ElémentaireS, mon cher Watson

par ChrisHarps

02/09/13

Elémentaires au pluriel ou un petit condensé pour répondre aux questionnements techniques d’un aspirant fumeur de pipe et pour éviter qu’il se noie…

Voilà presque 5 années que je pratique avec plaisir et délectation cette passion que nous avons en commun, l’art de fumer la pipe. Pas tout à fait, à vrai dire. Je mentirai si j’occultais les premiers mois de cette aventure, qui sans notre communauté FDP, auraient pu rapidement se solder par un échec cuisant pour mes muqueuses et mon portefeuille. Ces dernières semaines, un emploi du temps trop chargé m’empêche de prendre une part active à nos discussions passionnantes. Lorsque 5 minutes de loisir me permettent une connexion, j’ai des dizaines de sujets de retard. Je remarque aussi avec plaisir que le nombre de nouveaux membres s’accroit, mais que je passe le peu de temps que j’ai à d’autres fils que ceux de leurs présentations, que je survole. Et je constate bien évidemment, que les interrogations aux difficultés rencontrées par les petits nouveaux restent les mêmes d’année en années. Je ne prends plus souvent le temps d’y répondre et j’avoue que d’autres le font très bien. Mais j’éprouve quelques fois le sentiment de ne pas faire aumône charitable et de ne pas rendre justement ce que l’on m’a donné. C’est pour cela que j’ai concocté ce petit article, en y condensant ce qui me semble essentiel pour bien profiter de ses premières pipes. Je vais essayer de donner dans l’ordre, les étapes indispensables pour bien préparer sa pipe.

Je vais laisser de côté la question du choix du tabac, de la pipe, pour ne parler que de l’aspect technique et la manière dont je m’y prends et qui me réussit.

1 LE SECHAGE DU TABAC

Ce n’est pas le cas de tous les mélanges proposés, mais certains ont une hygrométrie trop élevée pour obtenir une bonne combustion, souvent le cas des aromatisés. Ne pas laisser sécher le tabac avant allumage reviendrait à faire un feu avec du bois vert. Il m’est difficile par écrit de décrire le taux d’humidité adéquat, il vous faudra faire votre propre expérience. Cela varie aussi en fonction des tabacs, mais un tabac trop sec perd souvent de sa subtilité. Toutefois, à mes débuts, je préférais qu’il soit un peu trop sec. Les méthodes que j’emploie aujourd’hui sont en fonction du mélange. Parfois je laisse le paquet ou la boîte ouvert en surveillant « l’évaporation », et d’autres fois j’isole une quantité suffisante à 7 ou 8 pipes que j’amène à bonne hygrométrie en la posant sur du papier absorbant le temps nécessaire. Ensuite je la mets dans une autre boîte. Si j’ai été trop loin dans le temps de séchage, je prélève une petite quantité de la boîte initiale et je l’incorpore à la seconde boîte. Au bout d’une journée, l’osmose a fait son travail et l’ensemble est prêt à être consommé. Sachez tout de même que les brins de tabac doivent rester souples au toucher, pas cassants, ni collants.

2 LE BOURRAGE DU TABAC

Il y a plusieurs méthodes, je n’exposerai ici que celles que j’utilise. Il faudra les adapter en fonction de la coupe de son tabac, mais on va partir du principe que l’on a sous la main un tabac en coupe « traditionnelle », quoiqu’ avec un flake bien préparé, je procède de la même façon. On décrit cette méthode qui s’exécute en 3 phases, en disant que l’on utilise pour bourrer sa pipe, tout d’abord la force d’un doigt d’enfant, puis celle d’un doigt de femme, pour finir avec la force d’un doigt d’homme. Il s’agit donc de bourrer sa pipe avec 3 quantités de tabac qui se superposent.

Avant tout, il faut bien émietter son tabac en le roulant un peu entre les doigts pour obtenir un ensemble homogène, des brins aérés qui ne soient pas comprimés, puisque nous allons nous même décider du taux de compression en le bourrant dans notre foyer.

La première pincée ne doit pas être tassée ou très peu. Elle sert à la fois à la bonne « ventilation de la pipe » en créant un coussin d’air devant l’orifice du tuyau, mais aussi à amortir le tassage du tabac en cours de fumage. Pour bien comprendre, imaginons le contraire, supposons que l’on tasse fortement cette première pincée…Il nous serait alors impossible de tirer sur notre pipe, car le perçage de la tige serait bouché.

La deuxième pincée, qui va presque remplir le bol avant tassage, doit être comprimée légèrement. Là aussi si nous tassons trop fortement, la première pincée qui nous sert de coussin d’air ne résistera pas et notre tirage sera compromis. Il est possible, après cette seconde étape, de vérifier le tirage de notre pipe, tirage qui doit être très facile.

Vient donc le tour de notre dernière pincée. Elle remplit le bol avant tassage. J’utilise mon pouce posé à plat et non verticalement sur le dessus du foyer pour tasser doucement l’ensemble des brins en faisant tourner la pipe dans mes mains. Une fois cette opération terminée, il reste 2 ou 3 millimètres entre le bord du foyer et la surface du tabac.

