu'au fumeur. Le foyer en écume, ne nécessitant pas de culottage préparatoire, est large et évasé permettant un remplissage facile, une combustion lente et aisée. Au niveau du gout, il est proche d’une écume de mer classique car la courge est neutre et n'influence pas le goût du tabac. Le corps de la Calabash est léger et poreux et à la longue, le fruit s'imbibant de "résidus de combustion" se patinera agréablement.