Errances d’une volute

par Laurent M

01/08/22

Saison 23 - Cornell & Diehl - Habana Daydream, l’anti-Charité

Dans la mythologie grecque, Euphrosyne est l'une des trois Charités, fille de Zeus et de l'Océanide Eurynomé. Elle est la sœur d'Aglaé et de Thalie. Elle représente la Joie poussée à son sommet, l'acclamation, la bonne chère, le courage, la confiance, l’allégresse, la jubilation, l'hilarité, le plaisir, la gaieté et la joie de vivre. Là, on peut affirmer sans contrevenir à notre sens commun de fumeurs que c’est ce que nous attendons d’un tabac mais aussi de toutes les bonnes choses que nous offre la Nature, alliée au travail des Hommes. Nous lisons des avis, écoutons les fumeurs et l’on se délecte par avance, aux propos lus et entendus, aux délices de la dégustation, tout comme on peut se réjouir d’un repas à venir à la simple olfaction des effluves qui sortent d’une cuisine.

Dès lors, avec le Habana Daydream, je ne pouvais que me féliciter de goûter ce qui avait l’air de paraître plaisant aux papilles des autres. Après tout, lorsqu’on lit la description d’un tabac qui est “A flavorful blend of Virginias, perique, unsweetened black cavendish with a dash of latakia and a spoonful of rich cigar leaf.” (Un mélange savoureux de Virginias, de perique, de cavendish noir non sucré avec un soupçon de latakia et une cuillerée de riche feuille de cigare.), on a l’eau qui vient à la bouche. On se sent comme le révérend Dom Balaguère qui expédie de plus en plus vite ses trois messes de Noël parce que l’odeur des dindes lui grimpe à l’esprit, dans ce délicieux et si drôle Conte de Noël d'Alphonse Daudet*

Il faut lui reconnaître un aspect appétissant.

Habana Daydream

Une coupe assez fine, des bruns mordorés tirant légèrement vers le roux et l’auburn, des pointes sombres avec des éclats fauves plus clairs, tout cela donne un aspect réjouissant. L’odeur est par contre plus ténue. Pas évident de se rappeler l’odeur dégagée par le Habana Daydream. Il y a une odeur de terre, c’est notable, avec des relents de fruit à coque poussant sur l’amande et la graminée effritée entre les doigts. Ensuite, on va opérer par retranchements successifs des sensations. Pas de pain grillé, pas de boulangerie, pas de pointe d’acidité, pas d’aromatisation. Voilà bien un tabac dont l’odeur ne se fixera pas dans la mémoire.

A l’allumage, l'impression générale qui se dégage est la douceur, à la limite de l’insignifiance et de la couleur de passe-muraille. Un goût assez sucré dans l’ensemble, sans pointe d’amertume mais sans force qui terrasse. Les amateurs de secouage nicotinique en seront pour leurs frais. Pas vraiment de caractère non plus. C’est bon et c’est plaisant comme un remake de choses déjà fumées, goûtées, appréciées et oubliées. La douceur tire vers le douceâtre, puis vers le caramel brûlé.

Je pensais que l’ajout de feuilles de cigare allait ajouter de la force à ce mélange mais il n’en est rien, au point de se demander s’il y en a vraiment. Quant au latakia, mes papilles le cherchent encore et me demandent de poser un avis de recherche.

Comment te dire adieu ?

Lui dire adieu est facile : adieu, so long, au revoir, auf Wiedersehen, goodbye. C’est facile finalement de quitter un tabac qui a autant d’insignifiance qu’un emballage de jambon vide. Peut-être me trouverez-vous sévère, particulièrement partial et vraiment pas charitable. C’est le jeu des tests et je respecte l’avis de celles et ceux qui trouveraient ce tabac très bon pour une consommation quotidienne. Mais justement, je ne fume pas de tabac quotidiennement et j’attends de mon expérience de fumage qu’elle m’offre une autre onomatopée que : Bof ! Non, aucune charité, vraiment.

Rubens - Les trois Grâces


Pierre Paul Rubens - Les trois Grâces - Photo (C) RMN-Grand Palais / Tony Querrec - https://fr.wikipedia.org/wiki/Charites*



Les trois Messes Basses


Les trois Messes Basses. Film de Marcel Pagnol d'après Les Lettres de mon Moulin d'Alphonse Daudet. 1954. Avec Fernand Sardou
Vidéo*