Font-ils un tabac ? n°36

par Erwin Van Hove

29/09/14

Peterson, Irish Flake

Un tabac de la marque Peterson of Dublin doit nécessairement être produit en Irlande, n’est-ce pas. Que nenni. Les tabacs Peterson sont aussi irlandais que vous et moi. En vérité, la boîte de tabac que voici a été fabriquée pour le compte de Kohlhase & Kopp. Est-ce donc un tabac allemand en fin de compte ? Pas du tout. K&K n’est pas équipé pour produire des flakes et sous-traite la production de tabacs pressés aux ateliers d’Orlik au Danemark. Bref, finalement cet Irish Flake est danois. Voilà.

Si après la lecture de ce petit article, l’envie vous prend d’acheter le flake en question, je dois vous mettre en garde. Il faut en effet savoir qu’en ce moment il se trouve sur le marché trois versions différentes de l’Irish Flake. Et oui. Tout a commencé quand au début de l’année, Mac Baren a obtenu les licences de la marque Peterson, ce qui fait que depuis, K&K n’a plus le droit de fabriquer et de distribuer des mélanges sous le nom de Peterson. Et comme Mac Baren n’a pas tardé à produire et à commercialiser la gamme de tabacs de la marque irlandaise, on trouve simultanément dans le commerce des boîtes encore invendues de l’époque K&K/Orlik et des boîtes fraîchement livrées par Mac Baren. Et ça ne s’arrête pas là. K&K ayant mal digéré la perte des licences, ils ont décidé de produire sous la bannière de Rattray’s des copies conformes de leurs anciens tabacs Peterson. Ainsi ils ont remplacé le Peterson Irish Flake par le Rattray’s Stirling Flake toujours produit par Orlik. Par conséquent, si vous êtes un fan inconditionnel de l’ancien Irish Flake, vous êtes désormais confronté à un dilemme : faut-il vous tourner vers le Peterson de Mac Baren ou plutôt vers le Rattray’s de K&K/Orlik pour retrouver votre flake bien aimé ? Pour vous aider dans votre choix, je vous renvoie à cette excellente analyse comparative en langue allemande : http://jogi-wan.blogspot.be/2014/03/peterson-irish-flake-mac-baren-kohlhase.html.

Moi, je déguste une boîte d’Irish Flake datant de 2013, donc de l’époque K&K/Orlik.

Je lis sur la boîte que le tabac est composé de parts égales de air cured, flue cured and dark fired. Autrement dit, c’est une recette à base de burley, de virginia et de kentucky. La boîte contient des flakes foncés assez étroits mais passablement épais qui sont soigneusement alignés et qui ne collent nullement. Il est donc très facile de sortir de la boîte des flakes individuels sans les abîmer. Le nez n’est pas du genre extraverti, ce qui ne lui empêche pas d’être complexe et fascinant. Pendant que je hume, je décèle une note vaguement fruitée, une minuscule touche de parfum Lakeland, une goutte d’oxo et un je ne sais quoi de médicamenteux. Mais c’est avant tout le kentucky avec son caractère torréfié et légèrement fumé qui fait sentir sa présence.

Malgré l’épaisseur des flakes, le triturage s’avère facile, tout comme l’allumage et la combustion. D’emblée, les premières bouffées donnent le ton : une bonne dose de vitamine N, une fumée assez crémeuse et pleine, des saveurs qui correspondent au nez. On distingue clairement l’apport du kentucky, mais il est parfaitement intégré dans l’ensemble. Niveau structure, l’Irish Flake est irréprochable : sucre, acide, sel et amertume sont en parfaite harmonie. La finale est exemplaire : intense, vigoureuse et ronde à la fois.

Ce n’est pas un flake du genre fruité et doucereux. Ce tabac s’adresse à ceux qui privilégient des mélanges francs et virils au goût de tabac. N’étant pas fan des tabacs Peterson, j’ai été très agréablement surpris. Ce flake germano-danois pourrait sortir tout droit de quelque traditionnelle manufacture à Kendal ou à Jersey. Recommandé.

