Balkan Sobranie

par Renzo

30/01/12

Balkan Sobranie – Original Smoking Mixture

Balkan Sobranie par-ci, Balkan Sobranie par-là, cela finit par vous énerver le plus placide des fumeurs de pipe. Il n’y aurait donc point de salut pour le Latakiophile après ce mythique mélange ?

Il me fallait en avoir le cœur net et goûter ne serais-ce qu’une fois ce Balkan de légende. Le prix du Balkan Sobranie en boite étant vraiment déraisonnable, j’ai profité d’une vente sur eBay qui ne semblait pas vouloir trop décoller, pour me procurer une « version mineure » de ce tabac, le BS en pochette. C’est ainsi qu’une pochette scellée de ce tabac parvint, après plusieurs semaines d’errances postales, entre mes mains. J’avais naturellement la crainte d’avoir dépensé mes bons euros pour un tabac qui se révélerait sans intérêt. La suite me prouvera que mes craintes étaient infondées.

Dans ce qui suit vous trouverez peut-être que certains passages sont exagérés, que mon côté rital confine au « marseillais », en toute amitié pour les Marseillais bien entendu ! Sachez que je me suis efforcé de rester le plus posé possible dans mes commentaires, mais lors de certains fumages, en particulier dans les pipes en morta, les sensations ont atteint un niveau d’intensité tel que seuls des mots forts, des superlatifs, peuvent rendre justice au contenu de cette pochette.

Les avis sur le Balkan Sobranie « version pochette » sont assez contrastés. Certains le décrivent comme un tabac tout juste moyen, d’autres en parlent comme d’un très bon mélange. Presque tous s’accordent pour dire qu’il est inférieur à celui vendu en boite. Je ne saurai confirmer ou infirmer ces dires. Par contre le tabac contenu dans la pochette qui m’est parvenue des USA ne correspond en rien aux descriptions de médiocrité lues un peu partout sur le Web.

La première énigme à laquelle j’ai été confrontée était l’âge de cette pochette.

D’après le vendeur, cette pochette daterait de la fin des années 70. Cela m’a semblé exagéré.
Cela dit, ce tabac n’est pas tout jeune si j’en juge d’après l’aspect du tabac à l’ouverture de la pochette : une herbe presqu’entièrement noire et complètement soudée en un bloc, le tout très sec. 10 ans, 15 ans, plus ?

A l’ouverture de la pochette la dominante est clairement celle du Latakia, délicatement fumé. De subtils effluves vineux indiquent qu’il s’agit de Latakia syrien. Au « deuxième nez » percent des touches orientales. L’ensemble est discret. Des années passées à l’abri de l’air et de la lumière ont manifestement assagi les ardeurs aromatiques de ce Blend, du moins en ce qui concerne le nez.

Les choses changent radicalement lorsque ce Balkan Sobranie, sorti de son sarcophage en papier aluminisé, entre en contact avec les parois d’une pipe et le feu d’une allumette !! Dans une pipe en bruyère, après 10-15 minutes, mon commentaire « in petto » fut « Wow ». Mais dans une Morta je me suis transformé en loup hurlant, façon Tex Avery ! Vous voyez l’image ? La langue qui se déroule, les yeux exorbités, la longue plainte qui déchire les tympans des voisins. J’ai dû m’en expliquer avec le syndic de l’immeuble qui lui n’entrave que dalle aux joies d’un grand tabac !

Blagues à part, le fumage de ce tabac fut une expérience marquante. Les débuts étaient entre sotto voce et poco forte, mais rapidement cela allait crescendo pour terminer fortissimo et dans certains cas fortississimo.

La puissance des arômes, l’intensité physique de la douceur, le rythme impulsé par les notes poivrées et les épices ont dépassé de loin tout ce que j’ai pu goûter jusqu’à présent. Avec ce tabac il n’est pas question de parler de subtilité, de suavité. Tout est exacerbé, poussé à son paroxysme.

Je ne saurai dire si cette version pochette du Balkan Sobranie est comparable à son « noble cousin » en boite métallique. Par contre une chose est certaine : c’est un grand tabac, un mélange extraordinairement bien intégré et complexe, passionnant.

Si vous aimez les mélanges au Latakia et vous avez l’occasion de vous en procurer une pochette scellée à un prix « raisonnable », faites-le. Trouvez-lui une bonne fumeuse, allez-y très doucement… et avec un peu de chance (tomber sur « la bonne pochette ») vous ne le regretterez pas !

Ce Balkan Sobranie « version pochette » était (malheureusement l’imparfait s’impose) sans l’ombre d’un doute un concentré aromatique qui mérite le surnom de « TNT du Latakiophile ».