A ce moment-là je vérifie que mon tirage est correct, c’est-à-dire que j’obtiens une légère résistance en aspirant. Il vaut mieux un tirage trop facile qu’un tirage obstrué. Si je le trouve trop difficile, je vide ma pipe et recommence tout depuis le début ! Si je trouve que c’est légèrement trop tassé, je démonte le tuyau et je passe une chenillette dans la tige jusqu’au fond du foyer. Cette opération permet souvent de dégager le perçage au fond du bol en écartant les quelques brins de tabac qui se situent devant et donne un peu d’aise à ce que j’appelle le coussin d’air. Ensuite je remets le tuyau en place. Si je ne l’avais pas démonté, j’aurais pris le risque en retirant la chenillette d’y introduire un ou deux brins de tabac et de gêner le tirage.

Notez que cette chenillette pourra être utilisée lors du fumage et cette fois-ci sans démonter le tuyau (surtout pas !). Si la pipe est convenablement fabriquée, il est possible de passer la chenillette jusqu’au fond du bol et ainsi absorber une éventuelle humidité ou chasser un brin de tabac entré dans le tuyau ou la tige.

3 L’ALLUMAGE

Une étape capitale que je trouve trop peu souvent évoquée. Pour cela j’utilise la plupart du temps un briquet gaz avec une flamme inclinée « spéciale pipe ».

allumage pipe
allumage pipe

Je m’y reprends souvent à 3 fois minimum. Il s’agit d’allumer l’ensemble du plateau en faisant tourner la flamme du briquet sur toute la surface du tabac pendant que l’on tire sur sa pipe. Après la première flamme, les brins de tabac se redressent et je les replie en posant délicatement le tasse braise dessus, tout en aspirant. Je réitère l’opération une deuxième et une troisième fois. De cette manière, la braise est homogène et d’une certaine épaisseur. Une bonne base sans laquelle je devrais très certainement user du briquet pour « rallumer » à tout va ! Rallumer sa pipe en cours de fumage n’est pas grave, mais le moins possible prouvera que le bourrage, l’allumage et le fumage sont maîtrisés et préservera les saveurs du tabac qui se dégradent si ce dernier surchauffe.

4 LE TASSAGE ET LE FUMAGE

Tout au long du fumage, il va falloir user du tasse braise. Pourquoi ?

Parce qu’en voulant maintenir une combustion dans une pipe, nous agissons à l’inverse d’une combustion « naturelle ». Normalement le feu se propage vers le haut, car les gaz formés lors de la combustion montent et s’enflamment en brûlant avec eux la matière présente sur le dessus. Si nous prenons le cas d’un arbre, en l’allumant par la cime, il y a de fortes chances pour que le feu s’éteigne. Si par contre, nous l’allumons à sa base, à coup sûr le feu se propagera jusqu’à sa cime.

Donc pour ce qui est de notre cas, il y a 2 actions qui nous permettent de garder notre tabac allumé. La première c’est l’aspiration, la deuxième c’est le tassage de la braise, tassage vers le bas, cela va sans dire. Lorsque je fume ma pipe, je tire dessus régulièrement, par petites aspirations. Cela me permet de garder les braises actives sans surchauffer le tabac et la pipe. Pour aider la braise à rester en contact avec « la suite du tabac », il faut régulièrement la tasser en passant délicatement le tasse braise (appelé aussi bourre pipe) sur l’ensemble du plateau. Attention à ne pas exercer une pression importante, ce qui engendrerai le bouchage de la pipe. Attention aussi à continuer de tirer sur sa pipe lorsque l’on « tasse ».

Je me rappelle une phrase de Erwin Van Hove qui m’a beaucoup aidée lors de mes débuts : « Le feu doit couver sous la cendre ». Il s’agit alors comme le ferai un naufragé perdu sur une île déserte et qui vient de craquer sa dernière allumette, de porter toute son attention à celui-ci pour ne pas qu’il s’éteigne. Au bout d’un certain temps, cela devient un réflexe et l’on a davantage l’esprit à savourer son tabac.

Petite précision quant à la fumée de sa pipe…on ne l’avale pas, c’est la bouche qui déguste ! On peut aussi faire passer un peu de la fumée par son nez, puisque c’est dans le nez que l’on détecte les arômes et les parfums ; la langue se chargeant des saveurs, l’acide, le sucré, le salé…

J’allais presque oublier un détail fâcheux. Les zigouigouis, les filtres métalliques trouvés sur de nombreuses bouffardes. Vous les enlevez, tout simplement et vous vous en faîtes des colliers! Ce gadget va poser des problèmes de tirage, créer de la condensation et l’impossibilité d’y passer une chenillette.

Mon article touche à sa fin et n’est sûrement pas complet, les conseils prodigués sont ceux qui m’ont amenés au plaisir de fumer la pipe, libre à vous d’y apporter votre touche personnelle et d’en faire part aux copains pour que le partage continue.

Bonne pipe
Christophe Wolff (ChrisHarps)