Richmond, Navy Cut

Voilà que ça recommence. La Richmond Cavendish Co est établie à Liverpool, mais le tabac est produit au Danemark. Encore un anglais d’Orlik. Remarquez qu’on pourrait tout aussi bien avancer que c’est un tabac teuton puisqu’il est distribué exclusivement sur le territoire allemand.

Il est précisé sur la boîte qu’il s’agit d’un flake blond fait à partir de virginias mûrs. On mentionne également son arôme exquis, mais sans préciser les ingrédients. Voyons ça.

La présentation est soignée : voilà de très jolis flakes larges et pas trop épais qui ne collent absolument pas et qu’on peut sortir de la boîte sans qu’ils ne tombent en morceaux. Ici et là on voit du brun foncé et du blond, mais ce sont le brun clair et le fauve qui dominent. Le nez réserve une belle surprise : l’aromatisation est vraiment subtile, ce qui fait que les flakes dégagent une odeur subtile et introvertie de virginia : un peu de foin, une touche de pain frais, une pincée d’épices. A la bonne heure. Côté bourrage, on a le choix : les flakes se prêtent à la méthode du pliage, mais on peut également les transformer en brins.

C’est vrai, après l’allumage on décèle l’aromatisation sous forme d’une discrète note citronnée et d’une douceur agréable, mais à aucun moment on n’a l’impression de fumer un vrai aro. D’ailleurs, les saveurs sont plus épicées que fruitées et le sucre est contrebalancé par une présence saline et par le duo acide-amer. C’est donc un tabac équilibré. Ce n’est pas son seul atout : il se consume gentiment en lentement et à aucun moment il n’agresse la langue. Comme il se doit pour tout VA flake qui se respecte, les saveurs s’intensifient dans le dernier tiers.

Le Navy Cut ne m’a pas ébloui et je ne vais donc pas en racheter. J’ai besoin de sensations plus fortes. Ce n’est pas pour autant que je ne le recommande pas. Sa relative légèreté et son caractère bon enfant peuvent parfaitement convenir à l’amateur de VA blond ou aux amateurs d’aros qui veulent faire leurs premier pas dans l’univers du virginia.

Motzek, Typ 2 Scottish Blend

Voilà, j’ai fait mon devoir. L’échantillon de 5 pipées de Typ 2, je l’ai terminé comme un grand. Adieu, Scottish Blend.

Il s’agit d’un ready rubbed fait à partir d’un mélange de burley et de virginia pressés auquel a été ajouté du cavendish aromatisé. Déjà les couleurs nettement plus blondes et fauves que brunes m’inquiètent. Je m’attends donc à l’insupportable légèreté de l’herbe, à du foin sucré, à de l’amertume désagréable, à des morsures de langue.

Je peux vous dire avec fierté que je ne me suis pas trompé !

Les premières bouffées correspondent au nez : du caramel et du sirop d’érable, une petite note grillée. Ma foi, ce n’est pas mauvais, d’autant plus que la fumée est assez crémeuse. Mais bien vite, ces saveurs flatteuses commencent à s’estomper, pendant qu’une amertume désagréable prend de l’ampleur et que des acides corrosifs commencent à graver ma langue à l’eau forte. Parallèlement j’ai un insistant goût de cendre en bouche. Beurk. Cependant, force m’est de reconnaître qu’une fois sur cinq, le fumage était moins désagréable, ce qui ne veut pas dire pour autant que le Scottish Blend de Motzek a réussi à me charmer. Même dans ses meilleurs moments, ce genre de mélange aérien et superficiel me laisse cruellement sur ma faim.

Je concède qu’il existe des aros nettement plus horribles que celui-ci et j’imagine même que le Typ 2 peut combler le typique amateur de mélanges aromatisés et légers. Au fumeur de tabacs naturels et robustes, par contre, ce blend n’a strictement rien à offrir.