Hermann Hennen PDG Poker Morta

Allumage : douceur discrète et plaisante, nette perception de la note fumée du Latakia, léger picotement sur la langue, sans agressivité.
1er tiers : la douceur reste présente et s’intensifie même un peu mais les arômes fumés allument un contre-feu très efficace.
Milieu de bol : le Latakia domine les débats avec toujours cette belle douceur de fond, physique.
Fin de bol : je reste en pays latakié, densité des arômes, encens, fumés-boisés. Finale âcre-amère, sombre, fort agréablement contenue par un reste de douceur qui contribue à former un ensemble compact, entier. Une fin en puissance, impressionnante. Un tabac d’homme quoi !

P.S. : l’intensité finale était telle, que j’ai décidé de poser la pipe et de la reprendre le lendemain, juste par curiosité. Résultat étonnant, détonnant serait d’ailleurs un terme plus adapté. Imaginez de fumer du lait condensé fumé. C’est l’image la plus proche que j’ai trouvée pour décrire cette fumée charnue à la douceur profonde, derrière laquelle percent des accents d’encens sur fonds de feu de camps et de sous-bois. Puissant !!

Hermann Hennen PDG Poker Morta – 2ème fumage (15 jours plus tard)

Il me fallait vérifier… des fois que les impressions de la première tentative ne soient que le reflet de mon imagination !

Allumage : même douceur qu’au premier fumage, les notes fumées du Latakia sont toujours bien présentes mais cette fois pas de picotements. Les arômes d’encens sont perceptibles dès les premières bouffées.
1er tiers : le début du bol se présente comme lors du premier fumage, douceur fumée complétée par des arômes boisés et d’encens. Un léger picotement se fait sentir, stimulant.
Milieu de bol : densité, douceur littéralement palpable, les arômes puissants du Latakia laissent tout de même une place aux orientaux. Ensemble complexe et bien intégré.
Fin de bol : finale en apothéose, comme pour le premier essai. Vulcain est venu se loger dans cette pochette de BS. Je n’en fumerai peut-être jamais d’autres, mais que cet argent a été bien investi !!

Thierry Melan « Kilimandjaro »

Allumage : attaque assez douce, la note fumée du Latakia domine
1er tiers : douceur en arrière-plan mais néanmoins bien perceptible. Le côté fumé du Latakia domine largement le tableau, mais les arômes plus profonds, en particulier l’encens, percent dès le début du fumage. L’ensemble prend rapidement du corps et de la puissance.
Milieu de bol : le tableau aromatique reste constant, douceur en arrière-plan, Latakia dominant, avec un léger picotement, stimulant. L’oriental vient compléter l’ensemble par des arômes plus organiques, ronds, formant un bel ensemble.
Fin de bol : la présence aromatique reste intéressante jusqu’à la fin du bol, avec un joli jeu entre le Latakia et l’oriental, plus équilibré et intéressant.

Sans atteindre les sommets quasi paroxystiques révélés par la Poker Morta de Hermann Hennen, cette petite « Kili » de Thierry Melan au foyer conique se révèle une bonne compagne pour cet ancêtre vigoureux.

Valery Ryzhenko « freehand chubby »

Allumage : douceur très discrète, en arrière-plan, prédominance des notes fumées du Latakia
1er tiers : fumé, fumé, fumé… un rendez-vous pour les amateurs de certains liquides écossais où se marient la tourbe et la fumée !
Milieu de bol : la douceur reste présente, toujours très discrète. L’oriental réussit à percer et apporte des arômes profonds, organiques. Le Latakia apporte ses épices résinées – encens.
Fin de bol : l’ensemble devient sombre et intense, costaud comme on dirait dans mes campagnes, très costaud même. Ici aussi, personne ne soupçonnerait que le Latakia se soit « affadi » durant les années de réclusion au fond de sa pochette.

Note : cette Valery Ryzhenko est de petite taille (courte). Malgré un fumage de plus précautionneux, la fumée qui parvient dans la bouche est tiède. Cela semble exacerber les arômes fumés.

Roland Schwarz Freehand

Allumage : douceur discrète, note fumée bien perceptible.
1er tiers : le Latakia domine, la douceur de fond reste bien perceptible, les orientaux arrivent à percer.
Milieu de bol : les arômes profonds du Latakia s’expriment pleinement, accompagnés des épices turques, le tout arrondi par une douceur plus intense et complété par une amertume qui donne un beau coup de peps à l’ensemble. Puissant.
Fin de bol : finales puissante, sombre et complexe, un peu moins de subtilité côté arômes mais toujours une belle douceur.

David Enrique Liverpool in the Fall

Allumage : douceur discrète, les notes fumées du Latakia dominent
1er tiers : les notes fumées restent au premier plan, douceur discrète qui se renforce nettement sur la fin du premier tiers pour devenir physiquement perceptible (nette sensation de douceur sur la langue). Les orientaux font leur apparition.
Milieu de bol : bonne présence des orientaux qui arrivent à l’équilibre avec les notes fumées du Latakia qui commence à délivrer ses arômes profonds. Douceur très légèrement piquante qui apporte du dynamisme à l’ensemble. Des notes de réglisse, de tisane de fenouil (très doux) complètent le tableau. Ensemble harmonieux, rond, très satisfaisant.
Fin de bol : le dernier tiers du bol est dans la continuité, un rien plus dense et corsé, sans perdre en nuances. Honnêtement : deux heures de pur bonheur pipier !

Note : cette David Enrique a donné sa pleine mesure avec ce tabac, permettant un fumage très lent. Le tabac couvait en sourdine permettant aux arômes de se révéler dans toute leur subtilité.

Davorin Denovic Morta Freehand

Allumage : sensation physique de douceur sur la langue, notes vineuses, fumée discrète
1er tiers : persistance de la douceur « physique », léger picotement, poivré, agréable et stimulant, notes fumées un peu plus soutenues. Les orientaux se manifestent discrètement.
Milieu de bol : Plus de densité et de puissance avec une douceur intense de lait condensé. Les orientaux sont bien présents et le Latakia libère ses épices. Ensemble complexe, sombre, terreux et puissant. Passage très intéressant pour l’amateur de sensations fortes.
Fin de bol : le morta joue manifestement son rôle de catalyseur d’arômes. Les sensations s’approchent sensiblement du fumage dans la Poker Morta de Hermann Hennen (PDG). Finale d’une extraordinaire intensité et puissance, mais toujours très nuancé et complexe. Aucune déperdition d’arômes, bien au contraire. Des notes vineuses, comme au départ mais en plus intense, viennent enrichir le tableau aromatique (Latakia Syrien).

La puissance de l’ensemble est étonnante et continue de me surprendre par une douceur qui persiste littéralement sur la langue. La comparaison avec la longueur en bouche d’un grand vin s’impose.

Davorin Denovic Morta Freehand – 2ème fumage (10 jours plus tard)

Un deuxième fumage s’imposait…

Allumage : douceur façon « lait condensé » dès les premières bouffées. Notes fumées discrètes. Je ne retrouve pas les arômes vineux en début de pipe.
1er tiers : les notes fumées se renforcent légèrement, belle densité et douceur palpable. Les accents vineux se manifestent, accompagnées de ce picotement vivifiant que j’avais déjà noté lors du premier fumage. Les orientaux sont présents en trame de fond. Le tout forme déjà un tableau d’une belle complexité.
Milieu de bol : densité, douceur, poivre et arômes profonds du Latakia, surtout des notes d’encens et de résine. Les arômes vineux du Latakia se manifestent régulièrement (par intermittence). Les orientaux percent par moments avec des notes organiques. Le picotement vivifiant reste présent sans gagner en intensité. Le milieu de bol est de nouveau un passage d’une complexité et d’une richesse extraordinaire.
Fin de bol : même finale en apothéose que lors du premier fumage.

Trever Talbert « Petit pot Morta »

Allumage : très discret, aucune sensation de douceur, seul le fumé du Latakia ressort et une certaine âcreté. Peu d’évolution notable sur une grande partie du (tout petit) bol.
En toute fin de fumage des arômes d’encens se font jour et les notes fumées se renforcent. Aucune douceur n’est perceptible et l’âcreté de l’ensemble se renforce sur la fin.
Cette petite pipe, pourtant très copine avec le Pirate Kake, n’arrive pas du tout à s’acoquiner avec ce Balkan Sobranie. Ce BS a manifestement besoin de volume pour pouvoir s’épanouir.

David Enrique Long shanked poker

Allumage : douceur bien perceptible, notes fumées et arômes épicés.
1er tiers : la douceur s’intensifie un peu. Le Latakia domine avec des arômes vineux, de l’encens et de la résine, le tout enrobé d’une bonne couche fumée. Les orientaux sont perceptibles en arrière-plan.
Milieu de bol : durant la deuxième partie du fumage le Latakia est les orientaux s’équilibrent pour former un ensemble très harmonieux et riche, complété par une douceur remarquable avec par moment des accents de caramel. La fumée devient dense, crémeuse.
Fin de bol : finale complexe, aromatique, sombre. Notes fumées plus intenses. Douceur persistante jusqu’à la fin du bol.

Note : il s’agit du tout premier fumage avec cette pipe de David Enrique.

Le Latakia s’affadirait en vieillissant… j’ai lu cela à plusieurs reprises. Je n’ai pas assez d’expérience pour pouvoir confirmer ou infirmer cela. Une chose est par contre certaine : le Latakia contenu dans ce Balkan Sobranie Original Smoking Mixture ne semble pas avoir souffert des années passées dans sa pochette scellée. La puissance expressive du Latakia utilisé pour ce blend est tout simplement époustouflante.